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19 janvier 2015

L'association s'est indigné

  • [...] l’association Dessins pour la paix, mise au monde par le caricaturiste du quotidien Le Monde Plantu, et dont Cabu était membre, s’est indigné devant l’attaque terroriste dont a été victime la rédaction de Charlie Hebdo, appelant à la résistance face à l’obscurantisme [...]
    (Fabien Deglise, dans Le Devoir du 8 janvier 2015.)

Comme le signale Marie-Éva de Villers, le participe passé du verbe pronominal s'indigner s'accorde toujours en genre et en nombre avec le sujet du verbe :

[...] l’association Dessins pour la paix, mise au monde par le caricaturiste du quotidien Le Monde Plantu, et dont Cabu était membre, s’est indignée devant l’attaque terroriste dont a été victime la rédaction de Charlie Hebdo, appelant à la résistance face à l’obscurantisme [...]

Line Gingras
Traductrice agréée (OTTIAQ, ATIO)
Réviseure pigiste
Québec

« Indignation et résistance » : http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/428...

Il n'y a pas que ce que l'on dit; la manière dont on le dit, c'est un message aussi.

02 novembre 2008

Une puce obstinément française

Ensemble vocal André Martin; EVAM; Les jours s'en vont..., je demeure; chant choral; chansons a cappella; concert à l'église Notre-Dame-des-Victoires, Québec.

Ah! l'agaçante puce :

Quand mes yeux je pense livrer au sommeil,
Elle vient me piquer, me démange, et me point, et me garde de dormir.

Jean-Antoine de Baïf, à qui sont attribuées les paroles de cette chanson de Claude Le Jeune (Une puce), vivait au XVIe siècle; il s'exprimait en français, à l'évidence, même si nous avons parfois un tantinet de misère à comprendre certains des mots et des tournures qu'il emploie.

Par « nous », je veux dire la vingtaine de choristes composant cet automne l'Ensemble vocal André Martin, qui donnera dans trois semaines un concert où sera à l'honneur la chanson française a cappella, de Ronsard à Félix Leclerc.

Que fait donc au juste cette puce qui « me pique, me démange, et me point »? N'est-ce pas « pointe » qu'il faudrait lire? nous sommes-nous demandé un soir de répétition. Pointe, présent de l'indicatif du verbe pointer?

J'ouvre mon dictionnaire d'ancien français – où je trouve des arguments convaincants, oui, mais en faveur du verbe poindre. Sens 1 : piquer; sens 3 : éperonner; sens 8 : faire souffrir, incommoder.

Ainsi, les cruelles puces du temps jadis sont demeurées telles aujourd'hui : obsédantes ritournelles de nos amours elles nous tourmentent, sans répit. Mieux vaut en rire...

Peu importe le siècle auquel nous appartenons, francophones d'Europe ou d'Amérique, nous vivons d'eau et de lumière; de tendresse, de jeux et de folie; de joies et d'espoir; et quelquefois de regrets atrocement doux. Cette âme qui demeure, et que révèlent nos chansons, s'incarne dans notre langue commune.

Qu'ils s'appellent Charles d'Orléans, Pierre de Ronsard, Clément Marot, Guillaume Apollinaire, Félix Leclerc ou Sylvain Lelièvre, nos poètes disent qui nous sommes, notre façon d'être au monde; ils ont la voix de notre cœur. Si vous êtes à Québec le dimanche 23 novembre, venez les entendre.

Line Gingras

Les jours s'en vont..., je demeure
Chansons françaises, de Ronsard à Félix Leclerc

Ensemble vocal André Martin
Avec la participation de Richard Joubert (commentaires) et d'Alfred Marin (viole de gambe)

Église Notre-Dame-des-Victoires (Place Royale, Québec)
Dimanche 23 novembre 2008, 14 h
Entrée : 15 $

23 septembre 2007

Le « nous » québécois

Le nous québécois; identité québécoise; Québécois et Canadiens français; langue française.

[Réponse à une lectrice française, Rosa, qui m'interrogeait sur le nous québécois.]

La question du nous est délicate, parce qu'elle touche à notre identité collective. Qui sommes-nous? Qui peut se dire Québécois?

Lorsque j'étais enfant, on appelait Québécois, dans la langue courante, les habitants de la ville de Québec; à l'échelle de la province, on se divisait essentiellement entre Canadiens anglais et Canadiens français. Nous, les Canadiens français, étions attachés à ce que nous nommions le Canada; mais cette terre de nos aïeux était associée au fleuve géant (le Saint-Laurent), comme le précise notre hymne national. À l'église, un de nos cantiques, Notre-Dame du Canada, reprenait cette idée : Regarde avec amour, sur les bords du grand fleuve / Ce peuple jeune encore qui grandit frémissant / Tu l'as plus d'une fois consolé dans l'épreuve / Ton bras fut sa défense, et ton bras est puissant...

Notre peuple était canadien, de langue française et de religion catholique. (Je simplifie, bien sûr.) Deux siècles après la défaite des plaines d'Abraham, il était pauvre, se croyait né pour un p'tit pain. Replié sur lui-même, il comptait sur une élite de prêtres, de médecins, de notaires et d'avocats pour le diriger. Il avait lutté pour sa survie en faisant des enfants, beaucoup d'enfants.

Un jour, à l'adolescence, j'ai remplacé plus ou moins discrètement, dans le refrain du cantique, du Canada par des Québécois.

La Révolution tranquille a transformé notre société, qui s'est affranchie de la tutelle de l'Église; l'argent détestable nous a paru, de plus en plus, désirable; le monde des affaires, attirant. L'exposition universelle de 1967 nous a ouverts au monde et nous a montré que nous étions capables, nous aussi, d'audace et de grandes réalisations. Le Parti québécois nous a entraînés dans son rêve immense. Le français s'est imposé jusque dans les commerces de Montréal.

Et aujourd'hui, qui sommes-nous? Les Québécois de vieille souche ne font plus assez d'enfants; notre société doit accueillir des immigrants et favoriser leur intégration. Francophones et anglophones, Québécois de vieille souche ou de souche récente, nous avons en commun la langue française, paraît-il. L'aimons-nous comme un bien précieux? Dans l'expression Français d'Amérique, quel mot trouvons-nous le plus important?

Après le référendum de 1995, on a proclamé que le terme Québécois s'appliquait à tous les habitants du Québec - et à eux seuls. Moi qui vivais à Ottawa, je me trouvais soudain du mauvais côté de la rivière - rejetée. Je ne me suis jamais sentie Franco-Ontarienne. Je n'étais plus Québécoise. Alors qu'un immigré de fraîche date, ne sachant rien de l'histoire du Québec, ne parlant peut-être même pas français, pouvait se dire Québécois, lui.

Les choses n'ont pas changé de ce côté; seulement, je suis revenue m'établir à Québec. Suis-je donc Québécoise, à nouveau? Comment pourrais-je appartenir, véritablement, à un peuple qui se définit de façon si superficielle? - qui m'accueille aujourd'hui, qui me repousserait aussi facilement demain? Pourquoi voudrais-je, même, lui appartenir? Quelle signification cela pourrait-il avoir?

Je suis Québécoise, malgré tout. Je ne peux pas rejeter le nous comme le nous a prétendu me rejeter. Mes racines sont plus fortes, plus profondes que cela. Elles plongent dans le terreau de la langue, de l'histoire, de la culture. Je ne me laisserai plus exclure. Mais le peuple québécois, avec tous les éléments qui le composent, anciens et nouveaux, ne survivra que s'il définit clairement les caractéristiques communes qui le distinguent des autres peuples d'Amérique - et s'il s'attache à les mettre en valeur.

L'identité, l'appartenance à un peuple, ce n'est pas une simple question de domicile.

Line Gingras
Québec

29 octobre 2006

De Lassus à Poulenc, la ronde de nos saisons

Chanson polyphonique française; Ensemble vocal André Martin.

Il était une fois, il y a très, très longtemps, un vicaire amoureux.

Un jour de fête, le saint homme chantait un amen et il y allait fort, je vous jure - à pleine tête, dit la chanson -, pensant toucher le cœur d'Annette. Et Annette pleurait, pleurait. Seulement voilà : si elle pleurait, Annette, c'était que la voix du vicaire, quand il criait priait si fort, lui rappelait celle de son âne..., son âne qu'elle aimait, et qui était mort.

Bon, mon amie Nicole prétend que je me trompe, qu'Annette se moque avec raison; moi, je soutiens qu'Annette est une brave fille, incapable de malice, et que c'est nous, les chanteurs, qui rions du braillard. Allez savoir.

Une chose est certaine, Annette et le vicaire ne vivent pas dans le même univers : pour le vicaire, c'est la saison des amours; pour Annette, peut-être, la saison du deuil.

Notre prochain concert - je fais partie de l'Ensemble vocal André Martin - aura lieu le 10 décembre, mais ce ne sera pas un concert de Noël; nous avons choisi pour thème, plutôt, La ronde de nos saisons : le passage du temps, le cycle des jours, de l'année et de la vie, mais aussi le mystère de notre destin personnel, la solitude et l'incompréhension où il nous plonge parfois, qui sont notre lot à tous. Et, malgré tout, l'espoir d'une renaissance, qui renaît toujours.

Au programme, de la chanson polyphonique française, de Lassus à Poulenc... et au-delà. Des œuvres allant de la Renaissance, donc, où les idées semblent si fraîches, comme la façon de les exprimer, jusqu'au vingtième siècle où nous avons échappé de justesse à l'hiver - l'hiver nucléaire, d'où nul printemps ne renaîtrait.

Elles parleront, nos chansons, d'amoureux qui folâtrent, d'amants qui se laissent, de tendresse et de contemplation, d'un cygne qui passe... Elles diront l'ennui de l'absence, l'espoir d'un retour, les blés qui mûrissent et la neige qui tombe.

Il y sera question de douleur et de joie, d'enfance et de vieillesse, de mort et de vie. Du triomphe de la vie.

Dimanche 10 décembre à 14 h, à la chapelle des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Vallier.

Line Gingras
Québec

08 octobre 2006

Gruppo!

Sous un chaud soleil de septembre, nous sommes des dizaines d'inconnus à faire la queue, depuis un temps infiniment long, devant le musée des Offices. «Gruppo! Gruppo!» L'homme arrive, décidé, passe devant tout le monde et entre. Seul.

Personne n'est intervenu; un peu tard les regards se croisent, incrédules, interrogateurs, courroucés, amusés... : quelqu'un a vu un groupe, au cours de la dernière demi-heure?

Dans le p'tit rang croche, cela s'appelait avoir du front tout le tour de la tête. (L'expression demeure très employée au Québec, dans un registre familier; c'est le p'tit rang croche qui justifie l'imparfait.)

* * * * * 

«... l'ajout, en 2003, de l'orientation sexuelle sur la liste des groupes protégés contre la propagande haineuse n'a pas entraîné l'interdiction de la Bible ou du Coran...» (Josée Boileau.)

Eh! non, l'orientation sexuelle n'est pas un groupe. Cela dit, doit-on comprendre que la propagande haineuse est autorisée dans certains cas, ou à l'endroit de certains groupes?

Line Gingras
Québec

«Intolérance» : http://www.ledevoir.com/2006/10/06/119877.html

01 octobre 2006

À l'épicerie

21 h. Je vais au IGA de la Quatrième Avenue, mon chariot faisant un train d'enfer sur le trottoir. Parce que oui, comme les Vénitiens, j'ai un chariot pour les courses.

J'aime marcher le soir dans la ville. Dans la pénombre des rues tranquilles, les grands arbres étendent leurs bras amis. Les nuages, invisibles à cette heure, ne manquent à personne. Je tourne à droite dans la Troisième Avenue, commerçante; il y a du monde. Quelques groupes s'attardent aux terrasses encore ouvertes. D'avance, ils bravent l'hiver...

À l'épicerie je laisse mon chariot à l'entrée, où l'on dépose les boîtes pour les livreurs; et l'aventure commence.

Les prunes bleues sont très belles et c'est enfin la saison du raisin muscat. Je prends des pommes, des bananes, du fromage, du pain... Je viens de choisir une boîte de céréales lorsque tout à coup un grand bonhomme à bandeau, qu'on dirait frais descendu de sa motocyclette, se plante devant moi. Il a un énorme sac de carottes et l'allure presque menaçante : «Vous connaissez ça, le jus de carottes?»

Je dois avouer que oui, j'y ai déjà goûté. «C'est bon? On m'a dit de mettre du céleri...» Je l'assure que le céleri n'est pas indispensable, que pour ma part j'aime bien le jus de carottes sans rien d'autre. «Je devrais pouvoir me faire du jus de carottes, avec mon blender?» Je n'y connais pas grand-chose, et je n'ai jamais essayé, mais pourquoi pas? «Hier soir, j'ai coupé des oranges, je les ai mis dans le blender, et ç'a très bien marché. Je devrais pouvoir faire pareil avec les carottes? Je vais les couper en long et les mettre dans le blender?» Je suppose que ça ira. «Je l'ai payé une piastre, hier, mon blender, dans un marché aux puces»; enfin, brandissant le gros sac d'un air de triomphe : «Et ça, une piastre et quarante!»

En voyant son sourire de petit garçon, je me dis que la vie, pour une fois, lui aura fait un cadeau.

Line Gingras
Québec

24 septembre 2006

Pérorer quelque chose

Pérorer, verbe transitif ou intransitif; grammaire française; syntaxe du français.

«... s'ils désirent continuer à se prétendre les remparts de la démocratie [...], comme on les entend si souvent le pérorer.» (Jean Robillard, philosophe et professeur de communication à TELUQ-UQAM.)

D'après le Petit Robert, le Lexis et le Multidictionnaire, pérorer est un verbe intransitif (c'est-à-dire n'admettant pas de complément d'objet) qui signifie «discourir, parler d'une manière prétentieuse, avec emphase» (Petit Robert) :

En se voyant écoutée avec extase, elle s'habitua par degrés à s'écouter aussi, prit plaisir à pérorer. (Balzac, dans le Petit Robert.)

Stein paradait, pérorait, distribuait des conseils, donnait des ordres, abusait, amusait infatigablement son monde. (Cendrars, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

À la terrasse du café, Gabriel, vidant sa cinquième grenadine, pérorait devant une assemblée. (Queneau, dans le Lexis.)

Le Trésor le reçoit cependant comme verbe transitif, au sens de «dire (quelque chose) avec emphase» :

M. Rezeau remit une cartouche de 7 dans le canon droit de son vieux Damas et pérora : - Quand un lièvre vous part dans la culotte, il faut attendre pour le tirer et viser aux oreilles. (Bazin.)

Il n'est donc pas interdit de pérorer quelque chose, bien que ce ne soit sans doute pas la meilleure façon de se faire des amis.

* * * * *

Pérori, pérora...

Par la magie des sons et puisqu'aujourd'hui c'est dimanche, vous voici transporté dans le p'tit rang croche, devant la maison verte de mon enfance, à l'époque lointaine où nous avions quelques poules.

Ou peut-être que nous n'en avions plus. Mais il devait exister encore un poulailler, puisque ce matin-là, justement, je m'y étais glissée pour l'explorer.

Il faisait sombre et il y avait du foin. Et dans le foin, bien cachés, devinez quoi? un œuf, deux beaux œufs. Première fois que je ramassais des œufs. J'ai retroussé mon chandail, et fière de mon trésor je suis rentrée les offrir à grand-maman.

Et là, comme j'arrivais dans la cuisine, patatras!

Je n'y suis plus retournée.

Line Gingras
Québec

«Réflexe journalistique» : http://www.ledevoir.com/2006/09/22/118760.html

17 septembre 2006

Toiles d'araignées

«Oui, il y a des fous dont l'esprit est fêlé.» (Denise Bombardier.)

Nous voilà prévenus. Méfions-nous, ceux-là sont assurément les plus dangereux. Les autres fous ne doivent être que de pauvres cloches un peu sonnées, qu'étouffent les toiles d'araignées.

* * * * *

Chaque été, un beau dimanche, nous partions toute la famille en pèlerinage à Sainte-Anne-de-Beaupré. Ce n'était pas vraiment la fête, non, pas tout de suite, parce que d'abord il fallait réciter le chapelet, pour que la sainte Vierge demande à la bonne sainte Anne de nous éviter un accident. Dommage d'être ainsi occupés de choses célestes : le vieux chemin de Duchesnay, avec ses cahots à n'en plus finir, était si amusant...

Mais bon. Bientôt nous arrivions à Sainte-Catherine. Je ne savais pas, alors, que nous passions à proximité du manoir, invisible, où ont vécu Anne Hébert et Saint-Denys Garneau; je ne savais pas non plus qu'une vieille maison, tout près, deviendrait un jour celle de mon oncle Jacquelin. Sainte-Catherine n'était qu'un village traversé par la route, où les voitures allaient trop vite.

Enfin Québec. Nous longions le cap, les maisons serrées juste au pied, menacées par les éboulements. Plus loin, une fois le fleuve à notre droite, c'étaient à gauche des villages perchés. Étranges. Et puis les chutes Montmorency. Quel contraste avec le p'tit rang croche, avec ma rivière et le champ de patates, le moulin à scie et la montagne ronde... Mais voilà que nous apercevions la basilique.

Il y avait des foules innombrables. Des dizaines et des dizaines de fauteuils roulants. Et ce sanctuaire immense, avec sa statue miraculeuse, avec en ex-voto toutes ces béquilles et ces bottines spéciales abandonnées là par des infirmes que la bonne sainte Anne, disait-on, avait guéris...

Il y a dix jours, c'était un jeudi, j'ai revu cette route au bord du fleuve, et ces villages, et la basilique comme neuve, en face de l'île d'Orléans. Elle est de belles proportions, avec des vitraux d'un bleu magnifique. Daignez, sainte Anne, en un si beau jour..., ont chanté les cloches, comme autrefois. Mais j'y ai croisé peu de monde en ce début d'automne; pas d'infirmes; pas d'enfants.

Et le chemin de croix, ce sentier en lacet dans la montagne, pour lequel j'étais venue, était bordé des mêmes sculptures quelconques, couvertes de toiles d'araignées.

Line Gingras
Québec
  

«L'horreur est humaine» : http://www.ledevoir.com/2006/09/16/118242.html