20 octobre 2011
Elle ne s'est pas laissée dévorer par le loup
Se laisser + infinitif, accord du participe passé; elle s'est laissée dévorer, elles se sont laissées dévorer, ils se sont laissés dévorer; elle s'est laissé dévorer, elles se sont laissé dévorer, ils se sont laissé dévorer; grammaire française; orthographe d'accord.
- Tristane est une jeune femme gracile, sans doute ambitieuse, sans doute un peu inconsciente des codes parisiens, avec pour tout viatique ses yeux bleus couleur lac gelé et sa silhouette gracile d'adolescente grandie trop vite.
(Françoise Laborde, dans Le Devoir du 15 octobre 2011.)
Gracile, c'est très joli, mais une fois suffit :
Tristane est une jeune femme gracile, sans doute ambitieuse, sans doute un peu inconsciente des codes parisiens, avec pour tout viatique ses yeux bleus couleur lac gelé et sa silhouette gracile d'adolescente grandie trop vite.
Tristane est une jeune femme gracile, sans doute ambitieuse, sans doute un peu inconsciente des codes parisiens, avec pour tout viatique ses yeux bleus couleur lac gelé et sa silhouette gracile d'adolescente grandie trop vite.
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- Tristane voulait être journaliste, écrivain, sortir des sentiers tracés pour elle par une mère introduite dans le milieu de la gauche parisienne, marquée aussi par l'absence d'un père parti après sa naissance. Mais peu importe l'histoire de Tristane.
À quoi se rapporte le participe marquée? Étant donné la construction de la phrase, on est d'abord tenté, un court instant, de le rattacher à une mère, cet élément étant déjà accompagné du participe introduite. Mais ce n'est évidemment pas ce que madame Laborde a voulu dire : c'est Tristane, la fille, qui a été marquée par l'absence d'un père parti après sa naissance. Je suggérerais :
Marquée par l'absence d'un père parti après sa naissance, Tristane voulait être journaliste, écrivain, sortir des sentiers tracés pour elle par une mère introduite dans le milieu de la gauche parisienne.
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- Vous n'avez pas fait comme la chèvre de Monsieur Seguin : vous ne vous êtes pas laissée dévorer par le loup.
Le participe passé du verbe se laisser doit rester invariable dans cette phrase, pour une double raison :
- Selon la grammaire traditionnelle, on respecte la règle suivante, énoncée dans le Multidictionnaire : « Le participe passé de la forme pronominale suivi d'un infinitif s'accorde avec le complément direct lorsque celui-ci fait l'action exprimée par l'infinitif. » Bien entendu, ce n'est pas Tristane Banon, représentée par le pronom vous, qui aurait fait l'action de dévorer.
- Selon les rectifications de l'orthographe, on n'a même pas à se poser de question : « Le participe passé laissé suivi d'un infinitif est invariable (avec l'auxiliaire avoir ou en emploi pronominal), comme c'était déjà le cas pour le participe passé de faire. » (Grand vadémécum de l'orthographe moderne recommandée.)
Peu importe la règle que l'on décide de suivre, il faut écrire :
Vous n'avez pas fait comme la chèvre de Monsieur Seguin : vous ne vous êtes pas laissé dévorer par le loup.
Line Gingras
Québec
« DSK – La triste affaire Tristane Banon » : http://www.ledevoir.com/societe/justice/333665/dsk-la-tri...
20:25 Publié dans Cultiver le doute, On ne se relit jamais trop, Questions de langue | Lien permanent | Tags : langue française, journalisme, presse, médias