15 novembre 2006
Le document doit entrer en vigueur...
D'après ce que j'ai vu dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé (je n'ai rien trouvé dans le Hanse-Blampain), la locution en vigueur peut s'employer au sens de «en usage», «usuel» :
Coutume, maxime, procédé, usage en vigueur. (Trésor.)Les anciennes formules de politesse qui sont encore en vigueur. (Madame de Staël, dans le Petit Robert.)
Dans le contexte qui m'a été soumis, l'expression rend plutôt l'idée d'une application officielle. En pareil cas, elle se rencontre fréquemment dans le domaine juridique :
Loi, décret, règlement... en vigueur, qui est toujours en vigueur. (Petit Robert.)
La Charte de la langue française est en vigueur depuis 1977. (Multidictionnaire.)
Si l'on établit dans un pays le gouvernement de ces partis, il ne faut pas s'étonner que la constitution en vigueur fonctionne. (Barrès, dans le Trésor.)
Il me semble toutefois que le tour a assez d'extension pour qu'on puisse s'en servir aussi dans la langue administrative, et qu'un programme d'enseignement peut entrer en vigueur à telle date, comme un règlement. Mais serait-il correct de dire que le document où est exposé le programme doit entrer en vigueur le...?
Un document, selon les ouvrages mentionnés plus haut, c'est un écrit ou un objet «servant de témoignage ou de preuve, constituant un élément d'information» (Lexis). À proprement parler, le document comme tel ne saurait donc entrer en vigueur. Il convient de se demander, cependant, s'il n'y aurait pas lieu de recevoir quand même cet emploi, que l'on pourrait considérer comme métonymique.
On dit bien boire un verre, en utilisant le contenant pour le contenu. Jusqu'où peut-on aller dans cette direction? C'est affaire, dans une certaine mesure, d'appréciation personnelle. Mais sans doute vaudrait-il mieux écrire que le programme, plutôt que le document, entrera en vigueur à telle date; ou reformuler le passage de manière à contourner la difficulté.
Line Gingras
Québec
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14 novembre 2006
Pugnace
On me demande ce que je pense de l'adjectif pugnace :
Son caractère pugnace la fait craindre de tous.
Il faut se montrer pugnace pour s'imposer dans ce milieu.
C'est un mot que je ne rencontre pas souvent; apparemment il ne serait pas toujours compris, quoique le lien avec poing, pugilat me semble assez net. (Cela tient peut-être à sa prononciation : j'apprends que le gn se prononce comme dans huguenot, et non pas comme dans poignée.)
Selon le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, pugnace appartient à la langue littéraire; il signifie «qui aime le combat, la polémique» (Petit Robert) :
Des orateurs aussi pugnaces qu'éloquents. (Multidictionnaire.)
Une nature polémique et infatigablement pugnace. (Sainte-Beuve, dans le Lexis.)
La nature prudente de M. de Saci n'était pas sans quelque méfiance de la nature pugnace d'Arnauld, et il l'aurait voulu tempérer. (Sainte-Beuve, dans le Trésor.)
Certains voudront peut-être le remplacer par combatif, d'utilisation plus courante :
Cette timidité pratique leur laisse une humeur si peu combative... (Mounier.)
Notons à ce propos qu'il y a hésitation sur la graphie; le Petit Robert, par exemple, fait observer (à l'article «combatif») que l'on écrirait mieux combattif.Line Gingras
Québec
23:55 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
13 novembre 2006
De sa faconde habituelle
Le ministre a déclaré, de/avec sa faconde habituelle, que...
Un ami lecteur m'a demandé s'il est préférable d'écrire de sa faconde habituelle ou avec sa faconde habituelle.
Il m'a semblé utile de consulter le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain et le Trésor de la langue française informatisé aux articles «faconde», «éloquence», «volubilité», «loquacité», «verve» et «bagout». Les exemples recueillis sont assez convaincants :
Volubilité
[Elle] parlait sans s'arrêter [...] avec une telle volubilité qu'elle n'avait pas le temps de respirer. (Rolland, dans le Petit Robert.)
Elle parlait avec une volubilité extrême et semblait dans une grande agitation. (Gide, dans le Lexis.)
Ils racontèrent leur expédition avec une volubilité étourdissante. (Multidictionnaire.)
Elle débite, avec la plus incroyable volubilité de langue, ses monologues, qui mettraient en défaut... (Jouy, dans le Trésor.)
Éloquence
Avec son éloquence, Marie-Ève arrivera à les convaincre de participer. (Multidictionnaire.)
L'ouverture [...] résume avec la plus foudroyante éloquence symphonique l'esprit, le style, la philosophie et l'action [de l'œuvre]. (Bruneau, dans le Trésor.)
Verve
Mon père s'est remis à bavarder avec beaucoup de verve. (Céline, dans le Lexis.)
M. Blanqui, répondant avec son intarissable verve à un célèbre journaliste, amusa fort ses lecteurs... (Proudhon, dans le Trésor.)
Bagout (ou bagou)
Tout en parlant ainsi, avec cette facilité de paroles de la femme et de la Parisienne qui s'appelle bagou dans le langage de Paris... (E. et J. de Goncourt, dans le Trésor.)
Faconde
J'aimerais l'y suivre [Jean Marais] avec la faconde précise des speakers sportifs de la radio... (Cocteau, dans le Trésor.)
Line Gingras
Québec
05:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
12 novembre 2006
Repère des Hell's Angels
«Mais il me semble qu'une famille de juifs hassidiques, même parmi les plus fermés, sont de meilleur voisinage qu'un repère de Hell's Angels.» (Lise Ravary.)
Aurait-on besoin de repères pour reconnaître un repaire de Hells Angels*?
Line Gingras
Québec
«L'accomodement [sic] raisonnable et le Y» : http://forums.chatelaine.qc.ca/advansis/?mod=for&act=...
* Il s'agit de la graphie officielle : http://www.hells-angels.com/faq.htm (en anglais)
03:45 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, blog de journaliste
11 novembre 2006
Euphémiser
«Déçu, le ministre québécois de l'Environnement, Claude Béchard, a reconnu hier qu'il n'avait pas réussi à obtenir de Mme Ambrose le temps de parole de 45 secondes qu'il avait réclamé (sur les trois minutes accordées au Canada lors des plénières). "Il ne semble pas y avoir, à ce moment-ci, beaucoup d'ouverture", a-t-il euphémisé [...]» (Antoine Robitaille.)
Je ne trouve pas le verbe euphémiser dans les ouvrages généraux que j'ai sous la main, soit le Petit Robert (2007), le Lexis, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain et le Trésor de la langue française informatisé.
Je ne vois pas très bien, toutefois, quel autre verbe pourrait exprimer exactement la même idée, et il me paraît un peu lourd d'écrire «a-t-il dit par euphémisme» ou «a-t-il dit euphémiquement».
Les lexicographes devraient peut-être songer à l'admettre?
Line Gingras
Québec
«Nairobi : Ottawa muselle le Québec» : http://www.ledevoir.com/2006/11/10/122564.html
00:35 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
07 novembre 2006
Les éléments d'une énumération
«Si le document est adopté, QS [Québec solidaire] prendra les engagement_ suivants lors de la prochaine campagne électorale :
- embauche...;
- augmentation progressive...;
- hausse graduellement des prestations d'aide sociale...;
- financement d'un chantier...;
- rendrait les médicaments gratuits pour les prestataires d'aide sociale;
- réduction progressive...;
- modification de la Charte...» (Antoine Robitaille.)
Tous les éléments de cette énumération, sauf un, ont pour noyau un substantif; il serait possible, et souhaitable, d'obtenir une présentation uniforme :
... gratuité des médicaments pour les prestataires d'aide sociale...
Je constate aussi que deux éléments ont pour noyau un substantif modifié par un adjectif - augmentation progressive, réduction progressive -, alors qu'un autre élément est centré sur un substantif modifié par un adverbe : hausse graduellement des prestations... En règle générale, cependant, l'adverbe ne modifie pas un nom, mais plutôt un verbe, un adjectif ou un autre adverbe; il faudrait donc écrire : ... hausse graduelle des prestations...
Line Gingras
Québec
«Nationalisations et taxes au programme de Québec solidaire» : http://www.ledevoir.com/2006/11/07/122316.html
04:45 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, syntaxe, journalisme, presse
04 novembre 2006
Attendons avant de s'alarmer
«Faut-il s'inquiéter de nouveaux délais et de coûts qui pourraient grimper en flèche? Attendons avant de s'alarmer.» (Bernard Descôteaux.)
Selon Grevisse (Le bon usage, douzième édition, paragraphe 631 c, remarque 3 et paragraphe 746, remarque), l'emploi du pronom réfléchi de la troisième personne (se) devant un gérondif ou un infinitif, alors que le sujet implicite est de la première ou de la deuxième personne, relève surtout de la langue populaire, où il est assez fréquent :
Nous étions toujours à se disputer.
Il y a des journées où nous faisons un quart de lieue et en se donnant un mal de chien. (Flaubert.)
Colin émet un avis semblable, tandis que Girodet donne cette construction pour fautive. Il me paraîtrait souhaitable, dans un éditorial, d'adopter une langue soutenue :
Attendons avant de nous alarmer.
Line Gingras
Québec
«Encore le CHUM» : http://www.ledevoir.com/2006/11/04/122157.html
03:13 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
02 novembre 2006
Sans trop d'encombres
«Conséquemment, une modification a été apportée au mécanisme d'aide qui avait permis au Portugal ou à l'Irlande d'entrer dans l'Union sans trop d'encombres.» (Serge Truffaut.)
D'après ce que j'ai vu dans les onze ouvrages consultés, le nom encombre (de genre masculin, précise le Trésor de la langue française informatisé) ne se rencontre plus guère que dans la locution adverbiale sans encombre, où il est toujours au singulier :
Il venait de subir sans encombre son dernier examen. (Flaubert, dans le Petit Robert.)
J'atteignis sans encombre le plus haut étage du château. (France, dans le Lexis.)
Je suis très content que tout le monde soit rentré sans encombre. (Giono, dans le Colin.)
Le Trésor signale que la locution peut s'utiliser avec un adjectif :
Je suis arrivé ici hier au soir, sans autre encombre que d'avoir perdu mes clefs. (Mérimée.)
Cet emploi me semble proche de celui que l'on faisait du substantif dans la langue classique, et que l'on trouve, selon le Trésor, chez quelques auteurs du dix-neuvième et même du vingtième siècle :
Nous marchâmes [...] à travers les encombres de toutes sortes... (Fabre.)
La réunion s'acheva sans trop d'encombre. (Gide.)
Le tour sans trop d'encombre(s) ne me paraît donc pas à recommander, mais pas vraiment à condamner non plus. Dans la phrase à l'étude, on aurait pu le remplacer par sans trop de difficulté(s).
Line Gingras
Québec
«Fragile Hongrie» : http://www.ledevoir.com/2006/10/26/121303.html
04:43 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
01 novembre 2006
Plus en détails
«On espère pouvoir vous en parler plus en détails avec l'auteur à ce moment-là.» (Michel Bélair.)
La locution adverbiale en détail figure dans sept des onze ouvrages que j'ai consultés :
Expliquez-moi cela en détail. (Lexis.)
... et ce nous est, dès lors, un devoir impérieux de parler d'elle le plus au long et le plus en détail possible. (Verlaine, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Je ne l'ai vue nulle part avec un s; le Colin et le Thomas précisent d'ailleurs qu'elle s'écrit toujours au singulier.
Line Gingras
Québec
«Théâtre - Wajdi est en ville!» : http://www.ledevoir.com/2006/10/31/121694.html
03:02 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
28 octobre 2006
Ils se sont déplus
«Il est vrai qu'ils cultivent leur animosité depuis de longues années. Ils semblent même s'être déplus au premier coup d'œil.» (Michel David.)
Se déplaire est un verbe accidentellement pronominal, c'est-à-dire qui ne s'utilise pas toujours à la forme pronominale. Et le pronom réfléchi se, ici, ne sert pas seulement à marquer la forme pronominale, mais désigne les deux hommes (Lucien Bouchard et Jacques Parizeau) représentés par le sujet ils.
En pareil cas, le participe passé s'accorde avec le complément d'objet direct, pourvu que celui-ci précède le verbe. Se déplaire, cependant, ne s'emploie jamais avec un complément d'objet direct : on ne déplaît pas quelque chose ni quelqu'un, mais à quelqu'un; messieurs Bouchard et Parizeau déplaisent, paraît-il, l'un à l'autre.
Le participe passé doit donc rester invariable :
Ils semblent même s'être déplu au premier coup d'œil.
Line Gingras
Québec
«Faits pour se détester» : http://www.ledevoir.com/2006/10/24/121175.html?338
22:35 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
23 octobre 2006
Perpétrer une lignée
«Sans description claire, les techniciens du centre de recherche et de conservation des semences ont difficilement pu sélectionner les graines des melons possédant la charpente et le charme du melon de Montréal pour perpétrer correctement cette lignée...» (Fabien Deglise.)
Perpétuer la lignée du melon de Montréal, ce ne serait pas un crime.
Line Gingras
Québec
«Le melon de Montréal ne fait plus le poids» : http://www.ledevoir.com/2006/10/11/120171.html
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22 octobre 2006
Tous pour un
«"Confiant_ et compétent_ quand il_ gère__ un programme sans surprise, Harper et les quelques conseillers en qui il a confiance perdent tous leurs moyens et leur boussole politique quand l'idéologie entre en collision avec le consensus général."» (Manon Cornellier citant James Travers, du Toronto Star.)
Monsieur Harper et ses conseillers perdent tous leurs moyens dans certaines circonstances, selon le journaliste du Toronto Star; dans d'autres circonstances, c'est-à-dire lorsqu'ils gèrent un programme sans surprise, ils se montrent confiants et compétents. La conjonction de coordination qui unit Harper et les quelques conseillers en qui il a confiance fait des deux sujets un tout indissociable : le pronom sujet de la proposition subordonnée (quand il gère un programme sans surprise) ne peut pas représenter un de ces sujets à l'exclusion de l'autre; les adjectifs confiant et compétent, épithètes détachées, se rapportent aux deux sujets coordonnés, et doivent se mettre au pluriel.
Pour que la première partie de la phrase s'applique uniquement à monsieur Harper, il faudrait la structurer de façon plus claire :
Harper est compétent et plein d'assurance quand il gère un programme sans surprise; cependant, lui et les quelques conseillers en qui il a confiance perdent tous leurs moyens...
Harper est compétent et sûr de lui quand il gère un programme sans surprise; cependant, le premier ministre et les quelques conseillers en qui il a confiance perdent tous leurs moyens...
Line Gingras
Québec
«Revue de presse - Une bouffée d'air frais?» : http://www.ledevoir.com/2006/10/14/120436.html
03:39 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
21 octobre 2006
L'inspiration qu'il lui inspirera
«Ne serait-ce que pour l'inspiration qu'il lui inspirera, il devrait être le premier à souhaiter aujourd'hui la bienvenue à l'Assemblée nationale au chef péquiste.» (Bernard Descôteaux.)
S'il y a un jeu de mots, je ne l'ai pas saisi.
«Ces prochains mois, lui et son collègu_, ministre des Finance_, auront tout intérêt à repenser cette stratégie.»
Cette phrase n'a donc pas été relue?
Line Gingras
Québec
«Dernier droit» : http://www.ledevoir.com/2006/10/17/120601.html
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19 octobre 2006
Une baisse draconienne
«"Je ne pense pas que c'était le temps de faire ça parce que les entreprises souffrent actuellement" en raison de leurs exportations en dollars américains, qui ont connu une baisse draconienne, a-t-il* fait remarquer.» (Antoine Robitaille.)
Draconien se dit de ce qui est «d'une sévérité excessive, d'une rigueur extrême» (Trésor de la langue française informatisé). D'après ce que je vois dans les treize ouvrages consultés, cet adjectif s'applique à des mesures, des règlements, des lois, des réformes :
Les mesures n'étaient pas draconiennes et l'on semblait avoir beaucoup sacrifié au désir de ne pas inquiéter l'opinion publique. (Camus, dans le Lexis.)
Le journal est bridé, muselé par des lois draconiennes... (Goncourt, dans le Trésor.)
Si draconien soit-il, un règlement trouve toujours des accommodements. (Bazin, dans le Trésor.)
On peut donc parler, comme le propose le Colpron, de réductions draconiennes de crédits, mais il faut comprendre qu'il s'agit là de mesures budgétaires. La baisse draconienne des exportations dont il est question dans la phrase à l'étude me semble de nature différente : ce n'est pas une baisse que les entreprises ont décidée, planifiée, mais une baisse que l'on constate. L'idée de sévérité, de rigueur ne s'applique pas ici.
Il aurait mieux valu dire, à mon avis, que les exportations ont connu une baisse considérable, ou très importante.
Line Gingras
Québec
* François Legault, critique péquiste en matière de finances.
«Bouchard s'invite à la rentrée parlementaire» : http://www.ledevoir.com/2006/10/18/120712.html
03:20 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
16 octobre 2006
Polémiste et polémique
«S'il est vrai que le ton est volontairement polémiste, le texte n'en est pas moins exempt "d'idées nauséabondes", contrairement à ce qu'affirme la Ligue des droits de l'homme.» (Serge Truffaut.)
Il faut se garder de confondre polémiste et polémique : si polémique peut être nom féminin ou adjectif, polémiste s'emploie toujours comme nom, d'après le Petit Robert (2007), le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé :
Cette journaliste est une redoutable polémiste. (Petit Robert.)
Jamais Barrès ni Péguy n'eussent admis d'être pris, même dans leurs écrits polémiques, pour de simples polémistes. (Benda, dans le Trésor.)
L'Encyclopédie le jette [Diderot] dans un travail de polémiste. (Cocteau, dans le Trésor.)
Article, attitude, critique, écrit, écrivain, langage, style, ton polémique. (Trésor.)
Line Gingras
Québec
«L'abject» : http://www.ledevoir.com/2006/10/16/120504.html
02:27 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
14 octobre 2006
Prendre un pari
«... Michael Ignatieff a pris un pari audacieux : même si tout le monde le considérait comme le meneur, il n’allait pas agir de façon prudente en évitant la controverse.» (Michel C. Auger.)
D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, au sens de parier, on dit engager un pari, et surtout faire un pari :
Faire un pari dangereux. (Lexis.)
Je vous fais un pari : vous ne resterez pas un an en Italie. (Beauvoir, dans le Trésor.)
J'ai fait le pari que notre équipe gagnerait : elle a perdu, donc j'ai dû donner 1 $ à Luc. (Multidictionnaire.)
On dirait qu'elle a fait le pari de me dégoûter de moi en me ressemblant. (Bousquet, dans le Trésor.)
Prendre les paris s'emploie également, bien entendu, mais pour celui qui se charge d'organiser, de recueillir les paris :
Le 18 septembre, les deux dirigeants de Bwin, une société de paris en ligne, ont été mis en examen pour infraction à la réglementation sur les jeux. En France, seuls le PMU [Pari Mutuel Urbain] et la Française des Jeux sont en effet autorisés à prendre les paris. (Le Figaro.fr.)
Line Gingras
Québec
«Le pari réussi de Michael Ignatieff» : http://www.cyberpresse.ca/article/20061011/CPBLOGUES07/61...
«Les sites de jeux en ligne ébranlés» : http://www.lefigaro.fr/eco-entreprises/20061002.WWW000000...
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13 octobre 2006
Démocratie canadienne
«Plusieurs de ces résolutions tranchent par leur fermeté. Ainsi, une de celles-ci exhorte le Parti libéral du Canada à s'autoréglementer pour que 52 % de ses députés élus soient des femmes d'ici trois élections.» (Hélène Buzzetti.)
Il y a donc des députés qui ne sont pas élus, au Canada? en plus des sénateurs? À mon sens, on a voulu parler des candidats élus, ou tout simplement des députés.
Line Gingras
Québec
«Les libéraux du Québec veulent défendre la parité des sexes aux Communes» : http://www.ledevoir.com/2006/10/12/120254.html
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11 octobre 2006
Comme comme
«Elle [la loi] élargit dangereusement la définition du suspect susceptible d'être considéré comme ce qu'elle désignera dorénavant comme un "ennemi combattant illégal".» (Guy Taillefer.)
... comme ce qu'elle désignera dorénavant sous la dénomination d'«ennemi combattant illégal».
... comme ce qu'elle désignera dorénavant sous le terme d'«ennemi combattant illégal».
Line Gingras
Québec
«Bush les mains libres» : http://www.ledevoir.com/2006/10/02/119513.html
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09 octobre 2006
Suspects terroristes
«À la même époque, des agents du FBI et de la CIA procédaient à des enlèvements de suspects terroristes...» (Gil Courtemanche.)
L'adjectif épithète qualifie le nom auquel il se rapporte. Et l'apposition, selon Brunot, «sert en réalité de qualification, comme un adjectif» (Petit Robert, à l'article «apposition».) Dans la phrase qui nous intéresse, suspects est un nom; terroristes peut être considéré, à mon avis, soit comme un adjectif épithète qui se rapporte au nom suspects, soit comme un nom en apposition.
Or, si on parlait, dans un contexte différent, de suspects terrifiés, on affirmerait que les suspects étaient terrifiés; si on disait suspects peu bavards, suspects malades, suspects étudiants, suspects citoyens des États-Unis, on avancerait que les suspects étaient peu bavards, malades, étudiants, citoyens des États-Unis. Comment peut-on écrire, dans ce cas, suspects terroristes? Une personne que l'on soupçonne seulement d'être un terroriste ne saurait, à mon sens, être présentée comme un terroriste. Cette expression ne me paraît pas cohérente.
Les gens que l'on a enlevés étaient des terroristes présumés, des personnes que l'on soupçonnait d'être des terroristes. Je crois deviner, cependant, d'où viennent les suspects terroristes : d'après Google, on trouve dans Internet plus de 900 000 occurrences de l'anglais terrorist suspects.
Line Gingras
Québec
«La tyrannie légalisée» : http://www.ledevoir.com/cgi-bin/ledevoirredir.cgi?http://...
05:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, anglicisme, journalisme, médias
08 octobre 2006
Gruppo!
Personne n'est intervenu; un peu tard les regards se croisent, incrédules, interrogateurs, courroucés, amusés... : quelqu'un a vu un groupe, au cours de la dernière demi-heure?
Dans le p'tit rang croche, cela s'appelait avoir du front tout le tour de la tête. (L'expression demeure très employée au Québec, dans un registre familier; c'est le p'tit rang croche qui justifie l'imparfait.)
* * * * *
«... l'ajout, en 2003, de l'orientation sexuelle sur la liste des groupes protégés contre la propagande haineuse n'a pas entraîné l'interdiction de la Bible ou du Coran...» (Josée Boileau.)
Eh! non, l'orientation sexuelle n'est pas un groupe. Cela dit, doit-on comprendre que la propagande haineuse est autorisée dans certains cas, ou à l'endroit de certains groupes?
Line Gingras
Québec
«Intolérance» : http://www.ledevoir.com/2006/10/06/119877.html
02:00 Publié dans Le billet du dimanche, On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : journalisme, presse, médias, langue française
07 octobre 2006
Êtes-vous civique? de bon aloi?
«Bégin reproche aussi à Ignatieff d'avoir sali les souverainistes québécois à l'étranger en les dépeignant [...] comme des nationalistes belliqueux et réactionnaires, alors que les nationalistes canadiens et britanniques, eux, seraient civiques et de bon aloi.» (Louis Cornellier.)
Civique se dit, d'après le Petit Robert, de ce qui est «relatif au citoyen» ou de ce qui est «propre au bon citoyen». D'après les cinq ouvrages généraux que j'ai consultés, cet adjectif ne peut pas figurer au nombre des qualités d'une personne, bien qu'il entre dans le terme garde civique, désignant la «garde nationale» selon le Lexis («garde composée de citoyens», précise le Trésor de la langue française informatisé). Je l'ai trouvé, par contre, avec des noms comme droits, devoirs, courage, vertus, instruction, sens, esprit, zèle :
Mathieu se sentit accablé par une nuée de responsabilités civiques. (Sartre, dans le Lexis.)
La littérature est devenue sociale, humanitaire, éducatrice, même pis : civique! (Léautaud, dans le Trésor.)
D'après le Multidictionnaire, le mot aloi se rencontre uniquement dans les locutions de bon aloi et de mauvais aloi : plaisanterie, luxe de mauvais aloi; succès, gaieté de bon aloi. Le Petit Robert consigne toutefois une variante avec le superlatif de bon :
Une gloire du meilleur aloi. (Caillois.)
Et le Trésor fait état d'un emploi, peu fréquent semble-t-il, où l'expression - à vrai dire une autre variante - se rapporte à une personne; il n'en cite qu'un exemple : homme de bas aloi, «qui est de basse condition, d'une profession vile, ou qui est méprisable par lui-même» (Académie, 1835). La neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie, consultée en ligne, ne mentionne pas cet usage.
Il me semble donc qu'on ne saurait en aucun cas être civique, et qu'il faut estimer inapproprié, de nos jours, de présenter quelqu'un comme étant de bon aloi.
Je crois que le passage à l'étude pourrait être interprété comme suit :
... alors que les nationalistes canadiens et britanniques, eux, seraient courtois et pondérés.
Line Gingras
Québec
«Essais québécois - Faut-il avoir peur de Michael Ignatieff?» : http://www.ledevoir.com/2006/09/30/119415.html?338
05:50 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias