14 octobre 2007
Ils se sont donnés rendez-vous
« Deux milliers d'étudiants, de syndicalistes et de militants pour la paix se sont donnés rendez-vous hier devant le Parlement de Westminster afin de réclamer le retour des troupes britanniques d'Irak. » (Légende d'une photo de l'Agence France-Presse, à la une du Devoir du 9 octobre 2007.)
Comment accorder le participe passé du verbe pronominal, dans la construction ils se sont donné rendez-vous? Le pronom réfléchi, se, n'est pas simplement agglutiné au verbe, mais remplit la fonction de complément d'objet indirect (ou complément d'attribution) : dans la phrase qui nous intéresse, les étudiants, syndicalistes et militants ont donné rendez-vous à qui? à eux-mêmes, ou plutôt les uns aux autres. Par conséquent, le participe passé ne peut pas s'accorder avec le pronom réfléchi, ni avec le sujet qu'il représente :
Toutes les laideurs s'étaient donné rendez-vous. (Petit Robert, à l'article « rendez-vous ».)
Rilke eût parlé à merveille de cette pièce obscure où la solitude, le silence et l'ennui se sont donné rendez-vous et s'entretiennent lugubrement d'un monde qui n'existe plus. (Green, dans le Trésor de la langue française informatisé, à l'article « lugubrement ».)
Donné s'accorderait cependant avec le complément d'objet direct, si ce dernier était placé devant le verbe :
Si vous saviez tous les rendez-vous galants qu'ils se sont donnés!
Line Gingras
Québec
06:26 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
13 octobre 2007
Sur la cour d'école
Une lectrice québécoise me signale que l'on discute souvent, à l'école où vont ses enfants, des problèmes de discipline sur la cour d'école, de ce qui se passe pendant les récréations, sur la cour d'école. Une recherche Google montre qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé, loin de là.
Je trouve pourtant dans le Hanse-Blampain, à l'article « cour », la phrase On joue dans la cour de l'école. Je lis en outre, dans le Colin et le Girodet, qu'il faut dire Les enfants jouent dans la cour - et non sur la cour (« comme on dit sur le trottoir », précise Girodet).
Le Petit Robert et le Lexis, il est vrai, consignent quelques exemples d'emploi de la préposition sur, mais dans un contexte bien différent de celui qui nous intéresse :
Appartement sur rue et cour. Fenêtre sur cour. (Petit Robert.)
Un appartement dont certaines fenêtres donnent sur la rue et les autres sur une cour. (Lexis.)
À la lumière de tous les autres exemples que j'ai relevés dans les dictionnaires généraux, il y a lieu de conclure, avec les auteurs des trois ouvrages de difficultés mentionnés plus haut, que c'est la préposition dans qu'il faut utiliser pour parler de ce qui se déroule à l'intérieur d'une cour :
Les enfants jouent dans la cour. (Petit Robert.)
Les tracteurs entrent dans la cour de la ferme. (Lexis.)
Toute l'école [élèves et membres du personnel] est réunie dans la cour. (Lexis, à l'article « école ».)
Arrivé dans la grande cour carrée de la ferme... (Bonstetten, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Groupe de personnes qui se trouvent dans la cour. (Trésor.)
Ne parle-t-on pas d'ailleurs, assez fréquemment il me semble, du syndrome « pas dans ma cour »?
Line Gingras
Québec
05:10 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, école
12 octobre 2007
Des jeunes sans ressource
« ... en offrant à ces jeunes sans ressource les moyens nécessaires pour poursuivre leurs études sans avoir à se préoccuper des lendemains qui déchantent. » (Louise-Maude Rioux Soucy.)
Je lis dans le Multidictionnaire que sans ressource « s'écrit généralement au singulier au sens de "sans recours, sans remède", au pluriel au sens de "sans argent" » :
Être perdu sans ressource. (Hanse et Blampain.)
Le reste est un malheur qui n'est point sans ressource. (Racine, dans le Petit Robert.)
Des réfugiés sans ressources. (Multidictionnaire.)
Un vieillard sans ressources. (Hanse et Blampain.)
Le Trésor de la langue française informatisé confirme que la locution se met le plus souvent au pluriel lorsqu'il s'agit de moyens pécuniaires, mais que le singulier se rencontre parfois :
Le peu d'argent que pouvait me donner ma famille fut bientôt mangé. Je me trouvai sans ressource. (Balzac.)
Line Gingras
Québec
« "Appartement/études" - Redonner des ailes à des oiseaux blessés » : http://www.ledevoir.com/2007/10/11/160058.html
05:50 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
11 octobre 2007
La poignée de députés présent
« Si ceux qui se reconnaissent en Kasparov et Politkovskaïa - appelons-les les "authentiques libéraux russes" - parvenaient ne serait-ce qu'à maintenir la poignée de députés actuellement présent à la Douma sous cette étiquette (une dizaine sur 450), ce serait déjà un grand succès! » (François Brousseau.)
Je mettrais le masculin pluriel - présents - de préférence au féminin singulier, en raison de l'étiquette « authentiques libéraux russes », qui me semble s'appliquer aux députés plutôt qu'au collectif poignée. C'est discutable. Mais quoi qu'il en soit, je ne vois pas comment on pourrait justifier le masculin singulier.
« ... la nouvelle autocratie russe qu'il a créé en huit ans au Kremlin. »
Le participe passé employé avec l'auxiliaire avoir s'accorde avec le complément d'objet direct, si celui-ci précède le verbe. Il a créé quoi? la nouvelle autocratie russe : créée.
Line Gingras
Québec
« Le chat russe sort du sac » : http://www.ledevoir.com/2007/10/09/159868.html
08:37 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
10 octobre 2007
Absence de remord
« "La demande d'emprisonnement était motivée par le besoin de dissuasion et par l'absence de remord", a-t-elle brièvement commenté. » (Rémi Nadeau, Presse Canadienne.)
Que l'on ait un ou des remords, ou que l'on soit sans remords, cela ne change rien à l'orthographe du nom : on écrit remords, au singulier comme au pluriel :
Un remords le harcelait. (Maupassant, dans le Petit Robert.)
J'arrivais inéluctablement et sans remords à ce méfait. (Giraudoux, dans le Lexis.)
C'est l'ombre d'un remords qui passe! (Privas, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Paris, depuis plus de quatre ans, était le remords du monde libre... (De Gaulle, dans le Trésor.)
Line Gingras
Québec
« Myriam Bédard évite la prison, mais a besoin d'aide » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071009/CPACTUALITES/7...
03:29 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
09 octobre 2007
Contracteur
« Pompiers, ingénieurs de la ville de Montréal et ingénieurs du contracteur ont évalué la situation tout l'après-midi. » (Catherine Handfield, dans La Presse.)
Contracteur
On utilise très souvent, au Québec, le nom contracteur pour désigner le « propriétaire d'une entreprise qui fait des travaux pour le compte d'autrui » (Dagenais). Ce terme, absent du Petit Robert (2007), du Lexis et du Trésor de la langue française informatisé, est un anglicisme; il faut parler plutôt d'un entrepreneur, comme on peut le voir dans le Multidictionnaire, le Chouinard, le Colpron, le Dagenais et le Meertens. L'Office québécois de la langue française admet les féminins entrepreneure et entrepreneuse (j'ai consulté à ce sujet Le français au bureau, sixième édition).
Ville de Montréal
D'après le Multidictionnaire, le nom ville s'écrit avec une majuscule lorsqu'il désigne l'administration urbaine : Pompiers, ingénieurs de la Ville de Montréal...
Line Gingras
Québec
« Un immeuble menace de s'effondrer sur Papineau » : http://www.cyberpresse.ca/article/20070928/CPACTUALITES/7...
05:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, orthographe, anglicisme, journalisme
08 octobre 2007
Essouflé, il a failli percuté l'embarcadaire
« L'aventurier a accosté à un embarcadaire de Greenwich... » (Agence France-Presse.)
On écrit abécédaire, mais embarcadère.
« "Je suis bouleversé. Je ne peux pas le croire... 13 ans, c'a été un long voyage. C'a été toute ma vie", a-t-il lancé sur la télévision Sky News, essouflé et visiblement épuisé. "C'a été vraiment dur au début", s'est souvenu l'aventurier à la barbe nourrie. »
Ç'a été, ça prend - ç'aurait pris - une cédille.
Essoufflé, avec deux f.
« Il s'est aussi échoué sur un récif aux Antilles, a failli percuté une baleine... »
Il a failli mourir, a failli avoir un accident, a failli percuter une baleine.
Line Gingras
Québec
« 13 ans de tour du monde à la seule force de ses muscles » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071006/CPACTUALITES/7...
07:21 Publié dans Cultiver le doute, On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme