12 mars 2006
Sept heures sur le campo...
C’est l’automne; quelques lumières s’interrogent
Et puis se taisent; l’étranger en longue toge
Effleure une ombre sur les pierres effacées
S’appelle-t-il présent, avenir ou passé
L’espace indéfini que sa mémoire abroge
Ses pas sur les pavés conjurent d’anciens doges
Fantômes indistincts de gloires inondées
Ils vont comme des souffles traversant la brume
Où dorment des jardins d’aurores évanouies
Sous les soleils d’étain des vaines amertumes
Dans le silence aveugle chemine l’oubli
Et cette angoisse noire que verse la pluie
Enveloppe en chantant Venise dans son lit
Line Gingras
Québec
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16 février 2006
L'arrivée
Quelques marches. À côté, un marchand de saucisses. J'ai eu faim tout à coup. Au bord de l'eau, debout, j'ai mangé. Tant d'activité, tant de va-et-vient, tant de bateaux! Tant de bruits, et ce silence pourtant, infini! Tous ces palais, ces maisons, ces églises comme des bouées, comme des phares, comme des destinations lointaines, des terres inconnues...
La vie, j'ai laissé ma vie au pied de ces marches.Line Gingras
Québec
15:30 Publié dans Ah! Venise, C'était hier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Venise, voyage, écriture
12 février 2006
Noces
Et ses vagues d’ombre soupirer des caresses
Aux marches de marbre noir où les algues laissent
Affleurer les désirs de Neptune aux yeux pers
Vous semble-t-il encore qu’il y ait dans l’air
Des bruissements suaves d’étrange allégresse
Des nuages frôleurs d’ineffable paresse
Et des bougies inquiètes plongeant aux enfers
Croyez-vous qu’une nuit nous serons emmenés
En gondole d’ébène et bercement de lune
Vers des chants de sirène aux confins des lagunes
Dans un miroitement mauve d’éternité
Où scintille en secret depuis les fonds boueux
Des passés à venir, l’anneau d’or fabuleux
Line Gingras
Québec
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31 janvier 2006
Au Quadri, un 19 octobre
La place tournoyait d’enfants et de pigeons
Les voix avaient le timbre mauve des violons
Naïf et tendre, tel un parfum de romance
Le sommeil invitait dans sa lumière intense
Nos paupières effleurées de lentes visions
Sur nos verres dansait le génie du vin blond
Aux bras souples et longs caressant le silence
Et nos esprits voguant en quelque mer lointaine
Aux horizons confondus s’enivraient de bleu
Nous étions emportés sur les vagues sereines
Vers des îlots de fleurs aux sentiers onduleux
Où des souffles légers joyeux venaient mourir
Sous la soie des pétales glissant des soupirs
Line Gingras
Québec
03:00 Publié dans Ah! Venise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Venise, poème, poésie
09 décembre 2005
Un jardin
Près d’un petit canal, au fond d’une ruelle
Où les enfants venaient jouer à la marelle
Dans l’ombre tranquille et muette des figuiers
Personne jamais n’ouvrait la grille rouillée
Où deux têtes de lion restaient en sentinelles
N’entraient que les oiseaux, et quelques chats fidèles
Du pas nonchalant des fantômes familiers
Quel était le mystère des allées secrètes
Quelle statue blanche gardait le puits mousseux
Où gisait ignoré un espoir malheureux
Un jour ont disparu le palais, son jardin
Et même les enfants qui avaient tant d’entrain
Sont morts, ou sont passés derrière la murette
Line Gingras
Québec
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30 octobre 2005
Colonnes
La cathédrale blanche écoutait dans la nuit
Le bruissement de l’eau et les souffles enfuis
Où s’épuisait la mer, sombre à cette heure et lasse
Des nuages passaient sur la lune fugace
Au-dessus des cafés où tiédissait l’ennui
Dessinant des chemins de marbre et d’eau de pluie
Labyrinthe où glissaient nos espoirs pleins de grâce
C’était un défilé de patriciens antiques
Brandissant leurs flambeaux comme sabres de feu
Qui restaient suspendus dans l’espace amnésique
Et nos regards saisis par une glace obscure
Fixaient fascinés le néant voluptueux
Où mouraient les spirales des pensées futures
Line Gingras
Québec
Colonnes : http://www.jmrw.com/Abroad/Balkans/Venise/Vues/pages/011.htm
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24 septembre 2005
1984, même jour
Est-ce les pigeons, la brume ou la lumière, je ne vois plus mon chemin… Aussi je reste immobile et j’attends, mais le temps ne passe plus.
Choubine
13:00 Publié dans Ah! Venise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Venise
07 septembre 2005
J'ai marché dans Venise
J'ai suivi le chat noir qui veillait en rêvant
Dans les rues montueuses caressées des vents
Où frémissait l'accent des heures singulières
J'ai contemplé l'eau morte où remuaient les pierres
Au gré du silence et des voix se balançant
Graciles danseuses portant le masque blanc
Des nuits indéfinies que recouvre le lierre
Venise dérobée vous épiant sous les ponts
Dans l'ombre hallucinante des soieries subtiles
Frêle et troublante Venise aux paupières tendres
Aux mondes endormis où l'on voudrait descendre
Tenant serré la main de crânes enfants blonds
Québec
Les canaux de Venise : http://www.campiello-venise.com/visite_rapide/suites_venitiennes/les_canaux_de_venise_1.htm
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03 septembre 2005
Est-ce que Mose suffira?
L'enfoncement de la ville, la montée des eaux, les inondations fréquentes le font craindre de plus en plus. Phénomènes naturels, en partie, mais attribuables aussi à l'intervention humaine, responsable de leur accélération : industries très polluantes à proximité, présence de grands navires... - des scientifiques vous expliqueraient tout cela bien mieux que je ne puis le faire.
Si seulement ils s'entendaient, eux, sur les causes du mal et sur les moyens d'y remédier.
La réalisation du projet Mose, dont on parle depuis de nombreuses années et qui prévoit la construction d'une série de digues mobiles, sera-t-elle la solution, ou du moins un début de solution?
En lisant les comptes rendus de la catastrophe qui vient de s'abattre sur La Nouvelle-Orléans, et qui semble-t-il avait été prédite avec une exactitude accablante par des spécialistes, dans le vain espoir que les autorités gouvernementales prendraient à temps les mesures appropriées, je l'espère; je l'espère très fort.
Je refuse qu'une autre Katrina soit la fin de Venise. Je ne veux pas d'une troisième Pompéi.
Line Gingras
Québec
Analyse du projet Mose : http://www.enpc.fr/enseignements/Legait/projet/MEI-2003/Mose/Dossier/contexte.htm
04:40 Publié dans Ah! Venise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Venise
01 septembre 2005
Dans Venise la rouge...
Mardi, trois jours avant mon départ. Il est grand temps d’aller revoir Torcello, mirage du nord de la lagune, première Venise abandonnée depuis des siècles dans ses marécages, où s’est mariée la fin de semaine dernière* une princesse grecque, dans la très vieille cathédrale Santa Maria Assunta. J’imagine sa robe blanche dans les odeurs des champs cuisant au soleil. J’imagine les motoscafi défilant sur le ruban d’eau que longe le sentier revêtu, les têtes des passagers s’inclinant sous le pont du Diable, les paysans courbés au loin sur leurs asperges. J’imagine le pavement de mosaïques ondulant sous les souliers cirés, et la patiente Madone dans son nimbe doré. J’imagine les garçons s’affairant à la locanda Cipriani, et encore, entre la masse du campanile et le trône d’Attila, les photographes et le service de sécurité piétinant dans l’herbe, et puis la voix de la grosse cloche…
Me voici donc dans la motonave de la nouvelle ligne 14, qui m’amènera vers l’île magique à partir de l’arrêt San Zaccaria, plus ou moins en face du palais des Doges. C’est dire que j’ai une vaste compagnie : Vénitiens du Lido ou de Punta Sabbioni (où je dois prendre un deuxième bateau), Italiens de la terre ferme, campeurs et autres touristes, dont un groupe de tout jeunes Américains fort excités. Beaucoup de monde, encore plus de bruit. Enfin nous partons; nous quittons Venise comme les marins de jadis, et la vue, cela va de soi… Mais je note bientôt que le ciel de la lagune n’est pas du bleu rosé auquel m’ont habituée mes excursions des séjours précédents. Plutôt gris, le ciel; de plus en plus foncé aussi. Et puis, après le Lido, ne dirait-on pas qu’il tourne au violet? Et ces petits éclairs, viennent-ils vraiment d’un appareil photo? Nous approchons d’une longue jetée où courent des piétons, une bicyclette. Courez, courez, vite si vous le pouvez, parce qu’il se met à pleuvoir et que l’origine des éclairs ne fait plus de doute… ni pour moi ni pour les jeunes Américains, qui se mettent à hurler - s’ils ne riaient pas aussi, je serais moins tranquille. Vite nous devons nous abriter sous la demi-toiture, et nous restons là cinq minutes peut-être, fascinés par cette obscurité traversée maintenant de grands éclairs, et par le vent qui commence à nous glacer. Mais lorsque c’est vraiment l’averse il faut descendre à l’intérieur, et tous se jettent dans l’étroit escalier, au milieu toujours des hurlements qui couvrent le tonnerre.
Heureusement, nous arrivons à Punta Sabbioni. Tout le monde se précipite; je cherche la rampe et je vais le plus lentement que je peux, mais ce qu’il fait froid! Quelques arbres, près du bord, sont terriblement secoués. Par miracle l’abri peut tous nous accueillir, et il me semble que les Américains hurlent un peu moins fort. N’empêche, quasi trempée, je laisse Torcello à ses marécages, les adolescents à leur probable laryngite, et je rentre à Venise par le premier bateau. Le beau temps aussi. Mon excursion, je la fais le lendemain, au départ cette fois des Fondamente Nuove, par le bateau de la ligne 12 : paix sur la lagune.
Mais je ne résiste pas au plaisir de raconter mon aventure aux jeunes hommes qui tiennent l’albergo San Samuele, et à la première occasion je mets à l’épreuve la patience de mes hôtes, faisant étalage de mon italien plus que vacillant, insoucieux des conjugaisons, de l’emploi tout particulier du subjonctif et de bien d’autres bagatelles encore. Je les entretiens donc, comme s’ils n’avaient jamais rien vu ni entendu de pareil, du ciel’ oscuro della laguna, du vento terribile, de la pioggia forte, des urli dei giovani Americani et des… lamponi, attraversando il cielo della laguna. Lamponi, j’insiste! Pourquoi donc se regardent-ils d’un air interdit, pourquoi se mettent-ils à rire, timidement mais quand même? De lamponi, je n’en ai point vu, prétendent-ils, pas dans le ciel en tout cas - parce que les lamponi ne sont pas de grossi lampi, comme je le crois naïvement, et qu’ils n’ont pas l’habitude de traverser le ciel. Les lamponi, on les trouve communément, à Venise, au comptoir des gelaterie : je devrais bien le savoir, puisque j’ai savouré, juste hier, un gelato aux framboises.
Dans Venise la rouge, les éclairs seront désormais de la bonne couleur.
Line Gingras
Québec
* Le mariage en question a été célébré à l'été de 1998.
Aperçu de Torcello : http://www.brunette.brucity.be/pagodes1/Venise/torcello.htm
19:50 Publié dans Ah! Venise, C'était hier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : venise
31 août 2005
Le lion rouge, la grand-mère et l'enfant
Vous ne suivrez jamais ces pieds-là, j’espère…; et certes vous écouterez gentiment, avec un petit sourire discret, la complainte des pauvres visiteurs qui en un jour ont bien vu et tant aimé Venise et ses gondoles - mais vous aurez des doutes.
Vous irez à Venise, à votre tour, seul ou en belle compagnie, en partie pour rendre visite aux deux lions rouges de la piazza (n’allez pas la manquer, il n’y en a qu’une). Deux vieux lions fatigués, sereins et patients comme la pluie. Qui ne sauraient prétendre garder la place, tellement ils ont l’air inoffensifs. La preuve qu’ils le sont vraiment, c’est qu’ils ne font même pas mine de vouloir chasser les pigeons. Non; ils regardent, ils attendent, ils écoutent, ils supportent. Les enfants les aiment, et tous les jours il y en a des dizaines qui leur grimpent sur le dos. Ils se laissent faire. Ils en ont vu d’autres.
C’était un après-midi. J’avais beaucoup marché. J’arrivais je ne sais d’où, étourdie de soleil et de solitude, émergeant du silence. Sur la place, d’abord les violons, une clarinette; un piano. Deux airs, trois airs à la fois. Ensuite les pigeons. Et puis la rumeur d’un millier de voix. Une euphorie de lumière, de musique et de plumes, un envol jusqu’au sommet du campanile, et l’œil qui se pose enfin sur les blancheurs de la basilique. La joie. Comme on est grand et libre et puissant sur la place, quand on s’avance au beau milieu!
Les lions sont au bout, un peu à l’écart. J’aime à caresser au passage leur flanc usé, luisant, doux au toucher, à leur télégraphier un mot d’amitié, d’encouragement : Dieu sait combien de temps ils ont encore à rester là. Je leur souhaite des enfants bien élevés, qui s’asseoient sur eux bien sagement et ne leur donnent pas de coups de pied. Mais qu’est-ce que je sais de leur vie? Est-ce que je sais seulement s’ils s’ennuient ou s’ils s’amusent de nous voir passer? Est-ce que je sais où ils vont la nuit, pour dormir?
Ce jour-là, seul le lion de gauche était occupé. Un garçon aux cheveux blonds, huit ans peut-être. Tranquille en apparence. Un rien de distingué. En fait il n’était plus sur la place, mais très haut, très loin, à galoper dans les nuages, vers les étoiles. Explorateur ou conquérant; un regard de rêveur, de visionnaire. Le lion n’aurait pu souhaiter cavalier plus heureux ni plus digne. Le garçon n’était pas seul. Derrière le lion, debout, se tenait la grand-mère, svelte dans sa robe bleue, une main légère sur l’épaule du petit le protégeant dans ses aventures, le rappelant au monde d’en bas. Elle aussi était ailleurs. Mais dans quelle affligeante contrée de chagrins, deuils et déceptions, je serais bien incapable de le dire…; et d’ailleurs je ne voudrais pas l’y suivre.
Line Gingras
Québec
Pauvre lion... : http://www.jwoodhouse.co.uk/venice/venice131.htm
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25 août 2005
À Venise
Derrière le parapluie
En troupeau ils s’arrêtent
Et repartent
Et montent
Et descendent
Les ponts
Derrière le parapluie
Et le bras qui tient
Le parapluie
A mal aux jambes
Et se trompe de chemin
Choubine
Magnifique promenade dans Venise : http://perso.wanadoo.fr/labeuquette/venise/iti_avent/iti1.htm
22:55 Publié dans Ah! Venise | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Venise, poème, poésie