13 mai 2007
Comparons ce qui se compare
« Le langage d'un parti progressiste et de son chef n'a pas besoin d'être obtus et technocratique : il peut se nourrir d'émotions et de valeurs mobilisatrices, comme l'a fait Ségolène Royal en France. » (Gil Courtemanche.)
Non, Ségolène Royal ne s'est pas nourrie d'émotions : elle en a nourri son langage, cependant - c'est du moins ce que veut dire M. Courtemanche, si je ne me trompe. Je suggérerais :
... il peut se nourrir d'émotions et de valeurs mobilisatrices, comme celui qu'a utilisé Ségolène Royal en France / comme celui de Ségolène Royal en France.
Line Gingras
Québec
« S'ancrer dans la réalité » : http://www.ledevoir.com/2007/05/12/143202.html
23:31 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, syntaxe, journalisme, presse
12 mai 2007
Se lancer - Elle s'est lancé
« Ségolène Royal, qui vient en quelque sorte de redonner le statut d'opposition officielle à son parti, s'est lancé_ à l'assaut de l'Élysée sans avoir pu mettre son parti à sa main... » (Christian Rioux.)
Se lancer est un verbe accidentellement pronominal, c'est-à-dire qui n'est pas toujours employé à la forme pronominale; il s'agit plus précisément d'un pronominal réfléchi, puisque le sujet et le pronom personnel complément, se, désignent la même personne. En pareil cas, le participe passé s'accorde avec le complément d'objet direct si ce dernier est antéposé (placé devant), comme si le verbe était conjugué avec l'auxiliaire avoir. Ségolène Royal a lancé qui? elle-même : s'est lancée.
On écrirait cependant : La ministre s'est lancé des fleurs. Explication? Le pronom se est complément d'objet second, ou complément d'attribution; il ne commande donc pas l'accord. De fait, le complément d'objet direct est placé après le verbe : la ministre a lancé des fleurs à elle-même. Par contre : Les fleurs que la ministre s'est lancées...
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« ... bon pour tout les pays et pour tous les peuples. »
... bon pour tous les pays...
Line Gingras
Québec
« La leçon française » : http://www.ledevoir.com/2007/05/11/143073.html
03:50 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
11 mai 2007
Tel que + participe passé
« Tel que rédigée, la loi exige que... » (Serge Truffaut.)
Après tel que, l'ellipse du sujet et du verbe conjugué est à déconseiller dans la langue soutenue. Notez que l'adjectif tel s'accorde, tout comme le participe passé (qu'il y ait ellipse ou non), étant donné qu'il se rapporte à loi :
Telle qu'elle a été rédigée ou Telle qu'elle est rédigée, la loi exige que...
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« Voilà : deux juges de la Cour constitutionnelle ont été suspendus par le président de ce tribunal. Le motif évoqué? Ils ont été accusés, sans que des preuves formelles aient été présentées, d'avoir... »
Pour la distinction entre évoquer et invoquer, je vous renvoie à un billet de La plume heureuse. J'y évoque une foule de souvenirs, en plus...
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« ... ils craignaient que le scepticisme manifesté par ces deux magistrats ne fasse tâche d'huile... »
Il leur fallait donc se donner pour tâche d'empêcher, justement, qu'il ne fasse tache d'huile :
La lâcheté ne peut faire que tache d'huile. (Leiris, dans le Petit Robert.)
Line Gingras
Québec
« Dérive polonaise » : http://www.ledevoir.com/2007/05/11/143049.html?fe=990&...
05:00 Publié dans Cultiver le doute, On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
10 mai 2007
Accords imparfaits
« Le seul ennui, c’est qu’il avait été adopté en plein_ effervescence souverainiste... » (Michel C. Auger, dans Le Soleil.)
Effervescence est un nom féminin : en pleine effervescence.
« Le PQ devra se demander si son projet politique – qui est encore très proche de la souveraineté-association imaginée par René Lévesque à la fin des années 1960 – est encore la meilleure pour le Québec des années 2010. »
La proposition relative, détachée par des tirets, apporte sans doute une précision utile; elle ne fait cependant pas partie du message essentiel de la phrase : Le PQ devra se demander si son projet politique est encore le meilleur pour le Québec des années 2010.
« Avec son départ, les péquistes n’ont plus le choix, ni de bouc émissaire commode : ils devront se poser les questions qu’ils ont soigneusement évité__ depuis des années. »
Le participe passé employé avec l'auxiliaire avoir, on le sait mais encore faut-il se le rappeler au moment opportun, s'accorde avec le complément d'objet direct, si ce dernier précède le verbe. Ils ont évité quoi? les questions : évitées. On écrirait toutefois :
Ils devront réfléchir aux questions qu'ils ont soigneusement évité de se poser.
Ils ont évité quoi? de se poser certaines questions.
Line Gingras
Québec
« Entre le chef et le programme » : http://blogues.cyberpresse.ca/mcauger/?p=606140928
05:35 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
09 mai 2007
Pousser la roue, pousser à la roue
« Malheureusement, une fois analysé et comparé, le profil génétique ne coïncide avec aucun de ceux qui se trouvent dans la banque de la police. Il faudra donc continuer à pousser la roue et se montrer patient. » (Christiane Desjardins.)
Je trouve dans les dictionnaires généraux l'expression pousser à la roue, qui veut dire au sens propre « chercher à faire avancer un véhicule en exerçant un effort sur la roue » (Lexis), et au figuré soit « aider », soit « faire évoluer un processus, une situation » (Petit Robert) :
Vous ferez des progrès, si quelqu'un pousse à la roue. (Lexis.)
On en voit [des Français] qui souhaiteraient une victoire totale de l'Allemagne, qui sont prêts à pousser à la roue, qui collaborent, comme on dit. (Green, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
De là à pousser à la roue, à enfoncer ce pauvre type. (Mallet-Joris, dans le Petit Robert.)
Le tour est également recommandé dans le Colpron et le Chouinard, en remplacement de mettre l'épaule à la roue, qui serait attribuable à l'influence de l'anglais to put one's shoulder to the wheel :
Le chef syndical a invité tous les travailleurs à pousser à la roue. (Chouinard.)
Line Gingras
Québec
« Benoît Guay : décadence d'un homme, chute d'un policier » : http://www.cyberpresse.ca/article/20070503/CPACTUALITES/7...
07:28 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : langue française, anglicisme, journalisme, presse
08 mai 2007
Des politiciens emphatiques
« Quand on côtoie des politiciens, on constate qu'avec l'expérience, et surtout quand ils sont talentueux et emphatiques, ils finissent par devenir spécialistes de la nature humaine. » (Denise Bombardier.)
Emphatique, dans la langue courante, signifie « rempli d'emphase », « pompeux », « ampoulé » :
Un ton, un style emphatique. (Petit Robert.)
Une allocution trop emphatique. (Multidictionnaire.)
Une exhortation emphatique. (Lexis.)
Elle avait le défaut d'employer de ces immenses phrases bardées de mots emphatiques, si ingénieusement nommées des tartines dans l'argot du journalisme... (Balzac, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Madame Bombardier a sans doute voulu dire empathique; cet adjectif vient du nom empathie, qui désigne une « forme de la connaissance d'autrui, spécialement du moi social » (Lexis), la « faculté de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent » (Multidictionnaire). Cependant, alors que l'anglais empathic ou empathetic peut qualifier des personnes, le mot français, dont je ne trouve des exemples d'emploi que dans le Trésor, semble ne s'appliquer qu'au mode de connaissance ou de perception :
L'identification du bébé et de la maman, sur le mode empathique... (Traité sociol.)
Je proposerais donc :
... et surtout quand ils sont talentueux et capables d'empathie...
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« ... un travail aux contraintes restreintes... »
... un travail aux faibles contraintes...
... un travail peu contraignant...
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« Nous vivons une période apparemment désertée par les grands personnages charismatiques dont on a tant d'exemples en tête et qui appartiennent à l'histoire passée. »
... et qui appartiennent à l'histoire.
Line Gingras
Québec
« La piqûre » : http://www.ledevoir.com/2007/03/17/135334.html
06:01 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
07 mai 2007
Ronde de négociations
« En effet, les professeurs et la direction s'apprêtent à entrer dans une ronde de négociations qu'on peut d'ores et déjà, sans même polir la boule de cristal, présumer difficile. » (Marie-Andrée Chouinard.)
L'utilisation du mot ronde, dans ronde de négociations (pour traduire soit round of negotiations, soit bargaining round), doit être tenue pour un anglicisme; c'est du moins l'avis du Colpron, et je trouve d'autres mises en garde dans TERMIUM et dans le Grand dictionnaire terminologique : selon l'Office québécois de la langue française, le terme ronde « [n'a] pas, en français, le sens de "série d'opérations successives" ».
De fait je ne vois rien, dans le Petit Robert, le Lexis ou le Trésor de la langue française informatisé, qui autorise l'emploi de ronde de négociations. Le Multidictionnaire n'aborde pas la question. Le Robert & Collins Super Senior propose de rendre round of negotiations par série de négociations. Le Meertens donne session de négociations. On peut aussi parler, suivant le contexte, de séance (Colpron) ou de cycle de négociations (TERMIUM, Grand dictionnaire terminologique; ces deux sources conseillent également série de négociations).
Line Gingras
Québec
« Jeu de Monopoly » : http://www.ledevoir.com/2007/05/04/142014.html
02:52 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, anglicisme, journalisme, presse