29 octobre 2006
De Lassus à Poulenc, la ronde de nos saisons
Il était une fois, il y a très, très longtemps, un vicaire amoureux.
Un jour de fête, le saint homme chantait un amen et il y allait fort, je vous jure - à pleine tête, dit la chanson -, pensant toucher le cœur d'Annette. Et Annette pleurait, pleurait. Seulement voilà : si elle pleurait, Annette, c'était que la voix du vicaire, quand il criait priait si fort, lui rappelait celle de son âne..., son âne qu'elle aimait, et qui était mort.
Bon, mon amie Nicole prétend que je me trompe, qu'Annette se moque avec raison; moi, je soutiens qu'Annette est une brave fille, incapable de malice, et que c'est nous, les chanteurs, qui rions du braillard. Allez savoir.
Une chose est certaine, Annette et le vicaire ne vivent pas dans le même univers : pour le vicaire, c'est la saison des amours; pour Annette, peut-être, la saison du deuil.
Notre prochain concert - je fais partie de l'Ensemble vocal André Martin - aura lieu le 10 décembre, mais ce ne sera pas un concert de Noël; nous avons choisi pour thème, plutôt, La ronde de nos saisons : le passage du temps, le cycle des jours, de l'année et de la vie, mais aussi le mystère de notre destin personnel, la solitude et l'incompréhension où il nous plonge parfois, qui sont notre lot à tous. Et, malgré tout, l'espoir d'une renaissance, qui renaît toujours.
Au programme, de la chanson polyphonique française, de Lassus à Poulenc... et au-delà. Des œuvres allant de la Renaissance, donc, où les idées semblent si fraîches, comme la façon de les exprimer, jusqu'au vingtième siècle où nous avons échappé de justesse à l'hiver - l'hiver nucléaire, d'où nul printemps ne renaîtrait.
Elles parleront, nos chansons, d'amoureux qui folâtrent, d'amants qui se laissent, de tendresse et de contemplation, d'un cygne qui passe... Elles diront l'ennui de l'absence, l'espoir d'un retour, les blés qui mûrissent et la neige qui tombe.
Il y sera question de douleur et de joie, d'enfance et de vieillesse, de mort et de vie. Du triomphe de la vie.
Dimanche 10 décembre à 14 h, à la chapelle des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Vallier.
Line Gingras
Québec
15:05 Publié dans Chant choral, Le billet du dimanche | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Chant choral, musique, concerts, Québec
28 octobre 2006
Ils se sont déplus
«Il est vrai qu'ils cultivent leur animosité depuis de longues années. Ils semblent même s'être déplus au premier coup d'œil.» (Michel David.)
Se déplaire est un verbe accidentellement pronominal, c'est-à-dire qui ne s'utilise pas toujours à la forme pronominale. Et le pronom réfléchi se, ici, ne sert pas seulement à marquer la forme pronominale, mais désigne les deux hommes (Lucien Bouchard et Jacques Parizeau) représentés par le sujet ils.
En pareil cas, le participe passé s'accorde avec le complément d'objet direct, pourvu que celui-ci précède le verbe. Se déplaire, cependant, ne s'emploie jamais avec un complément d'objet direct : on ne déplaît pas quelque chose ni quelqu'un, mais à quelqu'un; messieurs Bouchard et Parizeau déplaisent, paraît-il, l'un à l'autre.
Le participe passé doit donc rester invariable :
Ils semblent même s'être déplu au premier coup d'œil.
Line Gingras
Québec
«Faits pour se détester» : http://www.ledevoir.com/2006/10/24/121175.html?338
22:35 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
27 octobre 2006
Jamais on écrit «vingt-et-un»
«... donner la parole à une de ces personnes que l’on _entend pratiquement jamais et qui vivent la prison, non seulement de l’intérieur mais aussi quotidiennement et, en l’occurrence, depuis vingt-et-une années.» (S.A., de nouvelobs.com.)
Jamais, au sens négatif, doit normalement s'employer avec la négation (ne ou sans), même si l'on omet souvent le ne dans la langue parlée familière :
... une de ces personnes que l'on n'entend pratiquement jamais...
Il aime ses enfants, sans jamais le leur dire.
* * * * *
Les adjectifs numéraux vingt et un, trente et un, quarante et un, cinquante et un, soixante et un et soixante et onze, de même que leurs dérivés en unième, onzième, s'écrivent sans trait d'union :
... en l'occurrence, depuis vingt et une années.
Reportez-vous à la page quarante et un.
Je te le dis pour la trois cent cinquante et unième fois.
Line Gingras
Québec
«Le premier blog d'un détenu français» : http://permanent.nouvelobs.com/societe/20060220.OBS7300.h...
22:32 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe
26 octobre 2006
À quelle antenne logez-vous?
«À vous maintenant [...] de nous dire à quelle antenne vous logez dans ce dossier.» (Denis Beaudin, responsable du Mouvement Sauvons nos Églises.)
Voilà une antenne légèrement défectueuse : je crois que l'auteur a voulu parler d'enseigne, car il ne saurait être question non plus d'une antienne, ni ancienne ni nouvelle, à mon avis.
Cependant, d'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, l'expression être logé à telle enseigne, ou loger, être logé à la même enseigne que quelqu'un, évoque l'idée qu'on se trouve dans une situation fâcheuse, dans l'embarras.
On aurait pu s'en tenir à un tour non imagé :
... quel est votre point de vue concernant ce dossier.
... ce que vous pensez de ce dossier.
C'est moins vivant?
Moins divertissant, je vous le concède.
Line Gingras
Québec
«Lettres : Les églises frissonnent déjà» : http://www.ledevoir.com/2006/10/16/120507.html
02:39 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, presse, journal, médias
25 octobre 2006
Quelques ou quelque
«Selon une étude datant de 2005, plus de 126 milliards de dollars sont envoyés chaque année par les quelques 3,7 millions d’Africains de la diaspora vers le continent...» (Site de BAZZO.TV.)
Employé devant un nombre, au sens d'environ, quelque est adverbe, et par conséquent invariable : ... les quelque 3,7 millions d'Africains de la diaspora...
Quelque serait toutefois adjectif ou déterminant indéfini, et se mettrait donc au pluriel, s'il précédait immédiatement un substantif : ... les quelques millions d'Africains de la diaspora...
Line Gingras
Québec
«Tout le monde en parle PAS...» : http://bazzo.tv/frequence.aspx?id=45
02:50 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, médias
24 octobre 2006
Deux fautes d'accord
«Ce n'est pas tellement la substance des politiques du gouvernement conservateur qui me surprennent, que le ton - dirai-je l'arrogance? - avec lesquels il les présente.» (Michel Vastel.)
Qu'est-ce qui surprend? Ce ne sont pas les politiques du gouvernement conservateur, du moins pas d'après la structure de la phrase, mais c'est plutôt la substance de ces politiques. Substance est le noyau du syntagme la substance des politiques du gouvernement conservateur; à ce noyau se rattache le complément politiques du gouvernement conservateur, qui a lui-même pour noyau politiques.
Pour que politiques (au lieu de substance) soit l'antécédent du pronom relatif qui, sujet du verbe surprendre, il aurait fallu écrire :
Ce ne sont pas tellement les politiques du gouvernement conservateur qui me surprennent...
* * * * *
Et comment sont-elles présentées, ces politiques? Sur un certain ton - avec arrogance, en fait. L'arrogance ne s'ajoute pas au ton, mais le précise; c'est un élément accessoire, placé entre tirets et donc isolé du reste de la phrase. Le pronom relatif lequel s'accorde uniquement avec le ton, et doit par conséquent demeurer au masculin singulier.
Line Gingras
Québec
«Mais qu'arrive-t-il à Stephen Harper?» : http://forums.lactualite.com/advansis/?mod=for&act=di...
07:10 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, blog de journaliste
23 octobre 2006
Perpétrer une lignée
«Sans description claire, les techniciens du centre de recherche et de conservation des semences ont difficilement pu sélectionner les graines des melons possédant la charpente et le charme du melon de Montréal pour perpétrer correctement cette lignée...» (Fabien Deglise.)
Perpétuer la lignée du melon de Montréal, ce ne serait pas un crime.
Line Gingras
Québec
«Le melon de Montréal ne fait plus le poids» : http://www.ledevoir.com/2006/10/11/120171.html
00:00 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, coquilles, journalisme, médias


