17 septembre 2006
Toiles d'araignées
«Oui, il y a des fous dont l'esprit est fêlé.» (Denise Bombardier.)
Nous voilà prévenus. Méfions-nous, ceux-là sont assurément les plus dangereux. Les autres fous ne doivent être que de pauvres cloches un peu sonnées, qu'étouffent les toiles d'araignées.
* * * * *
Chaque été, un beau dimanche, nous partions toute la famille en pèlerinage à Sainte-Anne-de-Beaupré. Ce n'était pas vraiment la fête, non, pas tout de suite, parce que d'abord il fallait réciter le chapelet, pour que la sainte Vierge demande à la bonne sainte Anne de nous éviter un accident. Dommage d'être ainsi occupés de choses célestes : le vieux chemin de Duchesnay, avec ses cahots à n'en plus finir, était si amusant...
Mais bon. Bientôt nous arrivions à Sainte-Catherine. Je ne savais pas, alors, que nous passions à proximité du manoir, invisible, où ont vécu Anne Hébert et Saint-Denys Garneau; je ne savais pas non plus qu'une vieille maison, tout près, deviendrait un jour celle de mon oncle Jacquelin. Sainte-Catherine n'était qu'un village traversé par la route, où les voitures allaient trop vite.
Enfin Québec. Nous longions le cap, les maisons serrées juste au pied, menacées par les éboulements. Plus loin, une fois le fleuve à notre droite, c'étaient à gauche des villages perchés. Étranges. Et puis les chutes Montmorency. Quel contraste avec le p'tit rang croche, avec ma rivière et le champ de patates, le moulin à scie et la montagne ronde... Mais voilà que nous apercevions la basilique.
Il y avait des foules innombrables. Des dizaines et des dizaines de fauteuils roulants. Et ce sanctuaire immense, avec sa statue miraculeuse, avec en ex-voto toutes ces béquilles et ces bottines spéciales abandonnées là par des infirmes que la bonne sainte Anne, disait-on, avait guéris...
Il y a dix jours, c'était un jeudi, j'ai revu cette route au bord du fleuve, et ces villages, et la basilique comme neuve, en face de l'île d'Orléans. Elle est de belles proportions, avec des vitraux d'un bleu magnifique. Daignez, sainte Anne, en un si beau jour..., ont chanté les cloches, comme autrefois. Mais j'y ai croisé peu de monde en ce début d'automne; pas d'infirmes; pas d'enfants.
Et le chemin de croix, ce sentier en lacet dans la montagne, pour lequel j'étais venue, était bordé des mêmes sculptures quelconques, couvertes de toiles d'araignées.
Line Gingras
Québec
«L'horreur est humaine» : http://www.ledevoir.com/2006/09/16/118242.html
04:10 Publié dans Le billet du dimanche | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : souvenirs d'enfance, Québec, Sainte-Anne-de-Beaupré
Commentaires
Voilà longtemps que je ne suis pas allée à St-Anne, je sais pas pourquoi aujourd'hui, j'ai eu une envie d'y aller! C'est drôle de venir te lire après cette pulsion! ;) J'ai toujours pas trouvé la maison de Anne-Hébert! Et pourtant cela me turlupine. Un de ces quatre, lorsque ma forme sera d'actualité, faudra venir en ma maison de galets pour un thé, j'y pense depuis plusieurs mois, cela me plairait de jaser plus amplement! ;)
Écrit par : Etolane | 17 septembre 2006
Ah, que j'aimerais aussi aller chez toi. Et faire la connaissance de Lily-Soleil, que je vois grandir avec ravissement... Mais je n'ai pas de voiture. Nous pourrions cependant nous rencontrer à Québec, soit chez moi soit dans le Vieux-Québec, où j'adore me retrouver dès que j'ai un moment.
Je suis allée à Sainte-Anne par Intercar (seulement vingt-cinq minutes de trajet à partir de la gare du Palais), avec une amie qui n'y avait pas mis les pieds depuis quarante ans. C'est un bel endroit, et la basilique vaut la visite. (Le reste aussi, à des titres divers.) J'aime toujours le sentier dans la montagne, qui me paraît toutefois moins long que lorsque j'étais petite...
La maison d'Anne Hébert? Lorsqu'on arrive à Sainte-Catherine par Duchesnay, on descend une grande côte que tu connais bien; au pied de la côte, on voit une petite route en biais, qui mène à une autre grande côte; le manoir est caché derrière les arbres, à droite, le long de cette route. L'hiver, en regardant attentivement, on peut le distinguer entre les branches. Un jour, il y a très longtemps, j'ai voulu le voir de près. Mais le chemin était privé; un écriteau en interdisait l'accès.
Écrit par : Choubine | 17 septembre 2006
Alors on est un peu dans le même bateau, nous on a une seule voiture et c'est l'homme qui part avec la journée! Mais je garde ton invitation en réserve! Merci! :) On va bien finir par trouver un temps, lorsque la santé ira mieux et que bébé sera moins dépendant. Je vais aller fureter du coté de cette route, je risque de ne pas voir le panneau par exemple et avec un peu de chance, j'en reviendrai avec quelques photos dans mon giron! ;)
Écrit par : Etolane | 19 septembre 2006
Qui sait, il n'y est peut-être plus...
Écrit par : Choubine | 19 septembre 2006
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