04 février 2007
S'affronter avec quelqu'un
« Et soudain, on prend conscience que cette mère, avec laquelle on s'est tant affronté par la suite, que cette mère qui n'aimait pas cuisiner, nous aimait. » (Denise Bombardier.)
Aucun des onze ouvrages que j'ai consultés ne reçoit la construction s'affronter avec quelqu'un. On affronte quelqu'un; deux personnes ou deux groupes s'affrontent :
Voilà que s'affrontent deux puissances. (Barrès, dans le Petit Robert.)
Affronter courageusement ses adversaires. (Petit Robert.)
Les équipes se sont affrontées et le Canadien a gagné. (Multidictionnaire.)
Il y avait longtemps qu'il n'avait pas affronté le public. (Beauvoir, dans le Lexis.)
Elle affrontait son père, elle le bravait à travers ses larmes; elle se sentait plus forte de toute sa jeunesse, de toute sa cruelle jeunesse. (Bernanos, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Le Hanse-Blampain signale cependant s'affronter à quelque chose. D'après le Trésor, ce tour signifie « Se mettre face à, se heurter à quelque chose qui est ou paraît être dangereux ou difficile » :
... l'être cesse de s'affronter aux objets : il les a si bien absorbés dans sa conscience irrationnelle qu'il ne fait plus aucune différence entre un monde intérieur et un monde extérieur. (Béguin, dans le Trésor.)
Exceptionnellement, précise le Trésor, on trouve aussi s'affronter avec quelque chose :
[Jésus-Christ] est celui à qui tout est permis. Ne s'est-il donc pas affronté avec la mort? (Psichari.)
Dans la phrase à l'étude, il me semble qu'on aurait pu écrire :
Et soudain, on prend conscience que cette mère, que l'on a tant affrontée / à laquelle on s'est tant opposé / à laquelle on s'est tant heurté par la suite...
Line Gingras
Québec
« Autour d'un anniversaire » : http://www.ledevoir.com/2007/01/20/128052.html
07:00 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
Commentaires
Est-ce que confronter aurait pu passer dans ce contexte, ne peux t-on pas souvent confronter sa mère!?! Enfin je lâche cela sur une inspiration subite embuée dans une petite brume matinale sans prendre la peine de rien vérifier! C'est chez toi que je viens me réchauffer quelques neurones. J'échappe ici quelques gouttes de sueur. Tu es un peu comme un exercice dans ma salle de gym mentale, un essentiel dans ma routine de mise en forme, et c’est toujours un bonheur que je viens me poser les méninges sur tes révisions...
Écrit par : Etolane | 05 février 2007
Je me promets depuis belle lurette d'examiner la question de «confronter», «confrontation». Il y faudra pas mal de temps; ce ne sera pas pour aujourd'hui, malheureusement... Une recherche très rapide - beaucoup trop rapide - me dit que ces termes peuvent très bien s'utiliser pour exprimer l'idée d'une comparaison, mais pas d'un conflit. (On peut confronter des témoins entre eux, ou confronter des témoins avec un prévenu, pour rendre l'idée d'une comparaison de leurs versions des faits.)
Les dictionnaires commencent à signaler, comme emploi critiqué, peut-être influencé par l'anglais, des tours comme «être confronté à une difficulté» - mais pas (ou pas encore) «à une personne», semble-t-il, d'après ce que donne une consultation rapide de quelques ouvrages courants. Je n'emploierais donc pas «confronter sa mère», que je soupçonne d'anglicisme et que l'on peut aisément remplacer.
Écrit par : Choubine | 05 février 2007
Tu confirmes la sensation que j'avais que je soupçonnais aussi d'anglicisme, mais je pense aussi qu'il m'est venu en tête car je l'entends de plus en plus souvent dans la langue courante! L'idée de comparaison plutôt que de conflit! Je crois que ce qui peut porter à confusion et le peux de différences entre confronter et affronter! Je serais vivement intéressée d'en savoir plus si jamais si tu t'y penches un jour, merci de ces quelques éclaircissements...
Écrit par : Etolane | 06 février 2007
Je n'ai jamais entendu confronter sa mère ! Expression de génération ou québécoise ?
En France ce serait plutôt "Nique ta mère !"
Pourquoi pas "Eh ! confronte ta mère !" avec l'inmitable accent de nos banlieues...
Écrit par : Rosa | 06 février 2007
Rosa, vous l'avez peut-être trouvée, finalement, cette insulte (croit-on) qui a provoqué la colère de Zidane! (Je ne connaissais pas du tout cette expression.)
C'est vrai ce que dit Étolane, que l'emploi de «confronter», lorsqu'il s'agit d'un conflit, est très courant au Québec. De lire que cet usage est inconnu - ou non généralisé - ailleurs, ça donne encore plus envie de faire une étude qui préciserait les choses. Et ça montre l'intérêt des blogues.
Écrit par : Choubine | 06 février 2007
Mon fils dirait "ça montre l'intérêt du foot"! Ceci dit on peut vivre sans connaître le langage de nos banlieues...
Quant à Zidane il paraît que ça concernait sa soeur...
Écrit par : Rosa | 07 février 2007
Sans doute, mais avec une légère modification...
Écrit par : Choubine | 07 février 2007
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