10 mai 2007
Accords imparfaits
« Le seul ennui, c’est qu’il avait été adopté en plein_ effervescence souverainiste... » (Michel C. Auger, dans Le Soleil.)
Effervescence est un nom féminin : en pleine effervescence.
« Le PQ devra se demander si son projet politique – qui est encore très proche de la souveraineté-association imaginée par René Lévesque à la fin des années 1960 – est encore la meilleure pour le Québec des années 2010. »
La proposition relative, détachée par des tirets, apporte sans doute une précision utile; elle ne fait cependant pas partie du message essentiel de la phrase : Le PQ devra se demander si son projet politique est encore le meilleur pour le Québec des années 2010.
« Avec son départ, les péquistes n’ont plus le choix, ni de bouc émissaire commode : ils devront se poser les questions qu’ils ont soigneusement évité__ depuis des années. »
Le participe passé employé avec l'auxiliaire avoir, on le sait mais encore faut-il se le rappeler au moment opportun, s'accorde avec le complément d'objet direct, si ce dernier précède le verbe. Ils ont évité quoi? les questions : évitées. On écrirait toutefois :
Ils devront réfléchir aux questions qu'ils ont soigneusement évité de se poser.
Ils ont évité quoi? de se poser certaines questions.
Line Gingras
Québec
« Entre le chef et le programme » : http://blogues.cyberpresse.ca/mcauger/?p=606140928
05:35 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
09 mai 2007
Pousser la roue, pousser à la roue
« Malheureusement, une fois analysé et comparé, le profil génétique ne coïncide avec aucun de ceux qui se trouvent dans la banque de la police. Il faudra donc continuer à pousser la roue et se montrer patient. » (Christiane Desjardins.)
Je trouve dans les dictionnaires généraux l'expression pousser à la roue, qui veut dire au sens propre « chercher à faire avancer un véhicule en exerçant un effort sur la roue » (Lexis), et au figuré soit « aider », soit « faire évoluer un processus, une situation » (Petit Robert) :
Vous ferez des progrès, si quelqu'un pousse à la roue. (Lexis.)
On en voit [des Français] qui souhaiteraient une victoire totale de l'Allemagne, qui sont prêts à pousser à la roue, qui collaborent, comme on dit. (Green, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
De là à pousser à la roue, à enfoncer ce pauvre type. (Mallet-Joris, dans le Petit Robert.)
Le tour est également recommandé dans le Colpron et le Chouinard, en remplacement de mettre l'épaule à la roue, qui serait attribuable à l'influence de l'anglais to put one's shoulder to the wheel :
Le chef syndical a invité tous les travailleurs à pousser à la roue. (Chouinard.)
Line Gingras
Québec
« Benoît Guay : décadence d'un homme, chute d'un policier » : http://www.cyberpresse.ca/article/20070503/CPACTUALITES/7...
07:28 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : langue française, anglicisme, journalisme, presse
08 mai 2007
Des politiciens emphatiques
« Quand on côtoie des politiciens, on constate qu'avec l'expérience, et surtout quand ils sont talentueux et emphatiques, ils finissent par devenir spécialistes de la nature humaine. » (Denise Bombardier.)
Emphatique, dans la langue courante, signifie « rempli d'emphase », « pompeux », « ampoulé » :
Un ton, un style emphatique. (Petit Robert.)
Une allocution trop emphatique. (Multidictionnaire.)
Une exhortation emphatique. (Lexis.)
Elle avait le défaut d'employer de ces immenses phrases bardées de mots emphatiques, si ingénieusement nommées des tartines dans l'argot du journalisme... (Balzac, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Madame Bombardier a sans doute voulu dire empathique; cet adjectif vient du nom empathie, qui désigne une « forme de la connaissance d'autrui, spécialement du moi social » (Lexis), la « faculté de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent » (Multidictionnaire). Cependant, alors que l'anglais empathic ou empathetic peut qualifier des personnes, le mot français, dont je ne trouve des exemples d'emploi que dans le Trésor, semble ne s'appliquer qu'au mode de connaissance ou de perception :
L'identification du bébé et de la maman, sur le mode empathique... (Traité sociol.)
Je proposerais donc :
... et surtout quand ils sont talentueux et capables d'empathie...
* * * * *
« ... un travail aux contraintes restreintes... »
... un travail aux faibles contraintes...
... un travail peu contraignant...
* * * * *
« Nous vivons une période apparemment désertée par les grands personnages charismatiques dont on a tant d'exemples en tête et qui appartiennent à l'histoire passée. »
... et qui appartiennent à l'histoire.
Line Gingras
Québec
« La piqûre » : http://www.ledevoir.com/2007/03/17/135334.html
06:01 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
07 mai 2007
Ronde de négociations
« En effet, les professeurs et la direction s'apprêtent à entrer dans une ronde de négociations qu'on peut d'ores et déjà, sans même polir la boule de cristal, présumer difficile. » (Marie-Andrée Chouinard.)
L'utilisation du mot ronde, dans ronde de négociations (pour traduire soit round of negotiations, soit bargaining round), doit être tenue pour un anglicisme; c'est du moins l'avis du Colpron, et je trouve d'autres mises en garde dans TERMIUM et dans le Grand dictionnaire terminologique : selon l'Office québécois de la langue française, le terme ronde « [n'a] pas, en français, le sens de "série d'opérations successives" ».
De fait je ne vois rien, dans le Petit Robert, le Lexis ou le Trésor de la langue française informatisé, qui autorise l'emploi de ronde de négociations. Le Multidictionnaire n'aborde pas la question. Le Robert & Collins Super Senior propose de rendre round of negotiations par série de négociations. Le Meertens donne session de négociations. On peut aussi parler, suivant le contexte, de séance (Colpron) ou de cycle de négociations (TERMIUM, Grand dictionnaire terminologique; ces deux sources conseillent également série de négociations).
Line Gingras
Québec
« Jeu de Monopoly » : http://www.ledevoir.com/2007/05/04/142014.html
02:52 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, anglicisme, journalisme, presse
06 mai 2007
Époustoufflant
« Un débat époustoufflant » (titre d'un billet de Michel Vastel).
Oui, je me doute bien qu'un bon débat peut essouffler, mais époustouflant s'écrit quand même avec un seul f :
Une nouvelle époustouflante. (Petit Robert.)
Cette photo est époustouflante. (Multidictionnaire.)
Line Gingras
Québec
http://forums.lactualite.com/advansis/?mod=for&act=dis&eid=1&so=1&sb=1&ps=0
02:59 Publié dans Cultiver le doute | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, médias
05 mai 2007
Tenter + infinitif
« Ghislain Lavoie estime que le PC tente ainsi favoriser le maire Denis Lebel, au détriment de l'autre candidat dans la course, Bernard Potvin. » (Alec Castonguay.)
Employé au sens d'« essayer » et suivi de l'infinitif, le verbe tenter se construit avec la préposition de, comme le fait observer Marie-Éva de Villers :
Tenter de trouver un médicament pour enrayer une maladie. (Multidictionnaire.)
Il tentait en vain de déchiffrer l'inscription. (Robbe-Grillet, dans le Lexis.)
C'est ce que nous avons tenté de montrer au long du présent chapitre. (L'histoire et ses méthodes, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
A-t-elle jamais tenté de s'enfuir? (Villiers, dans le Petit Robert.)
Line Gingras
Québec
« Grogne chez les conservateurs de Roberval » : http://www.ledevoir.com/2007/05/01/141591.html
03:42 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
04 mai 2007
Le saint du saint
« Le metteur en scène du premier acte politique important qu'a accompli Eltsine a été nul autre que Mikhaïl Gorbatchev. C'est lui, en effet, qui l'a introduit au saint du saint du pouvoir soviétique. » (Serge Truffaut.)
Je trouve dans les dictionnaires généraux (Petit Robert, Lexis, Trésor de la langue française informatisé) et dans le Dictionnaire des expressions et locutions figurées l'expression le saint des saints (ou le Saint des Saints, le Saint des saints) : au sens propre, elle désigne la partie la plus sacrée du Temple de Jérusalem, qui renfermait l'arche d'alliance; au sens figuré, l'« endroit le plus retiré d'un édifice », le « service le plus secret ou le plus important d'une organisation, d'une entreprise ». (Trésor de la langue française informatisé.)
* * * * *
« Entouré de jeunes loups, littéralement, le maître du Kremlin allait menait la réforme du système en maniant l'improvisation... » (S.T.)
Line Gingras
Québec
« Moitié, moitié » : http://www.ledevoir.com/2007/04/25/140796.html
05:10 Publié dans Cultiver le doute, On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
03 mai 2007
Remord de circonstances
« Peu importe qu'il n'ait jamais reconnu ses torts, peu importe qu'il n'ait jamais exprimé le moindre remord_, il y aura toujours des gens pour l'aduler.
Il y en aura toujours, mais il y en a quand même peu. L'aréna est à moitié vide. Musique tonitruante. Éclairage de circonstances. » (Rima Elkouri.)
La locution adjectivale de circonstance signifie notamment « qui est fait ou est utile pour une occasion particulière » (Petit Robert), « conforme à la situation, à l'époque » (Lexis). Elle est invariable :
En cette période de départ en vacances, les conseils de prudence sont de circonstance. (Lexis.)
... il n'y a, à tout prendre, que des œuvres de circonstance, car toutes dépendent du lieu et du moment où elles furent créées. (A. France, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
* * * * *
Le nom remords s'écrit toujours avec un s, au singulier comme au pluriel :
Un remords le harcelait. (Maupassant, dans le Petit Robert.)
S'il m'était resté un remords de mon évasion, j'en aurais été guéri sur-le-champ. (Aymé, dans le Trésor.)
Line Gingras
Québec
« Boxeur c. Pédophile » : http://www.cyberpresse.ca/article/20070502/CPOPINIONS/705...
03:54 Publié dans Cultiver le doute | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
02 mai 2007
Coordination et changement d'auxiliaire
« Devant quelques milliers de supporters qui avaient gardé la forme malgré la déconfiture du Front national au premier tour, Jean-Marie Le Pen s'est livré à une dénonciation en règle des deux candidats à l'élection de dimanche et appelé à n'en choisir aucun. » (Christian Rioux.)
On peut très bien coordonner les verbes se livrer et appeler. Cependant, comme se livrer se conjugue avec être, et appeler avec avoir, l'auxiliaire ne peut pas rester sous-entendu :
... Jean-Marie Le Pen s'est livré à une dénonciation en règle des deux candidats à l'élection de dimanche et a appelé à n'en choisir aucun.
Grevisse écrit à ce propos : « Il n'est pas conforme au bon usage de ne pas exprimer le second auxiliaire quand il est différent du premier. » (Le bon usage, douzième édition, paragraphe 784, a.)
Line Gingras
Québec
« Présidentielle française - Le Pen appelle à l'abstention massive » : http://www.ledevoir.com/2007/05/02/141753.html?fe=916&...
06:50 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, syntaxe, grammaire, journalisme
01 mai 2007
Inadéquat, l'association
« "Nous jugeons inadéquat_, écrit Québec Pluriel, l'association de cannibale à la communauté noire et à Kunta Kinté, qui, pour votre gouverne, est l'ancêtre africain d'Alex Haley [l'auteur du roman Racines]." » (Paul Cauchon.)
Qu'est-ce qui est inadéquat? L'association de cannibale à la communauté noire et à Kunta Kinté. Selon la grammaire traditionnelle, l'adjectif est attribut du complément d'objet direct : nous jugeons l'association inadéquate, nous jugeons que l'association est inadéquate. L'accord se fait en genre et en nombre.
Line Gingras
Québec
« Les Têtes à claques accusées de racisme » : http://www.ledevoir.com/2007/05/01/141586.html
23:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme