19 novembre 2006
La vision qu'elle avait fait sienne...
«Telle était la vision qu'avait fait_ sienne Laure Gaudreault en 1961...» (Normand Thériault.)
Les deux éléments de l'expression faire sien sont variables :
Les opinions qu'il a faites siennes. (Multidictionnaire, à l'article «sien».)
Dans la phrase à l'étude, le participe passé du verbe faire, comme le pronom possessif, doit s'accorder en genre et en nombre avec le complément d'objet direct, vision :
Telle était la vision qu'avait faite sienne Laure Gaudreault en 1961...
Line Gingras
Québec
«Toujours au poste» : http://www.ledevoir.com/2006/11/18/123042.html
02:25 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
18 novembre 2006
Jeunes filles de mauvaises vertus
«À la Renaissance, avoir les cheveux libres était typique des jeunes filles de mauvaises vertus.» (Pauline Gravel, citant l'historien de l'art Bruno Mottin.)
Je n'ai pas trouvé l'expression de mauvaises vertus (ni de mauvaise vertu) dans les six ouvrages que j'ai consultés, pas même dans le Dictionnaire historique de la langue française.
Ce dernier consigne cependant la locution adjective de moyenne vertu, datée de 1732 et remplacée depuis par de petite vertu, s'appliquant à une femme «de mœurs faciles», «de mœurs légères» :
Il y avait, aux alentours de l'école de médecine, un certain nombre de «demoiselles de petite vertu» qu'il connaissait. (Martin du Gard, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Une personne de grande beauté et de petite vertu. (Maurois, dans le Lexis.)
L'expression n'est donnée qu'au singulier.
Line Gingras
Québec
«Les mystères de la Joconde révélés» : http://www.ledevoir.com/2006/09/27/119167.html
22:10 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, orthographe, presse, médias
17 novembre 2006
Trouver un moment de soulever...
«... il est difficile de trouver un moment plus inopportun de soulever des questions constitutionnelles.» (Norman Spector.)
Vous ressentez un malaise devant cet emploi de la préposition de devant l'infinitif soulever? Il vous semble que c'est plutôt pour qu'il faudrait utiliser? Je suis bien de votre avis. Mais tâchons de voir pourquoi nous apporterions cette correction.
On peut très bien faire suivre moment d'un complément déterminatif introduit par de :
Se ménager un moment de répit. [L'expression de répit, sans article, équivaut à un adjectif qualificatif.]
Ce n'est pas le moment de lire. [C'est le moment de faire autre chose.]
Le moment était venu de lui téléphoner pour lui apprendre la nouvelle. [Qu'est-ce qui était venu? le moment de lui téléphoner.]
Il était enfin arrivé, le moment de soulever des questions constitutionnelles. [Il y a longtemps qu'on attendait ce moment précis, celui de soulever des questions.]
On écrirait cependant :
Elle n'a jamais un moment pour sa fille. [Pour sa fille est complément circonstanciel - de destination, je dirais - du verbe avoir.]
Je n'ai pas un moment pour lire. [Pour lire est aussi complément circonstanciel du verbe avoir.]
Il ne trouve jamais un moment / le moment propice pour me téléphoner. [Pour me téléphoner est complément circonstanciel du verbe trouver : il ne trouve jamais un moment ou le moment propice pour quoi faire? pour me téléphoner.]
Le moment n'est pas bien choisi pour aller à l'épicerie. [On a choisi ou on pensait choisir un moment donné pour quoi faire? pour aller à l'épicerie.]
... et enfin :
... il est difficile de trouver un moment plus inopportun pour soulever des questions constitutionnelles. [Il s'agit de trouver un moment pour quoi faire? pour soulever des questions constitutionnelles. Le complément ne se rattache pas au nom, mais au verbe, ce qui explique l'emploi de la préposition pour, indiquant le but.]
... il ne sera jamais arrivé, le moment opportun pour soulever des questions constitutionnelles. [Moment est déjà caractérisé par l'adjectif opportun. Il ne sera jamais arrivé, le moment que l'on jugerait opportun pour quoi faire? pour soulever des questions constitutionnelles. Comparer avec Il ne sera jamais arrivé, le moment de soulever des questions constitutionnelles.]
* * * * *
«... les chefs politiques sont désormais tenus de tenir un référendum...»
... les chefs politiques sont désormais forcés/obligés de tenir un référendum...
... les chefs politiques doivent désormais tenir un référendum...
Line Gingras
Québec
«Ignatieff aurait dû savoir» : http://www.ledevoir.com/2006/11/16/122953.html
04:56 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
16 novembre 2006
-Ment -ment -ment, c'est pesant!
«Les universités québécoises ont renoué ces deux dernières années avec les déficits. Les problèmes de sous-financement les affectent lourdement dans leur fonctionnement.» (Bernard Descôteaux.)
Sans doute n'est-il pas indispensable d'éliminer les trois finales en -ment qui... alourdissent la deuxième phrase, mais on le pourrait :
Elles sont loin de disposer des sommes nécessaires pour bien fonctionner.
Line Gingras
Québec
«Crise universitaire» : http://www.ledevoir.com/2006/11/17/122998.html
23:55 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
15 novembre 2006
Le document doit entrer en vigueur...
D'après ce que j'ai vu dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé (je n'ai rien trouvé dans le Hanse-Blampain), la locution en vigueur peut s'employer au sens de «en usage», «usuel» :
Coutume, maxime, procédé, usage en vigueur. (Trésor.)Les anciennes formules de politesse qui sont encore en vigueur. (Madame de Staël, dans le Petit Robert.)
Dans le contexte qui m'a été soumis, l'expression rend plutôt l'idée d'une application officielle. En pareil cas, elle se rencontre fréquemment dans le domaine juridique :
Loi, décret, règlement... en vigueur, qui est toujours en vigueur. (Petit Robert.)
La Charte de la langue française est en vigueur depuis 1977. (Multidictionnaire.)
Si l'on établit dans un pays le gouvernement de ces partis, il ne faut pas s'étonner que la constitution en vigueur fonctionne. (Barrès, dans le Trésor.)
Il me semble toutefois que le tour a assez d'extension pour qu'on puisse s'en servir aussi dans la langue administrative, et qu'un programme d'enseignement peut entrer en vigueur à telle date, comme un règlement. Mais serait-il correct de dire que le document où est exposé le programme doit entrer en vigueur le...?
Un document, selon les ouvrages mentionnés plus haut, c'est un écrit ou un objet «servant de témoignage ou de preuve, constituant un élément d'information» (Lexis). À proprement parler, le document comme tel ne saurait donc entrer en vigueur. Il convient de se demander, cependant, s'il n'y aurait pas lieu de recevoir quand même cet emploi, que l'on pourrait considérer comme métonymique.
On dit bien boire un verre, en utilisant le contenant pour le contenu. Jusqu'où peut-on aller dans cette direction? C'est affaire, dans une certaine mesure, d'appréciation personnelle. Mais sans doute vaudrait-il mieux écrire que le programme, plutôt que le document, entrera en vigueur à telle date; ou reformuler le passage de manière à contourner la difficulté.
Line Gingras
Québec
23:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
14 novembre 2006
Pugnace
On me demande ce que je pense de l'adjectif pugnace :
Son caractère pugnace la fait craindre de tous.
Il faut se montrer pugnace pour s'imposer dans ce milieu.
C'est un mot que je ne rencontre pas souvent; apparemment il ne serait pas toujours compris, quoique le lien avec poing, pugilat me semble assez net. (Cela tient peut-être à sa prononciation : j'apprends que le gn se prononce comme dans huguenot, et non pas comme dans poignée.)
Selon le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, pugnace appartient à la langue littéraire; il signifie «qui aime le combat, la polémique» (Petit Robert) :
Des orateurs aussi pugnaces qu'éloquents. (Multidictionnaire.)
Une nature polémique et infatigablement pugnace. (Sainte-Beuve, dans le Lexis.)
La nature prudente de M. de Saci n'était pas sans quelque méfiance de la nature pugnace d'Arnauld, et il l'aurait voulu tempérer. (Sainte-Beuve, dans le Trésor.)
Certains voudront peut-être le remplacer par combatif, d'utilisation plus courante :
Cette timidité pratique leur laisse une humeur si peu combative... (Mounier.)
Notons à ce propos qu'il y a hésitation sur la graphie; le Petit Robert, par exemple, fait observer (à l'article «combatif») que l'on écrirait mieux combattif.Line Gingras
Québec
23:55 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
13 novembre 2006
De sa faconde habituelle
Le ministre a déclaré, de/avec sa faconde habituelle, que...
Un ami lecteur m'a demandé s'il est préférable d'écrire de sa faconde habituelle ou avec sa faconde habituelle.
Il m'a semblé utile de consulter le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain et le Trésor de la langue française informatisé aux articles «faconde», «éloquence», «volubilité», «loquacité», «verve» et «bagout». Les exemples recueillis sont assez convaincants :
Volubilité
[Elle] parlait sans s'arrêter [...] avec une telle volubilité qu'elle n'avait pas le temps de respirer. (Rolland, dans le Petit Robert.)
Elle parlait avec une volubilité extrême et semblait dans une grande agitation. (Gide, dans le Lexis.)
Ils racontèrent leur expédition avec une volubilité étourdissante. (Multidictionnaire.)
Elle débite, avec la plus incroyable volubilité de langue, ses monologues, qui mettraient en défaut... (Jouy, dans le Trésor.)
Éloquence
Avec son éloquence, Marie-Ève arrivera à les convaincre de participer. (Multidictionnaire.)
L'ouverture [...] résume avec la plus foudroyante éloquence symphonique l'esprit, le style, la philosophie et l'action [de l'œuvre]. (Bruneau, dans le Trésor.)
Verve
Mon père s'est remis à bavarder avec beaucoup de verve. (Céline, dans le Lexis.)
M. Blanqui, répondant avec son intarissable verve à un célèbre journaliste, amusa fort ses lecteurs... (Proudhon, dans le Trésor.)
Bagout (ou bagou)
Tout en parlant ainsi, avec cette facilité de paroles de la femme et de la Parisienne qui s'appelle bagou dans le langage de Paris... (E. et J. de Goncourt, dans le Trésor.)
Faconde
J'aimerais l'y suivre [Jean Marais] avec la faconde précise des speakers sportifs de la radio... (Cocteau, dans le Trésor.)
Line Gingras
Québec
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