26 août 2007
Prendre en compte
« À lire ces conversations entre un sociolinguiste et son disciple de la Nouvelle Revue française, on sera interpellé par l'optimisme qui défend le multilinguisme, sans prendre en compte la disparition que ces transformations sous-tendent. » (Guylaine Massoutre.)
Une lectrice m'interroge sur l'expression prendre en compte, de plus en plus fréquente. Faut-il y voir l'influence de l'anglais? Devrait-on l'éviter? A-t-elle un sens différent de tenir compte (de)?
En 1985, j'ai rédigé une étude sur prendre en compte pour la série de fiches Repères - T/R, que produisait le Bureau de la traduction de l'administration fédérale. J'ai consulté alors quatre-vingt-treize ouvrages et n'ai trouvé cette locution, au sens de prendre en considération, que dans le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse; les dictionnaires Bordas la donnaient également, mais avec une autre acception. Prendre en compte était déjà adoptée par certains auteurs; elle me paraissait en voie de passer de la langue des affaires dans la langue courante - sans doute sous l'influence de l'anglais to take into account et en raison de sa ressemblance formelle avec les deux tours synonymes prendre en considération et tenir compte de. J'estimais prudent, néanmoins, de ne pas encore la considérer comme reçue dans le bon usage, vu son absence des dictionnaires de langue.
Qu'en est-il aujourd'hui? L'expression prendre en compte est admise sans réserves dans le Petit Robert (à l'article « compte »), dans le Trésor de la langue française informatisé (à l'article « prendre ») et dans le Multidictionnaire. D'après ce que je peux voir, elle est utilisée dans le même sens que prendre en considération et tenir compte de :
Cet aspect du problème devra être pris en compte. (Petit Robert.)
Nous devons prendre en compte cette nouvelle réalité. (Multidictionnaire.)
Plus courte que prendre en considération, elle est en outre plus facile à manier que tenir compte de...
Line Gingras
Québec
« Littérature française - Cibles en mouvement » : http://www.ledevoir.com/2007/06/09/146762.html
16:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
25 août 2007
Retourner un appel
« Ni Mme Boucher ni M. Petit n'ont retourné les appels du Devoir hier. » (Hélène Buzzetti, avec la collaboration de Monique Bhérer.)
On peut très bien retourner une lettre, c'est-à-dire la renvoyer à son point de départ :
Cette lettre a été retournée à l'expéditeur, l'adresse étant inexacte. (Multidictionnaire.)
On ne saurait toutefois faire de même avec un appel téléphonique. Selon le Multidictionnaire et le Colpron, retourner un appel est le calque de to return a call; en français, d'après ce que je vois dans ces ouvrages de même que dans le Meertens et Le français au bureau, on rappelle quelqu'un. L'Office québécois de la langue française propose également rendre un appel.
Line Gingras
Québec
« Dépenses électorales - Le PC s'est joué des règles » : http://www.ledevoir.com/2007/08/24/154460.html
05:24 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, anglicisme, journalisme, presse
24 août 2007
Belle reconnaissance
« C’est avec tristesse que nous apprenons le décès de deux soldats canadiens en Afghanistan. L’ensemble de la population canadienne est fière de ces compatriotes exceptionnels et reconnaissants des sacrifices qu’ils ont consentis. » (Stephen Harper, premier ministre du Canada.)
Cette déclaration paraîtrait plus sincère si on n'attribuait pas le sentiment de gratitude aux compatriotes exceptionnels - les deux soldats qui ont été tués -, mais à la population : reconnaissante.
Distraction? Montrez-moi que j'ai tort d'appeler cela de l'indifférence.
Line Gingras
Québec
01:40 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
23 août 2007
Opérationel ou opérationnel?
« ... la force opérationelle canadienne en Afghanistan... » (Claude Lévesque.)
L'anglais operational s'écrit avec un seul n, mais le français opérationnel en prend deux : la force opérationnelle.
« ... la lieutenant colonel Bridget Rose... »
D'après TERMIUM et le Petit Robert, on écrit lieutenant-colonel avec un trait d'union.
« Vendredi dernier, deux autre_ militaires canadiens... »« "Pour moi, il s'agit d'une cause noble, d'une mission noble. Il faut envoyer un message de solidarité à l'occasion de cette tragédie nationale. Mes pensée_ vont aux familles", a dit le critique du Parti libéral du Canada en matière de défense, Denis Coderre. »
Line Gingras
Québec
« Journée noire à Kandahar » : http://www.ledevoir.com/2007/08/23/154305.html
05:02 Publié dans Cultiver le doute, On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, anglicisme, journalisme
22 août 2007
L'emphase est mise sur...
« Selon le porte-parole de la SQ, Richard Gagné, l'emphase est mise sur l'information voulant qu'un homme seul ait demandé à la fillette de l'aider à chercher son petit chien. » (Presse Canadienne.)
Dans la langue courante, on appelle emphase l'« emploi abusif ou déplacé du style élevé, du ton déclamatoire », l'« exagération dans la manifestation des sentiments » (Petit Robert) :
Il parla à son tour d'un ton doctrinaire, avec l'emphase apprise dans les proclamations. (Maupassant.)
Un dévouement sans comédie et sans emphase. (Baudelaire.)
Il se contenta de déclarer sans emphase qu'il avait fait son devoir. (Lexis.)
Camil Chouinard tient donc pour fautive l'expression mettre l'emphase sur, au sens de « mettre l'accent sur ». Cet emploi est considéré comme un anglicisme par le Multidictionnaire, le Colpron et le Dagenais; il s'agit du calque de to put the emphasis on, qui peut se traduire de différentes manières, selon le contexte : mettre l'accent sur, insister sur, faire ressortir, souligner, faire valoir, appuyer sur, mettre en valeur, mettre en relief.
Voir aussi la Banque de dépannage linguistique de l'Office québécois de la langue française (http://66.46.185.79/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=3&id=1884) et Le français au micro, de Radio-Canada (http://www.radio-canada.ca/radio/francaismicro/description.asp?ID=219&CAT=E&leid=348&lacat=e).
Line Gingras
Québec
« Cédrika : Charest encourage les enquêteurs » : http://www.cyberpresse.ca/article/20070817/CPACTUALITES/7...
06:20 Publié dans Cultiver le doute | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, anglicisme, journalisme, presse
21 août 2007
Laisse passé les gaz
« En février 2003, une fissure sur le bouclier protégeant une des ailes de Columbia avait laissé passé des gaz brûlants... » (Associated Press.)
Passer doit se mettre à l'infinitif; pour s'en assurer, il suffit de le remplacer par un verbe qui ne se prononce pas de la même manière à l'infinitif et au participe passé : avait laissé fuir.
Line Gingras
Québec
« Un trou dans le gant d'un astronaute d'Endeavour » : http://www.cyberpresse.ca/article/20070815/CPSCIENCES/708...
04:25 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
20 août 2007
Démotion
« Certes, à peu près tous les ministres ayant fait face à la controverse ont été affectés mardi, mais aucun n'a subi la démotion suprême consistant à être expulsé du cabinet. » (Hélène Buzzetti.)
« Pourtant, la démotion imposée aux deux titulaires, Rona Ambrose et Vic Toews, ne s'est pas traduite par un changement de cap dans ces deux domaines. »
Démotion n'est pas admis dans le Petit Robert (2007), dans le Lexis ni dans le Trésor de la langue française informatisé. D'après le Multidictionnaire, le Chouinard et le Colpron, c'est un anglicisme; pour dire qu'un employé ou un ministre doit occuper un poste inférieur au précédent, il faut utiliser rétrogradation.
Line Gingras
Québec
« Le dernier remaniement de Stephen Harper - Au travail! » : http://www.ledevoir.com/2007/08/18/153788.html
05:39 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, anglicisme, journalisme, presse