31 octobre 2006
Tribunaux d'applications et sujet fantôme
«... il ne devrait pas sortir avant 2021 à moins de bénéficier d’une suspension de peine prévue par la loi Kouchner et qui lui ont à ce jour toutes été refusées par les tribunaux d’applications des peines.» (S.A., de nouvelobs.com.)
Les tribunaux d'application des peines s'occupent, j'imagine, de l'application des peines; il paraît donc logique de laisser application au singulier. Une recherche Google confirme cet usage.
* * * * *
De toute évidence, le pronom relatif qui, sujet de ont été refusées, devrait avoir un antécédent pluriel; d'un autre côté, on ne peut sans doute pas bénéficier de plusieurs suspensions de peine à la fois. Je proposerais :
... il ne devrait pas sortir avant 2021, à moins de bénéficier d’une suspension de peine prévue par la loi Kouchner; à ce jour, toutes ses demandes ont été refusées par les tribunaux d’application des peines.
Line Gingras
Québec
«Le premier blog d'un détenu français» : http://permanent.nouvelobs.com/societe/20060220.OBS7300.h...
21:54 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe
30 octobre 2006
«C'est... que» et l'attribut du complément d'objet direct
«Mais quand on y réfléchit bien, c'est entouré_ de leurs enfants et de leurs petits-enfants qu'on souhaiterait aussi voir les vieillards qui aujourd'hui n'ont plus qu'un animal de compagnie (quand cela leur est permis) pour causer de la vie et de ses angoisses.» (Denise Bombardier.)
La présence du tour c'est... que, servant à une mise en relief, ne doit pas nous tromper : l'adjectif entouré est attribut du complément d'objet direct. On souhaiterait voir les vieillards entourés de leurs enfants...
Vous n'êtes pas convaincu? Imaginons la même construction, mais avec des adjectifs dont la prononciation ferait sentir l'accord :
Cependant, c'est heureuses et bien portantes qu'on souhaiterait voir ces femmes qui ont tant travaillé pour élever leur famille.
Sans la mise en relief, par ailleurs parfaitement correcte, la phrase à l'étude se lirait comme suit :
Mais quand on y réfléchit bien, on souhaiterait aussi voir entourés de leurs enfants et de leurs petits-enfants les vieillards qui aujourd'hui n'ont plus...
Line Gingras
Québec
«Jeunes et seuls» : http://www.ledevoir.com/2006/10/28/121504.html
23:55 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe
29 octobre 2006
De Lassus à Poulenc, la ronde de nos saisons
Il était une fois, il y a très, très longtemps, un vicaire amoureux.
Un jour de fête, le saint homme chantait un amen et il y allait fort, je vous jure - à pleine tête, dit la chanson -, pensant toucher le cœur d'Annette. Et Annette pleurait, pleurait. Seulement voilà : si elle pleurait, Annette, c'était que la voix du vicaire, quand il criait priait si fort, lui rappelait celle de son âne..., son âne qu'elle aimait, et qui était mort.
Bon, mon amie Nicole prétend que je me trompe, qu'Annette se moque avec raison; moi, je soutiens qu'Annette est une brave fille, incapable de malice, et que c'est nous, les chanteurs, qui rions du braillard. Allez savoir.
Une chose est certaine, Annette et le vicaire ne vivent pas dans le même univers : pour le vicaire, c'est la saison des amours; pour Annette, peut-être, la saison du deuil.
Notre prochain concert - je fais partie de l'Ensemble vocal André Martin - aura lieu le 10 décembre, mais ce ne sera pas un concert de Noël; nous avons choisi pour thème, plutôt, La ronde de nos saisons : le passage du temps, le cycle des jours, de l'année et de la vie, mais aussi le mystère de notre destin personnel, la solitude et l'incompréhension où il nous plonge parfois, qui sont notre lot à tous. Et, malgré tout, l'espoir d'une renaissance, qui renaît toujours.
Au programme, de la chanson polyphonique française, de Lassus à Poulenc... et au-delà. Des œuvres allant de la Renaissance, donc, où les idées semblent si fraîches, comme la façon de les exprimer, jusqu'au vingtième siècle où nous avons échappé de justesse à l'hiver - l'hiver nucléaire, d'où nul printemps ne renaîtrait.
Elles parleront, nos chansons, d'amoureux qui folâtrent, d'amants qui se laissent, de tendresse et de contemplation, d'un cygne qui passe... Elles diront l'ennui de l'absence, l'espoir d'un retour, les blés qui mûrissent et la neige qui tombe.
Il y sera question de douleur et de joie, d'enfance et de vieillesse, de mort et de vie. Du triomphe de la vie.
Dimanche 10 décembre à 14 h, à la chapelle des Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Vallier.
Line Gingras
Québec
15:05 Publié dans Chant choral, Le billet du dimanche | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Chant choral, musique, concerts, Québec
28 octobre 2006
Ils se sont déplus
«Il est vrai qu'ils cultivent leur animosité depuis de longues années. Ils semblent même s'être déplus au premier coup d'œil.» (Michel David.)
Se déplaire est un verbe accidentellement pronominal, c'est-à-dire qui ne s'utilise pas toujours à la forme pronominale. Et le pronom réfléchi se, ici, ne sert pas seulement à marquer la forme pronominale, mais désigne les deux hommes (Lucien Bouchard et Jacques Parizeau) représentés par le sujet ils.
En pareil cas, le participe passé s'accorde avec le complément d'objet direct, pourvu que celui-ci précède le verbe. Se déplaire, cependant, ne s'emploie jamais avec un complément d'objet direct : on ne déplaît pas quelque chose ni quelqu'un, mais à quelqu'un; messieurs Bouchard et Parizeau déplaisent, paraît-il, l'un à l'autre.
Le participe passé doit donc rester invariable :
Ils semblent même s'être déplu au premier coup d'œil.
Line Gingras
Québec
«Faits pour se détester» : http://www.ledevoir.com/2006/10/24/121175.html?338
22:35 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, journalisme
27 octobre 2006
Jamais on écrit «vingt-et-un»
«... donner la parole à une de ces personnes que l’on _entend pratiquement jamais et qui vivent la prison, non seulement de l’intérieur mais aussi quotidiennement et, en l’occurrence, depuis vingt-et-une années.» (S.A., de nouvelobs.com.)
Jamais, au sens négatif, doit normalement s'employer avec la négation (ne ou sans), même si l'on omet souvent le ne dans la langue parlée familière :
... une de ces personnes que l'on n'entend pratiquement jamais...
Il aime ses enfants, sans jamais le leur dire.
* * * * *
Les adjectifs numéraux vingt et un, trente et un, quarante et un, cinquante et un, soixante et un et soixante et onze, de même que leurs dérivés en unième, onzième, s'écrivent sans trait d'union :
... en l'occurrence, depuis vingt et une années.
Reportez-vous à la page quarante et un.
Je te le dis pour la trois cent cinquante et unième fois.
Line Gingras
Québec
«Le premier blog d'un détenu français» : http://permanent.nouvelobs.com/societe/20060220.OBS7300.h...
22:32 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe
26 octobre 2006
À quelle antenne logez-vous?
«À vous maintenant [...] de nous dire à quelle antenne vous logez dans ce dossier.» (Denis Beaudin, responsable du Mouvement Sauvons nos Églises.)
Voilà une antenne légèrement défectueuse : je crois que l'auteur a voulu parler d'enseigne, car il ne saurait être question non plus d'une antienne, ni ancienne ni nouvelle, à mon avis.
Cependant, d'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, l'expression être logé à telle enseigne, ou loger, être logé à la même enseigne que quelqu'un, évoque l'idée qu'on se trouve dans une situation fâcheuse, dans l'embarras.
On aurait pu s'en tenir à un tour non imagé :
... quel est votre point de vue concernant ce dossier.
... ce que vous pensez de ce dossier.
C'est moins vivant?
Moins divertissant, je vous le concède.
Line Gingras
Québec
«Lettres : Les églises frissonnent déjà» : http://www.ledevoir.com/2006/10/16/120507.html
02:39 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, presse, journal, médias
25 octobre 2006
Quelques ou quelque
«Selon une étude datant de 2005, plus de 126 milliards de dollars sont envoyés chaque année par les quelques 3,7 millions d’Africains de la diaspora vers le continent...» (Site de BAZZO.TV.)
Employé devant un nombre, au sens d'environ, quelque est adverbe, et par conséquent invariable : ... les quelque 3,7 millions d'Africains de la diaspora...
Quelque serait toutefois adjectif ou déterminant indéfini, et se mettrait donc au pluriel, s'il précédait immédiatement un substantif : ... les quelques millions d'Africains de la diaspora...
Line Gingras
Québec
«Tout le monde en parle PAS...» : http://bazzo.tv/frequence.aspx?id=45
02:50 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, médias
24 octobre 2006
Deux fautes d'accord
«Ce n'est pas tellement la substance des politiques du gouvernement conservateur qui me surprennent, que le ton - dirai-je l'arrogance? - avec lesquels il les présente.» (Michel Vastel.)
Qu'est-ce qui surprend? Ce ne sont pas les politiques du gouvernement conservateur, du moins pas d'après la structure de la phrase, mais c'est plutôt la substance de ces politiques. Substance est le noyau du syntagme la substance des politiques du gouvernement conservateur; à ce noyau se rattache le complément politiques du gouvernement conservateur, qui a lui-même pour noyau politiques.
Pour que politiques (au lieu de substance) soit l'antécédent du pronom relatif qui, sujet du verbe surprendre, il aurait fallu écrire :
Ce ne sont pas tellement les politiques du gouvernement conservateur qui me surprennent...
* * * * *
Et comment sont-elles présentées, ces politiques? Sur un certain ton - avec arrogance, en fait. L'arrogance ne s'ajoute pas au ton, mais le précise; c'est un élément accessoire, placé entre tirets et donc isolé du reste de la phrase. Le pronom relatif lequel s'accorde uniquement avec le ton, et doit par conséquent demeurer au masculin singulier.
Line Gingras
Québec
«Mais qu'arrive-t-il à Stephen Harper?» : http://forums.lactualite.com/advansis/?mod=for&act=di...
07:10 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, blog de journaliste
23 octobre 2006
Perpétrer une lignée
«Sans description claire, les techniciens du centre de recherche et de conservation des semences ont difficilement pu sélectionner les graines des melons possédant la charpente et le charme du melon de Montréal pour perpétrer correctement cette lignée...» (Fabien Deglise.)
Perpétuer la lignée du melon de Montréal, ce ne serait pas un crime.
Line Gingras
Québec
«Le melon de Montréal ne fait plus le poids» : http://www.ledevoir.com/2006/10/11/120171.html
00:00 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, coquilles, journalisme, médias
22 octobre 2006
Tous pour un
«"Confiant_ et compétent_ quand il_ gère__ un programme sans surprise, Harper et les quelques conseillers en qui il a confiance perdent tous leurs moyens et leur boussole politique quand l'idéologie entre en collision avec le consensus général."» (Manon Cornellier citant James Travers, du Toronto Star.)
Monsieur Harper et ses conseillers perdent tous leurs moyens dans certaines circonstances, selon le journaliste du Toronto Star; dans d'autres circonstances, c'est-à-dire lorsqu'ils gèrent un programme sans surprise, ils se montrent confiants et compétents. La conjonction de coordination qui unit Harper et les quelques conseillers en qui il a confiance fait des deux sujets un tout indissociable : le pronom sujet de la proposition subordonnée (quand il gère un programme sans surprise) ne peut pas représenter un de ces sujets à l'exclusion de l'autre; les adjectifs confiant et compétent, épithètes détachées, se rapportent aux deux sujets coordonnés, et doivent se mettre au pluriel.
Pour que la première partie de la phrase s'applique uniquement à monsieur Harper, il faudrait la structurer de façon plus claire :
Harper est compétent et plein d'assurance quand il gère un programme sans surprise; cependant, lui et les quelques conseillers en qui il a confiance perdent tous leurs moyens...
Harper est compétent et sûr de lui quand il gère un programme sans surprise; cependant, le premier ministre et les quelques conseillers en qui il a confiance perdent tous leurs moyens...
Line Gingras
Québec
«Revue de presse - Une bouffée d'air frais?» : http://www.ledevoir.com/2006/10/14/120436.html
03:39 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
21 octobre 2006
L'inspiration qu'il lui inspirera
«Ne serait-ce que pour l'inspiration qu'il lui inspirera, il devrait être le premier à souhaiter aujourd'hui la bienvenue à l'Assemblée nationale au chef péquiste.» (Bernard Descôteaux.)
S'il y a un jeu de mots, je ne l'ai pas saisi.
«Ces prochains mois, lui et son collègu_, ministre des Finance_, auront tout intérêt à repenser cette stratégie.»
Cette phrase n'a donc pas été relue?
Line Gingras
Québec
«Dernier droit» : http://www.ledevoir.com/2006/10/17/120601.html
00:00 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
20 octobre 2006
Exiger à quelqu'un
«... arrêtez d'exiger des "miracles" aux églises.» (Denis Beaudin, responsable du Mouvement Sauvons nos Églises.)
Le verbe exiger construit son complément second au moyen de la préposition de : on exige quelque chose de quelqu'un :
Celui qui exige beaucoup de lui-même se sent naturellement porté à beaucoup exiger d'autrui. (Gide, dans le Petit Robert.)
Exiger peut toutefois, dans bien des cas, être remplacé par réclamer, dont le complément second s'introduit souvent par la préposition à :
Elle réclame une indemnité à la compagnie. (Petit Robert.)
Dans la phrase qui nous occupe, on aurait pu écrire à mon avis :
... arrêtez de réclamer des «miracles» aux églises.
... arrêtez de demander des «miracles» aux églises.
... arrêtez d'exiger des «miracles» des églises.
La dernière formulation me paraît cependant moins heureuse, pour des raisons d'euphonie.
Line Gingras
Québec
«Lettres : Les églises frissonnent déjà» : http://www.ledevoir.com/2006/10/16/120507.html
03:20 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journal
19 octobre 2006
Une baisse draconienne
«"Je ne pense pas que c'était le temps de faire ça parce que les entreprises souffrent actuellement" en raison de leurs exportations en dollars américains, qui ont connu une baisse draconienne, a-t-il* fait remarquer.» (Antoine Robitaille.)
Draconien se dit de ce qui est «d'une sévérité excessive, d'une rigueur extrême» (Trésor de la langue française informatisé). D'après ce que je vois dans les treize ouvrages consultés, cet adjectif s'applique à des mesures, des règlements, des lois, des réformes :
Les mesures n'étaient pas draconiennes et l'on semblait avoir beaucoup sacrifié au désir de ne pas inquiéter l'opinion publique. (Camus, dans le Lexis.)
Le journal est bridé, muselé par des lois draconiennes... (Goncourt, dans le Trésor.)
Si draconien soit-il, un règlement trouve toujours des accommodements. (Bazin, dans le Trésor.)
On peut donc parler, comme le propose le Colpron, de réductions draconiennes de crédits, mais il faut comprendre qu'il s'agit là de mesures budgétaires. La baisse draconienne des exportations dont il est question dans la phrase à l'étude me semble de nature différente : ce n'est pas une baisse que les entreprises ont décidée, planifiée, mais une baisse que l'on constate. L'idée de sévérité, de rigueur ne s'applique pas ici.
Il aurait mieux valu dire, à mon avis, que les exportations ont connu une baisse considérable, ou très importante.
Line Gingras
Québec
* François Legault, critique péquiste en matière de finances.
«Bouchard s'invite à la rentrée parlementaire» : http://www.ledevoir.com/2006/10/18/120712.html
03:20 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
18 octobre 2006
Accommoder les besoins
«... ceux qui, tel le candidat à la direction du PLC, Michael Ignatieff, "désirent un changement véritable au sein de la fédération canadienne [pour] accommoder les besoins particuliers du Québec".» (Antoine Robitaille citant Philippe Paquette, président du groupe Uni.ca.)
D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain, accommoder s'emploie comme verbe transitif, dans la langue moderne, au sens de «préparer (des aliments) pour la consommation» (Petit Robert) :
Accommoder une salade. (Lexis.)
Le Trésor de la langue française informatisé donne pour vieillie son utilisation au sens de «traiter quelqu'un avantageusement» :
... si vous avez quelque chose de prêt, je crois que mon éditeur serait coulant et vous accommoderait. (Hugo.)
Des ouvrages canadiens - le Multidictionnaire, le Dagenais et le Colpron - signalent toutefois comme anglicisme un emploi pour le moins très voisin, au sens de «rendre service», «aider», «satisfaire»; plutôt que Je voudrais bien vous accommoder, on recommande de dire : Je voudrais bien vous rendre service ou vous être utile ou vous être agréable.
Il est certain qu'en anglais, to accommodate someone, to accommodate their needs sont des tours très vivants, que l'on évite de traduire de façon littérale. Dans la phrase à l'étude, il aurait fallu écrire :
... [pour] répondre aux besoins particuliers du Québec.
Line Gingras
Québec
«Des fédéralistes prédisent qu'ils vont perdre le prochain référendum» : http://www.ledevoir.com/2006/09/28/119251.html
«Le Canada anglais refuse de comprendre» : http://www.uni.ca/editorials/englishcanada_f.php
03:50 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, anglicisme, archaïsme, journal
17 octobre 2006
Quelque chose qu'ils n'ont pas faite
«... "il doit maintenant faire quelque chose que les libéraux n'ont pas faite : livrer la marchandise".» (Manon Cornellier citant Don Martin, chroniqueur du National Post.)
Il arrive que l'on doive considérer quelque chose comme deux mots distincts - un substantif féminin précédé d'un adjectif indéfini. D'après ce que je vois dans le Hanse-Blampain, ou bien l'expression est suivie immédiatement d'un adjectif épithète (qui pourrait toutefois être accompagné d'un adverbe), ou bien elle est placée devant une proposition relative dont le verbe est au subjonctif; dans ce dernier cas, le tour marque la concession («quelle que soit la chose que») :
Il y a toujours quelque chose urgente à faire.
Quelque chose que je lui aie dite, il s'obstine.
En général, cependant, quelque chose forme un tout, que j'appellerais avec Hanse et Blampain une locution pronominale indéfinie; l'expression est alors du masculin singulier, et c'est donc au masculin singulier que doit se mettre l'adjectif ou le participe qui s'y rapporte :
Quelque chose de gris, qu'on peut à peine appeler le jour, montait dans les vitres. (Bernanos, dans le Lexis.)
Quelque chose de beau, de bon, d'ennuyeux, d'urgent, d'étonnant, d'impressionnant, de bienveillant, de malheureux.
Il se rappelle quelque chose que j'ai dit. (Hanse-Blampain.)
Quelque chose me paraît obscur dans son explication. (Lexis.)
Dans la phrase à l'étude, il aurait fallu écrire :
... il doit maintenant faire quelque chose que les libéraux n'ont pas fait...
Line Gingras
Québec
«Revue de presse - Une bouffée d'air frais?» : http://www.ledevoir.com/2006/10/14/120436.html
04:30 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, orthographe, presse
16 octobre 2006
Polémiste et polémique
«S'il est vrai que le ton est volontairement polémiste, le texte n'en est pas moins exempt "d'idées nauséabondes", contrairement à ce qu'affirme la Ligue des droits de l'homme.» (Serge Truffaut.)
Il faut se garder de confondre polémiste et polémique : si polémique peut être nom féminin ou adjectif, polémiste s'emploie toujours comme nom, d'après le Petit Robert (2007), le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé :
Cette journaliste est une redoutable polémiste. (Petit Robert.)
Jamais Barrès ni Péguy n'eussent admis d'être pris, même dans leurs écrits polémiques, pour de simples polémistes. (Benda, dans le Trésor.)
L'Encyclopédie le jette [Diderot] dans un travail de polémiste. (Cocteau, dans le Trésor.)
Article, attitude, critique, écrit, écrivain, langage, style, ton polémique. (Trésor.)
Line Gingras
Québec
«L'abject» : http://www.ledevoir.com/2006/10/16/120504.html
02:27 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, journalisme, presse, médias
15 octobre 2006
En autant que
«Au Moyen-Âge, prétend-on, le bon peuple aimait bien la Sainte Inquisition en autant qu'il n'en était pas lui-même la victime.» (Victor-Lévy Beaulieu, écrivain.)
D'après ce que je vois dans le Multidictionnaire, le Colpron et le Dagenais, en autant que est le calque de l'anglais inasmuch as, insofar as (je trouve également les graphies in as much as, in so far as); il faudrait le remplacer par dans la mesure où, pour autant que, pourvu que.
Plus particulièrement, le Multidictionnaire, le Colpron et le Chouinard signalent, comme calque de as far as I am concerned, le tour très fréquent en autant que je suis concerné; il conviendrait d'employer plutôt en ce qui me concerne, quant à moi, pour ma part.
Et le Hanse-Blampain donne en autant que je le sache pour une expression non française utilisée au Québec à la place de pour autant que je le sache.
De fait, je ne trouve en autant que ni dans le Petit Robert (2007), ni dans le Lexis, ni dans le Trésor de la langue française informatisé.
On aurait pu écrire :
... le bon peuple aimait bien la Sainte Inquisition pour autant qu'il n'en était pas lui-même la victime.
... le bon peuple aimait bien la Sainte Inquisition dans la mesure où il n'en était pas lui-même la victime.
Line Gingras
Québec
«Du fascisme» : http://www.cyberpresse.ca/article/20060930/CPOPINIONS/609...
16:15 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, anglicisme, presse, médias
14 octobre 2006
Prendre un pari
«... Michael Ignatieff a pris un pari audacieux : même si tout le monde le considérait comme le meneur, il n’allait pas agir de façon prudente en évitant la controverse.» (Michel C. Auger.)
D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Lexis, le Multidictionnaire et le Trésor de la langue française informatisé, au sens de parier, on dit engager un pari, et surtout faire un pari :
Faire un pari dangereux. (Lexis.)
Je vous fais un pari : vous ne resterez pas un an en Italie. (Beauvoir, dans le Trésor.)
J'ai fait le pari que notre équipe gagnerait : elle a perdu, donc j'ai dû donner 1 $ à Luc. (Multidictionnaire.)
On dirait qu'elle a fait le pari de me dégoûter de moi en me ressemblant. (Bousquet, dans le Trésor.)
Prendre les paris s'emploie également, bien entendu, mais pour celui qui se charge d'organiser, de recueillir les paris :
Le 18 septembre, les deux dirigeants de Bwin, une société de paris en ligne, ont été mis en examen pour infraction à la réglementation sur les jeux. En France, seuls le PMU [Pari Mutuel Urbain] et la Française des Jeux sont en effet autorisés à prendre les paris. (Le Figaro.fr.)
Line Gingras
Québec
«Le pari réussi de Michael Ignatieff» : http://www.cyberpresse.ca/article/20061011/CPBLOGUES07/61...
«Les sites de jeux en ligne ébranlés» : http://www.lefigaro.fr/eco-entreprises/20061002.WWW000000...
02:35 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, journalisme, médias, blog de journaliste
13 octobre 2006
Démocratie canadienne
«Plusieurs de ces résolutions tranchent par leur fermeté. Ainsi, une de celles-ci exhorte le Parti libéral du Canada à s'autoréglementer pour que 52 % de ses députés élus soient des femmes d'ici trois élections.» (Hélène Buzzetti.)
Il y a donc des députés qui ne sont pas élus, au Canada? en plus des sénateurs? À mon sens, on a voulu parler des candidats élus, ou tout simplement des députés.
Line Gingras
Québec
«Les libéraux du Québec veulent défendre la parité des sexes aux Communes» : http://www.ledevoir.com/2006/10/12/120254.html
00:00 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, presse, journalisme, médias
12 octobre 2006
La protection des incendies
«... la construction des chemins forestiers et la protection des incendies de forêt.» (Jean-Robert Sansfaçon.)
Le Petit Robert, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, consultés aux articles «protection» et «incendie», ne donnent que le tour protection contre l'incendie.
De fait, bien que le verbe protéger construise de préférence son complément second de chose avec la préposition de «si le sens est simplement "mettre à l'abri" plutôt que "mettre à l'abri d'un danger"» (Hanse et Blampain), le nom protection, lorsqu'il est suivi d'un complément indiquant la chose ou la personne contre laquelle on veut protéger, s'utilise toujours avec la préposition contre, d'après les exemples relevés dans les ouvrages généraux que j'ai sous la main :
Un rempart protégeait la ville contre l'ennemi. (Hanse-Blampain.)
Nous connaissons assez bien l'illusion pour nous trouver protégés contre elle. (Paulhan, dans le Petit Robert.)
Elle se protégeait de la pluie avec un vieil imperméable. (Hanse-Blampain.)
Protection contre les maladies, contre les accidents du travail. (Petit Robert.)
Elle remarqua tout à coup qu'il portait des gants de filoselle noire, mince protection contre le vent du nord. (Bernanos, dans le Trésor.)
Le complément amené par la préposition de désigne des réalités bien différentes :
La protection des opprimés, de l'environnement, des consommateurs, de la jeunesse.
... se mettre sous la protection d'une église. (Guizot, dans le Trésor.)
Line Gingras
Québec
«La manipulation» : http://www.ledevoir.com/2006/10/11/120133.html
05:55 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, presse
11 octobre 2006
Comme comme
«Elle [la loi] élargit dangereusement la définition du suspect susceptible d'être considéré comme ce qu'elle désignera dorénavant comme un "ennemi combattant illégal".» (Guy Taillefer.)
... comme ce qu'elle désignera dorénavant sous la dénomination d'«ennemi combattant illégal».
... comme ce qu'elle désignera dorénavant sous le terme d'«ennemi combattant illégal».
Line Gingras
Québec
«Bush les mains libres» : http://www.ledevoir.com/2006/10/02/119513.html
04:55 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, journalisme, médias, presse