24 avril 2007
Contribuer
« Pris dans le bourbier irakien, les États-Unis ne peuvent contribuer plus que les 15 000 hommes déjà stationnés dans le sud de l'Afghanistan. » (Bernard Descôteaux.)
Dans la langue moderne, contribuer est un verbe transitif indirect; on ne contribue pas quelque chose, mais à quelque chose :
Ce film a contribué à le faire connaître. (Petit Robert.)
Contribuer à la défaite du parti adverse. (Berthier-Colignon.)
Cette voix, coupante et blanche à la fois, qui contribuait à la rendre antipathique. (Gyp, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Ces personnes contribueront à l'enrichissement des collections de la bibliothèque par un don (et non *contribueront un don pour...). (D'après le Multidictionnaire.)
Le gouvernement va contribuer pour deux millions au projet (et non *va contribuer deux millions au projet). (Chouinard.)
Je contribuerai pour mille dollars à cette entreprise.
J'y contribuerai jusqu'à concurrence de mille dollars. (Dagenais.)
Jusqu'au XVIIe siècle, toutefois, contribuer pouvait s'employer avec un complément d'objet direct :
Le roi contribuera à cette armée douze mille hommes. (Malherbe, dans le Lexis.)
Cette construction, aujourd'hui rare selon Thomas, est condamnée par les ouvrages québécois que j'ai consultés, soit le Multidictionnaire, le Chouinard, le Colpron et le Dagenais; il semble que sa fréquence d'emploi au Canada soit attribuable à l'influence de l'anglais to contribute, qui peut s'utiliser avec un complément d'objet direct :
To contribute stories to a magazine. (Random House Webster's Unabridged Dictionary.)
Dans la phrase à l'étude, on aurait pu écrire :
... les États-Unis ne peuvent fournir plus que les 15 000 hommes...
Line Gingras
Québec
« Le piège » : http://www.ledevoir.com/2007/04/11/138955.html
04:55 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, anglicisme, journalisme
23 avril 2007
L'antécédent du pronom relatif
« "Au fond, le PQ devrait revenir aux idées de René Lévesque", conclut Robert Comeau qui était à la fois un Québécois enraciné et un nationaliste. » (Antoine Robitaille.)
Au premier abord, il semble que la proposition relative s'applique à l'historien Robert Comeau, alors que le pronom qui représente en fait René Lévesque. On réglerait le problème en rapprochant le pronom de son antécédent :
« Au fond, conclut Robert Comeau, le PQ devrait revenir aux idées de René Lévesque », qui était à la fois un Québécois enraciné et un nationaliste.
Line Gingras
Québec
« L'entrevue - Revenir à Lévesque » : http://www.ledevoir.com/2007/04/23/140593.html?fe=836&...
05:36 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
22 avril 2007
Au début de campagne
« En jouant finement sa partie, Bayrou se retrouve aujourd'hui dans une position de force qui contraste passablement avec celle qui était la sienne au début de campagne. » (Serge Truffaut.)
D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain et le Trésor de la langue française informatisé, on écrit en début de campagne, mais au début de la campagne :
En début de semaine. Au début du siècle. (Petit Robert.)
En début de journée, au début de la journée. (Multidictionnaire.)
En début de séance, au début de la semaine. (Hanse-Blampain.)
Tout au début de l'affaire. (Trésor de la langue française informatisé.)
Une très vieille baraque sise au bas du quartier latin, au début de la rue suivie jadis par les pèlerins de Compostelle. (Duhamel, dans le Trésor.)
De fait, expliquent Hanse et Blampain, « [le] complément de au début est précédé de l'article (ou d'un autre déterminant), à moins que ce complément ne soit un nom de mois ou d'année » :
Au début de la journée, de l'année, de l'hiver, de son mandat, de cette période, mais au début d'octobre, de 1998.
Line Gingras
Québec
« Chapeau! » : http://www.ledevoir.com/2007/04/21/140353.html
23:55 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
21 avril 2007
Aller en onde
« À la CBC, au contraire, on a choisi de ne pas aller en onde avec ce matériel. » (Katia Gagnon, dans La Presse.)
D'après les dictionnaires que j'ai sous la main, on dit toujours les ondes pour désigner la radiodiffusion. Le Petit Robert et le Trésor de la langue française informatisé reçoivent d'ailleurs les expressions mettre en ondes, metteur en ondes et mise en ondes :
... les courtes séquences de l'ordre d'une minute que nous offrions aux metteurs en ondes. (Schaeffer, dans le Trésor.)
Dans mise en ondes, signale Marie-Éva de Villers, ondes est toujours au pluriel.
* * * * *
En réponse à la question de Rosa (voir les commentaires), je ne sais trop que penser de l'expression aller en ondes, que je n'ai pas trouvée à l'article « onde », dans les onze ouvrages consultés. Le Multidictionnaire, le Chouinard et le Colpron condamnent aller sous presse, qu'ils donnent pour le calque de to go to press : il faut dire mettre sous presse. L'expression aller en ondes serait-elle influencée par le tour anglais to go on the air? Si elle est inconnue - ou quasi inconnue - à l'extérieur du Canada, c'est bien possible.
Line Gingras
Québec
« Diffuser ou pas? » : http://www.cyberpresse.ca/article/20070420/CPMONDE/704200...
23:55 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
20 avril 2007
Légion - Les demandes sont légions
« La musique est sélectionnée avec minutie et les demandes spéciales, parfois thérapeutiques, sont légions. » (Hugo Meunier, dans La Presse.)
La locution être légion signifie « être nombreux ». Plusieurs ouvrages de difficultés font observer que légion s'écrit toujours au singulier dans cette expression; d'après Berthier et Colignon, le mot prend ici « valeur adverbiale » :
Ils sont légion ceux qui... (Petit Robert.)
Les pèlerins étaient légion pour recevoir la bénédiction papale. (Multidictionnaire.)
Nos ennuis sont légion. (Berthier-Colignon.)
Les chômeurs sont, hélas! légion. (Berthier-Colignon.)
Les naïfs et les pleutres sont légion. (Girodet.)
Eh bien oui, les Français de cette espèce sont légion. (Mauriac, dans le Lexis.)
Les visionnaires étaient légion en ces premières années du XVIe siècle. (Chamson, dans le Colin.)
Les livres bien faits sont légion; où sont ceux qui font « prendre conscience de quelque chose »? (Alain-Fournier, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Vous me dites qu'il ne manque pas de bourgeois très profondément pénétrés de l'importance professionnelle et qu'ils sont légion. (Aymé, dans le Trésor.)
Aucun des onze ouvrages consultés ne contredit cet avis.
Line Gingras
Québec
« Le dilemme du journal étudiant » : http://www.cyberpresse.ca/article/20070420/CPMONDE/704200...
23:55 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
19 avril 2007
Comble du malheur
« Sans grand étonnement, la plus fine des débrouillardises ne peut pas renverser l'inéluctable : le montant octroyé ne suffit carrément pas à assurer le minimum vital.
« Comble du malheur, on pénalise [...] celui qui accepte, faute de mieux, la main qu'on lui tend. » (Marie-Andrée Chouinard.)
Je trouve dans les dictionnaires généraux l'expression le comble de - c'est-à-dire « le plus haut degré de », selon le Trésor de la langue française informatisé -, suivie d'un complément déterminé par l'article défini :
Le comble du ridicule, de la grossièreté, de la joie, de l'audace, de l'étonnement, de la félicité, de la fureur, de l'injustice. (D'après le Petit Robert, le Lexis et le Trésor.)
Elle est au comble du bonheur quand son copain lui écrit. (Multidictionnaire.)
Voilà le comble de la vulgarité. (Pagnol, dans le Lexis.)
Par contre, suivant le résultat de mes recherches, le complément amené par la locution pour comble de - c'est-à-dire « comme surcroît de », selon le Lexis - n'est jamais précédé de l'article :
Pour comble de malheur, de malchance, de disgrâce, d'ennui, d'ironie, d'horreur, de misère. (D'après le Petit Robert, le Lexis et le Trésor.)
Pour comble d'infortune [...] au deuil de mon amour venait se joindre le regret absurde des êtres et surtout des objets témoins de mon capricieux bonheur. (Milosz, dans le Trésor.)
Je n'ai pas rencontré comble de dans les douze ouvrages consultés; cependant l'ellipse de pour, peut-être familière, ne me choque pas.
Line Gingras
Québec
« Taxe à la solidarité » : http://www.ledevoir.com/2007/04/19/139992.html?fe=805&...
23:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
18 avril 2007
L'épave ou ses morceaux?
« L'épave de l'avion présidentiel, abattu par deux missiles le 6 avril 1994 aux alentours de 20 h, gisent dans le jardin : un moteur ici, une aile un peu plus loin. » (Libération.)
Ce ne sont pas les missiles qui gisent dans le jardin. On y voit un moteur, une aile, d'autres morceaux sans doute, qui appartiennent à l'épave, sujet grammatical : L'épave gît dans le jardin.
Line Gingras
Québec
« Treize ans après le génocide - Le Rwanda mise maintenant sur le tourisme » : http://www.ledevoir.com/2007/04/07/138640.html
23:55 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, orthographe, grammaire, syntaxe, journalisme
17 avril 2007
Armes de destruction massives
« ... Cheney et ses acolytes se sont livrés à une intimidation de type mafieux contre les chercheurs de la CIA et d'autres agences qui disaient "Mais monsieur, nous ne trouvons rien sur les armes de destruction massives!"... » (François Brousseau.)
À mon avis, c'est la destruction qui est massive; je trouve d'ailleurs dans le Petit Robert, à l'article « destruction » : Armes de destruction massive.
« Et qui, en outre, connaissait mieux que les plus hauts gradés - lui qui n'avait jamais revêtu l'uniforme - toutes les arcanes de la stratégie moderne... »
D'après le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Hanse-Blampain, le nom arcane, qui s'emploie généralement au pluriel, est toujours masculin. Le Trésor de la langue française informatisé signale que le féminin est rare.
« Le même homme, durant la même période, fut soupçonné de multiples conflits d'intérêts impliquant le Pentagone et ses politiques d'achats, des compagnies d'armements israéliennes et américaines qu'il dirigeait ou avait dirigé. »
Le participe passé employé avec l'auxiliaire avoir, il ne semble pas superflu de le rappeler, s'accorde avec le complément d'objet direct, si celui-ci précède le verbe. Il avait dirigé quoi? des compagnies : des compagnies qu'il avait dirigées.
« ... l'homme qui, en sa qualité de président du Conseil d'expert en défense formé autour du président Bush... »
Un conseil doit bien avoir d'autres membres que son président?
Line Gingras
Québec
« À bas les pourris » : http://www.ledevoir.com/2007/04/16/139615.html
23:55 Publié dans Cultiver le doute, On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, orthographe, grammaire, syntaxe, journalisme
16 avril 2007
Peut-être ou peut être
« Son buste provient de l'atelier du grand artiste Thoutmès, et peut-être son œuvre personnelle. » (AFP.)
Comment savoir si l'on a affaire à l'adverbe peut-être ou aux verbes pouvoir et être? On peut remplacer peut-être par sans doute; et peut être par pourrait être.
« "... Mais un long voyage de Néfertiti suscite, du point de vue des professionnels, des inquiétudes quant à la conservation et _ la restauration [de l'œuvre] qui doivent être pris au sérieux", a ajouté le ministre. »
Ce sont les inquiétudes qui doivent être prises au sérieux. Par ailleurs, on répète d'ordinaire les prépositions à, de et en devant chacun des compléments : ... suscite [...] des inquiétudes quant à la conservation et à la restauration...
Line Gingras
Québec
« Musées - L'Égypte et l'Allemagne se disputent le buste de Néfertiti » : http://www.ledevoir.com/2007/04/16/139602.html?fe=778&...
23:55 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, grammaire, syntaxe, journalisme
15 avril 2007
Autant que faire ce peut
« Autant que faire ce peut, les cégeps et les universités devraient également aider les étudiants à se diriger dans les secteurs où les besoins sont les plus grands. » (Éric Desrosiers.)
On en trouve confirmation dans le Petit Robert (à l'article « pouvoir »), le Multidictionnaire (à l'article « faire ») et le Hanse-Blampain (à l'article « autant »), l'expression soulignée s'écrit autant que faire se peut : il s'agit du pronominal impersonnel il se peut - autant qu'il se peut faire.
Line Gingras
Québec
« Au diable la dette, place à l'innovation » : http://www.ledevoir.com/2007/04/13/139273.html?fe=760&...
23:55 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
14 avril 2007
Résulter en
« Leur objectif, voire leur ambition première, est de poser une série de gestes pouvant résulter en une réduction des troupes anglo-américaines disséminées au Moyen-Orient. » (Serge Truffaut.)
D'après ce que je vois dans les dictionnaires généraux, résulter ne veut pas dire « avoir pour conséquence », « avoir pour effet », « avoir pour résultat », mais être la conséquence, l'effet, le résultat de quelque chose. Ce verbe a donc pour sujet ou bien le résultat dont il s'agit, ou bien le pronom impersonnel il :
Cet échec résulte d'une insuffisance d'étude et d'exercices. (Multidictionnaire.)
Son état de santé résulte d'un excès de travail. (Lexis.)
L'amitié résulte d'un faible degré d'opposition entre des êtres individuellement divers. (Senancour, dans le Petit Robert.)
La vision réaliste de Manet n'a jamais admis la poétisation volontaire, hormis celle qui résulte des couleurs elles-mêmes. (Mauclair, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Que résulterait-il de toutes ces démarches? (Lexis.)
Il ne peut rien en résulter de bon. (Petit Robert.)
Il en est résulté des rixes autour des urnes. (Giraudoux, dans le Hanse-Blampain.)
Trois des quatre ouvrages québécois que j'ai consultés, soit le Multidictionnaire, le Chouinard et le Colpron (le Dagenais n'aborde pas la question), signalent comme incorrecte la construction résulter en, calque de l'anglais to result in :
Sa déclaration a provoqué (et non *a résulté en) une abondante correspondance. (Multidictionnaire.)
Divers équivalents sont possibles selon le contexte, par exemple causer, entraîner, produire, se solder par. On trouvera d'excellentes suggestions dans le Meertens.
Le passage à l'étude aurait pu se lire :
... poser une série de gestes pouvant entraîner une réduction des troupes...
Line Gingras
Québec
« Un coup de dés » : http://www.ledevoir.com/2007/04/10/138844.html
00:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, anglicisme, journalisme
13 avril 2007
Se féliciter que + indicatif
« Tony Clement était pourtant fier de défendre ses résultats, se félicitant qu'à l'échelle du pays l'ensemble des cinq secteurs prioritaires sont couverts. » (Hélène Buzzetti.)
D'après le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain, on peut se féliciter d'avoir fait quelque chose :
Tu te félicites d'avoir pris ton parapluie, car il pleut à torrents. (Multidictionnaire.)
Félicitez-vous d'avoir été épargné. (Lexis.)
Babeuf se félicite d'avoir défendu la révolution et la république. (Jaurès, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Je trouve aussi, dans le Lexis et le Trésor, la construction se féliciter que + subjonctif :
Le père se félicitait que le bachot eût éloigné son cadet de Sérianne. (Aragon, dans le Trésor.)
Il se félicitait que le diable portât pierre à l'édifice chrétien de Claquebue. (Aymé, dans le Lexis.)
Aucun des dix ouvrages consultés ne reçoit se féliciter que suivi d'un indicatif. À mon avis, comme se féliciter exprime un sentiment, le subjonctif est le mode qui convient dans la phrase à l'étude :
Tony Clement était pourtant fier de défendre ses résultats, se félicitant qu'à l'échelle du pays l'ensemble des cinq secteurs prioritaires soient couverts.
Line Gingras
Québec
« Harper tient une promesse... diluée » : http://www.ledevoir.com/2007/04/05/138332.html
02:56 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
12 avril 2007
Une témoin à la mémoire vascillante
« Une témoin à la mémoire vascillante » (titre d'un article de Brian Myles).
À cinq reprises dans le corps de son article, monsieur Myles emploie le nom témoin - chaque fois en parlant d'une femme, et chaque fois au masculin. Il aurait fallu en tenir compte dans l'établissement du titre, d'autant plus que témoin, d'après le Petit Robert (2007), le Hanse-Blampain et même le Multidictionnaire (quatrième édition), est seulement de genre masculin :
Cette femme a été le témoin de la défense. (Hanse-Blampain.)
Elle a été le témoin involontaire de cette scène. (Multidictionnaire.)
« La veille, le témoin C-17 avait déclaré que Désiré Munyaneza l'avait violée à quatre reprises au cours du génocide... »
L'accord par syllepse, c'est-à-dire selon le sens, a paru préférable, ici, à l'accord grammatical. Il crée cependant un certain malaise, ce qu'on aurait pu éviter en remplaçant le témoin C-17 par un terme féminin désignant la même personne : le journaliste utilise déjà survivante (du génocide rwandais) et jeune femme...
Line Gingras
Québec
« Procès pour crime de guerre, crime contre l'humanité et génocide - Une témoin à la mémoire vascillante » [sic] : http://www.ledevoir.com/2007/04/12/139105.html
04:45 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
11 avril 2007
Au ban des accusés
« Le charabia mis au ban des accusés s'est finalement révélé composer une infime portion de l'ensemble de leurs échanges... » (Frédérique Doyon; il est question d'une étude sur le clavardage.)
D'après le Lexis, mettre quelqu'un au ban (d'un groupe social), c'est « l'en déclarer indigne, le dénoncer comme méprisable aux yeux de ce groupe » :
Mettre une personne (ou un groupe social) au ban de l'opinion, de l'humanité. (Trésor de la langue française informatisé.)
... ils sont mis au ban de la société, froidement méprisés et traités avec hauteur par ceux qui les emploient... (J. Cuisinier, dans le Trésor.)
Robert n'avait-il pas failli se faire mettre au ban de son monde. (Proust, dans le Lexis.)
Mettre un pays au ban des nations. (Petit Robert.)
Par conséquent, mettre quelqu'un - ou quelque chose que l'on personnifie - au ban des accusés, ce serait le déclarer indigne de figurer au nombre des accusés, trop méprisable pour compter parmi les accusés. De toute évidence, on a plutôt voulu dire :
Le charabia mis au banc des accusés s'est finalement révélé composer une infime portion de l'ensemble de leurs échanges...
Line Gingras
Québec
« Le clavardage, massacre de la langue ou renaissance linguistique? » : http://www.ledevoir.com/2007/02/01/129491.html
02:20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
10 avril 2007
Sensé ou censé?
« Les grandes entreprises sont sensées accorder une part de leur budget à la formation. » (Victor-Lévy Beaulieu.)
On confond souvent les homonymes sensé et censé. D'après Marie-Éva de Villers, sensé veut dire « qui est plein de bon sens, raisonnable »; et censé, ou bien « réputé, présumé », ou bien « qui doit faire quelque chose, en principe » :
Sensé
Une décision sensée. (Multidictionnaire.)
Un homme, un projet sensé. (Hanse-Blampain.)
Des paroles sensées. (Petit Robert.)
Censé
Ils sont censés venir demain. (Multidictionnaire.)
Il est censé être en voyage. (Hanse-Blampain.)
Elle n'est pas censée le savoir. (Petit Robert.)
Nul n'est censé ignorer la loi.
Dans la phrase à l'étude, il fallait donc écrire :
Les grandes entreprises sont censées accorder une part de leur budget à la formation.
Line Gingras
Québec
« Sur le gaspillage » : http://www.ledevoir.com/2007/04/10/138838.html?fe=730&...
15:50 Publié dans Cultiver le doute | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, presse, médias
09 avril 2007
Les éléments modulants l'acoustique
« Lorsqu'on lui demande si la simplicité des éléments modulants l'acoustique à Québec est une réponse à la surenchère des gadgets acoustiques d'autres salles... » (Christophe Huss.)
Modulants serait correctement accordé s'il était adjectif verbal; mais c'est un participe présent, comme le montre la présence d'un complément d'objet direct, l'acoustique. Il doit par conséquent demeurer invariable.
Vous en doutez? Remplaçons éléments par un nom féminin, qui obligerait à prononcer modulantes, si nous avions affaire à un adjectif : dirait-on les parties modulantes l'acoustique, les composantes modulantes l'acoustique?
C.Q.F.D.
Line Gingras
Québec
« Musique classique - Dans les coulisses d'une nouvelle salle de concert » : http://www.ledevoir.com/2007/03/31/137650.html
00:26 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
08 avril 2007
Ceux qu'il y a eus...
« Candidat-vedette du PLQ dans Lac-Saint-Jean, Yves Bolduc croit que sa région a fait preuve d'ingratitude à l'endroit du gouvernement : "La population n'a pas su reconnaître [le travail de] M. Charest, tous les investissements qu'il y a eu au Saguenay-Lac-Saint-Jean..." » (Antoine Robitaille et Isabelle Porter.)
En lisant ce passage l'autre jour, j'ai tout de suite conclu qu'on avait été distrait : le participe passé employé avec l'auxiliaire avoir ne doit-il pas s'accorder avec le complément d'objet direct, si ce complément précède le verbe? Il y a eu quoi... des investissements, non?
J'avais négligé un détail : nous n'avons pas affaire ici à un participe passé « ordinaire », mais au participe passé d'un verbe employé à la forme impersonnelle. Et comme vous vous en doutez bien, une règle particulière s'applique : je lis en effet, dans le Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne de Hanse et Blampain, au point 3 de l'article sur l'accord du participe passé (page 417 de la quatrième édition), que le « participe passé des verbes impersonnels ou pris impersonnellement » est « toujours invariable, quel que soit l'auxiliaire » :
Les orages qu'il y a eu.
J'inaugure donc une nouvelle rubrique : Cultiver le doute. Car le doute est salutaire - et c'est Pâques aujourd'hui.
Line Gingras
Québec
« Les partis s'ajustent au "tsunami" adéquiste » : http://www.ledevoir.com/2007/03/30/137537.html
02:00 Publié dans Cultiver le doute | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
07 avril 2007
Un peu d'analyse
« Aujourd'hui divisé, le camp des démocrates a l'obligation de reprendre les choses là où il les a laissées il y a deux ans. Autrement dit, chacun d'entre eux se doit de mettre en sourdine ses accès de vanité pour mieux recomposer le front uni qu'ils avaient présenté à l'hiver 2004 et redonné espoir à une vaste majorité d'Ukrainiens. » (Serge Truffaut.)
Redonné, participe passé, se rattache à l'auxiliaire avoir, avec lequel il forme un plus-que-parfait de l'indicatif : ... le front uni qu'ils avaient [...] redonné espoir... Seulement, vous l'avez remarqué, cet énoncé n'a pas de sens. Ce qu'on a voulu dire, en fait, c'est que les démocrates doivent mettre en sourdine leurs accès de vanité pour mieux recomposer un front uni et pour redonner espoir à une vaste majorité d'Ukrainiens. Bien entendu, il n'est pas nécessaire de répéter la préposition; mais il faut montrer que c'est à elle que se rattache l'idée de redonner espoir - cela impose, évidemment, de mettre le verbe à l'infinitif.
Line Gingras
Québec
« L'orange pressée » : http://www.ledevoir.com/2007/04/04/138165.html
05:57 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
06 avril 2007
Ils se sont partagés le vote
« ADQ et PQ se sont partagés le vote dans les régions du Québec. » (Pierre Duhamel.)
Lorsque le verbe pronominal a un complément d'objet direct, le participe passé s'accorde toujours avec ce complément, pourvu qu'il soit placé devant le verbe :
Ils se sont partagé l'héritage, les tableaux, les actions. (Chardonne, dans le Petit Robert.)
Ils se sont partagé les profits. (Multidictionnaire.)
Ils se sont partagé la responsabilité. (Hanse-Blampain.)
Les bénévoles n'ont pas eu de mal à accomplir les tâches qu'ils s'étaient partagées.
L'ADQ et le PQ ne se sont pas partagés eux-mêmes; ils ont partagé le vote entre eux :
ADQ et PQ se sont partagé le vote dans les régions du Québec.
Line Gingras
Québec
« Le Québec qui souffre vs le Québec qui paye » : http://forums.lactualite.com/advansis/?mod=for&act=di...
00:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
05 avril 2007
De paire avec
« Un cancer ne vient jamais seul. Souvent, il vient de paire avec une perte de poids et une détérioration des capacités fonctionnelles que les médecins désignent sous le terme de cachexie. » (Louise-Maude Rioux Soucy.)
On écrit les deux font la paire, mais aller de pair, marcher de pair, sans e final :
Le courage peut aller de pair avec la prudence. (Petit Robert.)
Ces deux programmes vont de pair. (Multidictionnaire.)
Ces deux choses (ou personnes) vont ou marchent de pair. (Hanse-Blampain.)
Son aventure va de pair avec la nôtre. (Hanse-Blampain.)
Je ne sache point d'aventure qui aille de pair avec la vôtre. (Marivaux, dans le Lexis.)
La concentration des habitations marche le plus souvent de pair avec la concentration des voies de circulation. Plus une ville est grande, plus le réseau des routes qui l'entoure est touffu. (Brunhes, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Je n'ai pas trouvé venir de pair dans les cinq ouvrages consultés. Je ne crois pas, cependant, qu'il y ait lieu de condamner cette expression.Line Gingras
Québec
« Médecine - Cancer : traiter les effets secondaires pour augmenter les chances de survie » : http://www.ledevoir.com/2007/04/04/138188.html
15:44 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
04 avril 2007
Un baudruche promotionnel
« ... tout ça sentirait un peu trop la stratégie de mise en marché [...] le baudruche promotionnel menaçant d'éclater. Si c'était quelqu'un d'autre. » (Sylvain Cormier.)
D'après le Multidictionnaire, le Petit Robert, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, baudruche est un nom féminin :
Théodule [...] passait sa vie à boire de la bière qui lui avait donné, à force de le gonfler et de le souffler, l'apparence comique et inquiétante d'une baudruche. (E. et J. de Goncourt, dans le Trésor.)
L'affaire s'est dégonflée comme une baudruche. (Petit Robert.)
Crever une baudruche (= dissiper les illusions). (Lexis.)
Ils lèvent leurs verres, ils trinquent à toutes sortes de grandes baudruches, mais tout de même à la paix, à la vie. (Aragon, dans le Trésor.)
* * * * *
« Fallait recevoir au plexus et dans les oreilles l'acclamation monstre qu'a servi_ à Bélanger ce public plus qu'heureux... »
Le participe passé employé avec avoir s'accorde en genre et en nombre avec le complément d'objet direct, si celui-ci précède le verbe. Et qu'est-ce ou qui est-ce qui a servi qui ou quoi, dans la phrase à l'étude? Si vous me dites que c'est l'acclamation qui a servi le public, je vous envoie réfléchir dans le coin, et vous serez privé de poutine - en fait c'est le public, ce public plus qu'heureux, qui a servi... quoi? une acclamation monstre (au chanteur Daniel Bélanger). Il fallait donc écrire, sans se laisser induire en erreur par l'inversion du sujet :
... l'acclamation monstre qu'a servie à Bélanger ce public plus qu'heureux...
Line Gingras
Québec
« Spectacle gratuit de Daniel Bélanger au Métropolis - Merci d'être là, et réciproquement » : http://www.ledevoir.com/2007/04/03/138082.html
02:50 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme