19 octobre 2006
Une baisse draconienne
«"Je ne pense pas que c'était le temps de faire ça parce que les entreprises souffrent actuellement" en raison de leurs exportations en dollars américains, qui ont connu une baisse draconienne, a-t-il* fait remarquer.» (Antoine Robitaille.)
Draconien se dit de ce qui est «d'une sévérité excessive, d'une rigueur extrême» (Trésor de la langue française informatisé). D'après ce que je vois dans les treize ouvrages consultés, cet adjectif s'applique à des mesures, des règlements, des lois, des réformes :
Les mesures n'étaient pas draconiennes et l'on semblait avoir beaucoup sacrifié au désir de ne pas inquiéter l'opinion publique. (Camus, dans le Lexis.)
Le journal est bridé, muselé par des lois draconiennes... (Goncourt, dans le Trésor.)
Si draconien soit-il, un règlement trouve toujours des accommodements. (Bazin, dans le Trésor.)
On peut donc parler, comme le propose le Colpron, de réductions draconiennes de crédits, mais il faut comprendre qu'il s'agit là de mesures budgétaires. La baisse draconienne des exportations dont il est question dans la phrase à l'étude me semble de nature différente : ce n'est pas une baisse que les entreprises ont décidée, planifiée, mais une baisse que l'on constate. L'idée de sévérité, de rigueur ne s'applique pas ici.
Il aurait mieux valu dire, à mon avis, que les exportations ont connu une baisse considérable, ou très importante.
Line Gingras
Québec
* François Legault, critique péquiste en matière de finances.
«Bouchard s'invite à la rentrée parlementaire» : http://www.ledevoir.com/2006/10/18/120712.html
03:20 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
Commentaires
Je citais M. Legault. Aurait-il dû utiliser le mot «drastique»?
Écrit par : Antoine Robitaille | 19 octobre 2006
Ah! merci pour la précision, Antoine; je viens de l'ajouter. Comme le passage qui m'intéressait particulièrement n'était pas entre guillemets, j'ai pensé que vous aviez reformulé les propos de M. Legault, et je ne savais pas où s'arrêtait votre intervention.
Pour ce qui est de l'emploi du mot «drastique», je m'attendais un peu à cette question! C'est que les ouvrages de difficultés canadiens que j'ai sous la main - le «Colpron», le «Multidictionnaire», le Dagenais et le Chouinard - mettent tous en garde contre l'utilisation de l'adjectif «drastique», au figuré, pour parler d'une mesure énergique, rigoureuse, radicale ou... draconienne. Cet usage est tenu pour un anglicisme.
Le «Petit Robert» (édition 2007) signale cette influence de l'anglais. Il admet cependant l'emploi en question, également consigné dans l'édition 2003. (Je n'ai pas conservé d'édition antérieure.) Et le «Trésor de la langue française informatisé», comme le Hanse-Blampain, reçoit sans réserve l'acception figurée.
Cela signifie-t-il que l'adjectif aurait convenu, ici? Il me semble que non, et pour la même raison que celle qui me fait critiquer l'emploi de «draconien» : d'après ce que je lis dans le «Petit Robert», «drastique» se dit d'une réforme, d'une mesure, d'un moyen - comme «draconien», il s'applique à une chose que l'on a décidée.
(J'ajouterai que personnellement j'hésiterais à employer «drastique» au sens figuré, c'est-à-dire dans un autre domaine que la médecine; comme le fait observer Camil Chouinard : «Cet emprunt à l'anglais est superflu si l'on considère tous les équivalents que nous offre le français.»)
Écrit par : Choubine | 19 octobre 2006
Bonsoir Choubine,
Un petit coucou en passant !
Écrit par : Bailili | 19 octobre 2006
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