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10 janvier 2008

Procrastiner, procrastination

Procrastination, procrastiner.

Un ami lecteur, Lux, me demande si procrastiner et procrastination, de plus en plus fréquents, sont admis en français ou s'ils doivent être considérés comme des anglicismes.

Disons d'abord que les dictionnaires de difficultés que j'ai consultés - le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain, le Chouinard, le Colpron, le Dagenais, le Colin et le Girodet - sont muets là-dessus. Le Petit Robert (2007) et le Lexis reçoivent seulement procrastination (« Tendance à tout remettre au lendemain, à ajourner, à temporiser », selon le Petit Robert), comme appartenant à la langue littéraire. Et le Robert & Collins Super Senior, s'il donne procrastination pour l'équivalent du substantif anglais, traduit procrastinate par « faire traîner les choses », « avoir tendance à tout remettre au lendemain ».

Je lis dans le Dictionnaire historique de la langue française, de Robert, que procrastination a été emprunté au latin à l'époque de la Renaissance; qu'il semble avoir été peu usité avant la fin du XVIIIe siècle et que, depuis le XIXe siècle, « son emploi est marqué comme plaisant ou littéraire ». On ajoute que les dérivés procrastiner et procrastinateur « se rencontrent exceptionnellement chez certains auteurs (Amiel, Colette) ».

Le Trésor de la langue française informatisé reçoit procrastination, dans la langue littéraire, avec la définition : « Tendance à différer, à remettre au lendemain une décision ou l'exécution de quelque chose. » Synonymes : ajournement, atermoiement :

Cette habitude, vieille de tant d'années, de l'ajournement perpétuel, de ce que M. de Charlus flétrissait sous le nom de procrastination. (Proust.)

Dans le même article, on signale le verbe procrastiner, comme littéraire et rare, de même que le nom procrastinateur :

Je remercie à présent chacun des contretemps qui m'empêchèrent d'approfondir ma connaissance de la forêt rambolitaine : la paresse, l'âge, le penchant à procrastiner, et aussi le plaisir que j'eus d'habiter trop peu de temps (...) un de ses sommets. (Colette.)

Les atermoyeurs, procrastinateurs et lambins de mon acabit sont justement de ceux qui ne finissent rien et même ne commencent pas davantage. (Amiel.)

Procrastiner et surtout procrastination me paraissent plus courants que ne le laissent entendre les dictionnaires; l'influence de l'anglais n'est peut-être pas étrangère à cette évolution de l'usage. Je ne pense pas qu'il faille les éviter; mais il est bon de savoir que l'on peut dire les choses autrement.

Line Gingras
Québec

Commentaires

C'est bien ce qu'il me semblait ! Je suis ravie de savoir que je partage cette fâcheuse tendance avec Proust (ou un de ses personnages).
Choubine, quand un mot issu du latin nous revient en Français, peut-on encore parler d'anglicisme ?

Écrit par : Rosa | 11 janvier 2008

Oui, il arrive que l'on parle d'anglicisme, dans ce cas, si le mot nous revient par l'intermédiaire de l'anglais. En particulier s'il fait une concurrence que l'on juge inutile à d'autres mots déjà bien ancrés dans l'usage. Mais l'usage évolue...

Écrit par : Choubine | 11 janvier 2008

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