19 février 2008
La multiplication des homologues
« Le quel côté se rangera le Canada maintenant que le Kosovo a déclaré son indépendance? » (Bernard Descôteaux.)
De quel côté...
Première phrase - premier mot - de l'éditorial; heureusement, la coquille a été corrigée dans la version PDF.
* * * * *
« Le gouvernement Harper hésite. Normalement, il suivrait Washington, mais l'existence d'une minorité sécessionniste au pays le fait hésiter. »
Je suggérerais :
... mais l'existence d'une minorité sécessionniste au pays le fait balancer.
* * * * *
« Le ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, s'était toujours gardé ces derniers mois de se prononcer sur l'indépendance du Kosovo, contrairement à ses homologues américains, français, britanniques, italiens ou allemands... »
Le ministre des Affaires étrangères a de nombreux homologues, mais normalement un seul par pays. Il fallait écrire :
... contrairement à ses homologues américain, français, britannique, italien ou allemand...
* * * * *
« ... le Canada est lié par les décisions passées des Nations unies et __ l'OTAN. »
Les prépositions à, de et en se répètent en général devant chacun des compléments :
... les décisions passées des Nations unies et de l'OTAN.
Line Gingras
Québec
« Et le Canada? » : http://www.ledevoir.com/2008/02/19/176746.html
05:25 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
16 février 2008
Le début de l'hiver, fixé le 22 décembre
« ... avant le début de l'hiver, fixé, comme chaque année ou presque, le 22 décembre. » (Fabien Deglise.)
D'après les quelques exemples relevés dans les dictionnaires, le verbe fixer introduit au moyen de la préposition à le complément désignant la décision qui a été prise ou le résultat d'une évaluation :
Ils ont fixé le prix à 100 $. (Multidictionnaire.)
Fixer un achat à tel prix. (Trésor de la langue française informatisé.)
Fixer le départ à jeudi. (Trésor.)
(Autres ouvrages consultés : Petit Robert, Hanse-Blampain, Chouinard, Lexis.)
Je conseillerais d'écrire :
... avant le début de l'hiver, fixé, comme chaque année ou presque, au 22 décembre.
Line Gingras
Québec
« Le Québec sous le blizzard » : http://www.ledevoir.com/2007/12/17/168914.html
03:10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
15 février 2008
Efficace à faire entendre les conversations
« Chez certaines personnes sourdes, l'implantation cochléaire qu'elles ont subie est peu efficace à leur faire entendre les conversations d'un film doublé ou celles qui ont cours dans la voiture qu'elles conduisent. » (Pauline Gravel.)
Avec quelle préposition doit s'employer l'adjectif efficace (ou le substantif efficacité), lorsqu'il a pour complément un infinitif indiquant le but que l'on veut atteindre? J'ai consulté le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, aux articles « efficace », « efficacité », « inefficace » et « inefficacité », mais n'ai trouvé que les deux exemples suivants :
Un moyen efficace pour le faire avouer. (Petit Robert.)
Je connais un moyen efficace pour le faire accepter. (Lexis.)
Je conseillerais d'écrire :
... est peu efficace pour leur faire entendre les conversations...
... est de peu d'utilité pour leur faire entendre les conversations...
... n'aide pas beaucoup à entendre les conversations...
Line Gingras
Québec
« Faut-il restreindre l'usage du langage des signes? » : http://www.ledevoir.com/2008/02/12/175796.html
06:10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
08 février 2008
Parallélisme des compléments
« On donne par exemple la même importance, et la même valeur représentative, aux élucubrations d’un quidam sur le coût de la nourriture kasher et les réflexions sérieuses du cardinal Marc Ouellet. » (Michel Vastel.)
Je ne pense pas que les élucubrations du quidam aient porté à la fois sur le coût de la nourriture kasher et sur les réflexions sérieuses du cardinal Ouellet; c'est pourtant ce que laisse entendre la construction de la phrase. Pour que la syntaxe s'accorde avec l'idée à exprimer, il faut mettre en parallèle les deux compléments qui indiquent les deux choses auxquelles on donne la même importance :
On donne par exemple la même importance [...] aux élucubrations d'un quidam [...] et aux réflexions sérieuses du cardinal Marc Ouellet.
Line Gingras
Québec
« Bouchard et Taylor : pyromanes malgré eux! » : http://blogues.lactualite.com/vastel/?p=59
23:55 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
05 février 2008
Les premiers seront les derniers
« ... il est très facile de distinguer les signaux provenant de sources naturelles de ceux émis par des sources artificielles. Ces derniers émettent en effet toujours un large éventail de fréquences en même temps, tandis que les fréquences émises artificiellement sont beaucoup plus homogènes. » (Jean-François Cliche, dans Le Soleil.)
Ces derniers, d'un point de vue grammatical, ce sont les signaux émis par des sources artificielles - qui ne peuvent pas s'opposer, cela va de soi, aux fréquences émises artificiellement.
Des signaux très faciles à distinguer, sans rire?
Line Gingras
Québec
« L'important, attirer l'attention des extraterrestres » : http://www.cyberpresse.ca/article/20080129/CPSCIENCES/801...
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03 février 2008
Disputer une place avec quelqu'un
« Selon les sondages, il dispute la troisième place avec l'ancien gouverneur de l'Arkansas... » (Claude Lévesque.)
On dispute quelque chose à quelqu'un, nous disent Hanse et Blampain. En effet, au sens de « lutter avec quelqu'un pour conserver ou obtenir quelque chose » (Multidictionnaire), le verbe disputer construit son complément second au moyen de la préposition à, d'après les exemples que j'ai relevés dans les dictionnaires généraux :
Disputer un poste à des rivaux. (Petit Robert.)
Disputer un titre à quelqu'un. (Multidictionnaire.)
Un élève qui dispute la première place à ses camarades. (Lexis.)
Les vieux platanes de la place disputaient encore leurs feuilles au vent pluvieux. (Mauriac, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Il fallait écrire :
Selon les sondages, il dispute la troisième place à l'ancien gouverneur de l'Arkansas...
Line Gingras
Québec
« Obama a le vent en poupe » : http://www.ledevoir.com/2008/01/28/173662.html
* * * * *
Nos votes sont des grains de maïs que se disputent les pigeons.
Tous y perdent des saloperies de plumes.
* * * * *
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30 janvier 2008
Infliger une peine contre quelqu'un
« Même si le juge Claude Leblond a infligé une peine d'emprisonnement contre Vincent Lacroix, la saga Norbourg n'est pas nécessairement terminée... » (François Desjardins.)
Marie-Éva de Villers signale que le verbe infliger « se construit avec la préposition à ». Tous les exemples que j'ai vus dans les dictionnaires généraux confirment cet avis. En voici quelques-uns :
Infliger un châtiment, une sanction, une peine à quelqu'un. (Petit Robert.)
Infliger une correction à un enfant désobéissant. (Lexis.)
C'est le châtiment infligé aux garces qui troublent la paix des ménages. (Vailland, dans le Lexis.)
L'église [...] a subi cette espèce de dévastation soigneuse, méthodique et vernissée que le protestantisme inflige aux églises gothiques. (Hugo, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
L'oubli et le silence sont la punition qu'on inflige à ce qu'on a trouvé laid ou commun. (Renan, dans le Petit Robert.)
Il fallait écrire :
Même si le juge Claude Leblond a infligé une peine d'emprisonnement à Vincent Lacroix...
Line Gingras
Québec
« La saga ne s'achève pas avec Lacroix » : http://www.ledevoir.com/2008/01/30/173894.html
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27 janvier 2008
Les adversaires à l'Europe
« Cela étant, autant l'épisode portugais de Brown a contrarié les Britanniques des deux camps, autant la reconnaissance par les chefs d'État présents à Lisbonne a réveillé la fibre des nationalistes et des adversaires à une Europe plus économique que politique. » (Serge Truffaut.)
D'après les exemples que j'ai recueillis, le complément du nom adversaire se construit au moyen de la préposition de :
Les adversaires du matérialisme. (Bergson, dans le Petit Robert.)
Ce sont des adversaires du libre-échange. (Multidictionnaire.)
Quel ordre social ils nous proposent, ces partisans du despotisme et de l'intolérance, ces ennemis des lumières, ces adversaires de l'humanité, quand elle porte le nom de peuple et de nation? (G. de Staël, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Je pense qu'il aurait fallu écrire :
Cela dit, autant l'épisode portugais de Brown a contrarié [...] autant la reconnaissance [...] a réveillé la fibre des nationalistes et des adversaires d'une Europe plus économique que politique.
Line Gingras
Québec
« Sortie à l'anglaise » : http://www.ledevoir.com/2007/12/15/168661.html
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24 janvier 2008
Dommage que...
« Dommage qu'il eut fallu les médias pour rappeler aux premiers gardiens de cette langue leurs devoirs fondamentaux. » (Marie-Andrée Chouinard.)
D'après les résultats de mes recherches, les locutions dommage que et il est dommage que sont suivies du subjonctif; l'emploi de l'indicatif « pour marquer la réalité du fait », précisent Hanse et Blampain, « est très rare aujourd'hui » :
Dommage que vous ne puissiez pas l'attendre. (Petit Robert.)
Il est dommage que vous n'ayez pas pu venir. (Multidictionnaire.)
Dommage qu'il soit arrivé en retard. (Thomas.)
Dommage qu'il pleuve, nous aurions pu faire une promenade. (Girodet.)
Dommage qu'il ait manqué son train! (Colin.)
Dans le cas qui nous occupe, il y aurait lieu de remplacer le passé antérieur de l'indicatif (eut fallu) par un subjonctif passé, et non par un plus-que-parfait du subjonctif (eût fallu), étant donné que les faits évoqués viennent de se produire :
Dommage qu'il ait fallu les médias pour rappeler aux premiers gardiens de cette langue leurs devoirs fondamentaux.
Line Gingras
Québec
« Le français à l'étude » : http://www.ledevoir.com/2008/01/25/173205.html
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22 janvier 2008
Des contraintes à respecter la loi
« Les petits commerçants qui ne respectent pas la loi sentent d'autant moins de contraintes à la respecter que les clients protestataires se font plus rares. Il existe au Québec, qu'on le nie ou non, une lassitude de la quotidienneté du combat pour faire respecter l'usage du français. » (Denise Bombardier.)
Le verbe contraindre peut avoir pour complément un infinitif; celui-ci est précédé de la préposition à ou de, quoiqu'il y ait « une nette tendance à employer à après les formes actives et quand être contraint apparaît vraiment comme une forme verbale, et de dans les autres cas, où contraint est adjectif » (Hanse et Blampain) :
Les circonstances le contraignirent à travailler très jeune. (Petit Robert.)
Il se contraint à se lever très tôt tous les matins. (Lexis.)
Elle [ma mère] me contraignait d'écrire au nouvel an. (Gide, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Je suis contraint par les circonstances à refuser cette invitation. (Hanse-Blampain.)
Elle s'est vue contrainte de donner son accord. (Multidictionnaire.)
Aucun des ouvrages consultés ne signale cependant ce type de construction (infinitif complément introduit par à ou de) avec le substantif contrainte*. Dans la phrase à l'étude, on aurait pu écrire à mon avis :
Les petits commerçants qui ne respectent pas la loi se sentent d'autant moins contraints [ou tenus] de s'y conformer que les clients protestataires se font plus rares.
Les petits commerçants qui ne respectent pas la loi sentent d'autant moins l'obligation [ou la nécessité] de s'y conformer que les clients protestataires se font plus rares.
Line Gingras
Québec
* Bien entendu, cette observation ne vise pas une tournure comme il y a des contraintes à respecter, où contraintes est complément d'objet direct du verbe à l'infinitif, au lieu d'avoir l'infinitif pour complément.
« Why not? » : http://www.ledevoir.com/2008/01/19/172405.html
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20 janvier 2008
Il me fait plaisir de...
« Certains semblent un peu embrouillés sur ma participation au comité qui a accouché du projet de loi sur l'identité. Il me fait plaisir de les éclairer : ... » (Jean-François Lisée.)
La locution faire plaisir peut avoir pour sujet un être animé, une chose ou les pronoms démonstratifs cela, ça :
Vous nous feriez plaisir en acceptant notre invitation.
La nouvelle de sa nomination m'a vraiment fait plaisir.
Ça me fait plaisir de vous donner un coup de main.
Cependant, d'après le Multidictionnaire et Le français au bureau, ouvrage de l'Office québécois de la langue française, son sujet ne peut pas être le pronom impersonnel il. D'ailleurs le Petit Robert, consulté à l'article « plaisir », ne donne pas la construction à l'étude.
On aurait pu écrire :
Je suis heureux de les éclairer : ...
Cela me fait plaisir de les éclairer : ...
C'est avec plaisir que je leur fournis quelques éclaircissements : ...
Line Gingras
Québec
« Libre opinion - Ma version des faits » : http://www.ledevoir.com/2007/12/12/168115.html
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14 janvier 2008
Les faits, rien que les faits
« Le fait pour un candidat d'avoir fait piètre figure en Iowa et au New Hampshire n'en font d'ailleurs pas nécessairement un "perdant", surtout s'ils s'y sont peu montrés. » (Claude Lévesque.)
Une relecture un peu attentive permet, dans un premier temps, de régler les problèmes d'accord :
Le fait pour un candidat d'avoir fait piètre figure en Iowa et au New Hampshire n'en fait d'ailleurs pas nécessairement un « perdant », surtout s'il s'y est peu montré.
Reste à éliminer la répétition du mot fait. Je suggérerais :
Un candidat ayant fait piètre figure en Iowa et au New Hampshire n'est d'ailleurs pas nécessairement un « perdant », surtout s'il s'y est peu montré.
Un candidat n'est d'ailleurs pas nécessairement un « perdant » pour avoir fait piètre figure en Iowa et au New Hampshire, surtout s'il s'y est peu montré.
Line Gingras
Québec
« Clinton joue son va-tout ce soir » : http://www.ledevoir.com/2008/01/08/171081.html
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13 janvier 2008
Sous observation
« La petite flambée a en effet mobilisé plusieurs organisations, dont l'Agence de la santé publique du Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada et la direction de l'aéroport Pearson. De concert, celles-ci ont ordonné la détention préventive de 75 passagers, qui ont aussitôt été placés sous observation. » (Louise-Maude Rioux Soucy.)
Marie-Éva de Villers et Camil Chouinard signalent que sous observation est le calque de l'anglais under observation; il faudrait dire plutôt en observation :
Le médecin l'a placé en observation pour quelques jours. (Chouinard.)
(Le Multidictionnaire propose également sous surveillance.)
De fait, je ne trouve pas sous observation dans le Petit Robert, dans le Lexis ni dans le Trésor de la langue française informatisé, mais en observation - expression qui s'emploie notamment en médecine, à propos de la « surveillance attentive d'un malade pendant un temps donné » (Lexis) :
Mis en observation au Kranken-Revier, il répondit si bien par son comportement à toutes les apparences de l'épilepsie, il triompha avec tant de naturel des différentes épreuves par où on le fit passer, que le médecin allemand n'eut aucun soupçon. (Ambrière, dans le Trésor.)
Les passagers auraient donc dû être placés en observation.
Line Gingras
Québec
« Des passagers d'un avion de ligne mis en quarantaine pour cause de gastro-entérite » : http://www.ledevoir.com/2008/01/10/171271.html
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09 janvier 2008
Élu pour un terme
« À leurs yeux, le grand avantage du mode de scrutin actuel est l'alternance qui garantit aux deux grands partis de se partager le pouvoir après deux termes. C'est ce qui a fait que le gouvernement péquiste de Bernard Landry puis celui de Jean Charest ont prêché pour une réforme sans jamais bouger. » (Bernard Descôteaux.)
Pour rendre l'idée de durée, à propos d'une fonction que l'on confie à quelqu'un, on emploie en anglais le mot term ou l'expression term of office. En français, d'après le Multidictionnaire, le Chouinard, le Colpron et le Dagenais, on ne parle pas d'un terme, mais d'un mandat :
Les électeurs de la circonscription ont réélu leur député pour un troisième mandat. (Dagenais.)
* * * * *
Jean Charest n'a jamais dirigé de gouvernement péquiste, bien que la construction de la deuxième phrase de monsieur Descôteaux laisse entendre le contraire. Je verrais deux formulations possibles :
C'est ce qui a fait que le gouvernement de Bernard Landry puis celui de Jean Charest ont prêché pour une réforme sans jamais bouger.
C'est ce qui a fait que le gouvernement péquiste de Bernard Landry puis le gouvernement libéral de Jean Charest ont prêché pour une réforme sans jamais bouger.
Line Gingras
Québec
« De quoi a-t-on peur? » : http://www.ledevoir.com/2008/01/03/170536.html
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07 janvier 2008
Utilisé à + infinitif
« La plus grande partie des dons récoltés à Paris sera donc utilisée à boucler les fins de mois... » (Éditorial du Monde.)
D'après les quelques exemples que j'ai trouvés dans les dictionnaires, l'infinitif complément du verbe utiliser est introduit au moyen de la préposition pour :
Utiliser un réchaud électrique pour faire chauffer son petit déjeuner. (Lexis.)
Elle n'utilisait pas suffisamment le lierre pour agrémenter ses vieilles églises et ses manoirs. (Giraudoux, dans le Lexis.)
Un tel réacteur pourrait être utilisé pour fournir les impulsions nécessaires... (Goldschmidt, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
On aurait pu écrire :
... sera donc utilisée pour boucler les fins de mois...
... servira donc à boucler les fins de mois...
Line Gingras
Québec
« Aider les Palestiniens » : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-990583,...
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06 janvier 2008
Réformer l'abolition...?
« ... il fallait réformer la bureaucratie, le système de santé, le système carcéral, le système du bien-être social, la politique de l'immigration et l'abolition des commissions scolaires dans le but de rendre plus humaine l'éducation. » (Victor-Lévy Beaulieu.)
M. Beaulieu, arrivé à la fin de son énumération, a manifestement perdu le fil de ses idées : réformer l'abolition des commissions scolaires, cela n'a aucun sens (et je ne fais pas de politique ici). J'ai tout lieu de croire qu'il a voulu dire :
... il fallait réformer la bureaucratie, le système de santé, le système carcéral, le système du bien-être social et la politique de l'immigration, et abolir les commissions scolaires dans le but de rendre plus humaine l'éducation.
Line Gingras
Québec
« Se déprendre de soi-même » : http://www.ledevoir.com/2008/01/07/170900.html
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03 janvier 2008
Hugo Boss y voisine Benjo
« Parallèlement, des entrepreneurs locaux redonnent vie à la rue Saint-Joseph, qui vient de perdre sa dernière section de toiture. Aujourd'hui, Hugo Boss y voisine Benjo, un magasin de jouets... » (Carolyne Parent.)
Marie-Éva de Villers signale que voisiner, au sens d'« être à côté de », introduit son complément au moyen de la préposition avec :
Les rosiers voisinent avec les pivoines dans mon jardin.
Cet avis correspond à ce que je trouve dans le Petit Robert :
Je voisinais à table avec quatre agents. (Céline.)
L'onyx et l'améthyste voisinaient avec le saphir et le diamant. (Daniel-Rops.)
Le Trésor de la langue française informatisé reçoit également cet emploi :
Des jeunes gens qui parlaient haut y voisinaient avec des filles, aux lèvres et aux joues peintes, aux voix éraillées... (Bourget.)
Sur la table, des cartes étaient alignées, et voisinaient avec une boîte de marrons glacés. (Arland.)
Il signale en outre la construction avec complément d'objet direct, qu'il donne cependant pour rare :
L'Olympe, grâce à moi, voisinait de nouveau la terre. (Gide.)
Je recommanderais donc d'écrire :
Aujourd'hui, Hugo Boss y voisine avec Benjo...
Line Gingras
Québec
« Québec - Le Saint-Roch Nouvo » : http://www.ledevoir.com/2007/12/29/170223.html
(Note : La partie revitalisée du quartier Saint-Roch a été baptisée « Nouvo Saint-Roch ».)
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27 décembre 2007
S'acquitter de + infinitif
« ... et même Marcel Tremblay, le frère du bon maire Tremblay, humoriste à ses heures, qui s'est acquitté tant bien que mal de nous faire accepter la neige sans le déneigement. Une idée originale. » (Lise Payette.)
D'après les exemples que je trouve dans le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, s'acquitter de appelle toujours un nom ou un pronom complément, jamais un verbe à l'infinitif : on s'acquitte d'une dette, d'un devoir, de ses fonctions, d'une mission, de ses obligations, de ses engagements, de sa promesse, de ce qu'on doit, d'un emprunt, d'une somme, d'une commission, d'un emploi, d'un office, d'une tâche.
Ces pauvres bougres viennent de s'acquitter de l'impôt. (Gide, dans le Trésor.)
... il était facile de voir qu'il s'acquittait de cette visite comme d'un devoir indispensable... (Delécluze, dans le Trésor.)
Pourtant, monter à cheval est peut-être la seule chose au monde dont je m'acquitte bien. (Stendhal, dans le Trésor. [Je m'acquitte bien de quoi? d'une chose.])
Je suggérerais :
... qui s'est chargé tant bien que mal de nous faire accepter la neige sans le déneigement.
Line Gingras
Québec
« Zone de turbulences en vue » : http://www.ledevoir.com/2007/12/28/170120.html
23:55 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, syntaxe, journalisme, presse
14 décembre 2007
Vérifier avec quelqu'un
« Sans vérifier avec moi, M. Robitaille écrit que je suis "membre" du comité. Ce n'est pas tout de suite le cas. » (Jean-François Lisée.)
Le Multidictionnaire et le Colpron donnent vérifier avec quelqu'un pour une construction fautive, calque de to check with someone d'après le Colpron. On recommande de remplacer avec par auprès de :
Nous vérifierons les faits auprès de la direction. (Multidictionnaire.)
Line Gingras
Québec
« Libre opinion - Ma version des faits » : http://www.ledevoir.com/2007/12/12/168115.html
02:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, anglicisme, syntaxe, médias
01 décembre 2007
Faire planer une menace à quelqu'un
« Ceux qui fréquent la mosquée jour et nuit, qui font évacuer des cabanes à sucre entières pour prier Allah, qui lapident leurs (multiples) épouses sur la voie publique, qui font planer une menace de djihad armé à une directrice d'école si la flûte à bec est au programme du cours de musique... » (Patrick Lagacé, dans La Presse.)
Faudra que je demande à mon beau-frère ce qu'il peut bien avoir contre la flûte à bec, mon instrument préféré...
Mais non, le journaliste plaisante. Seulement, je suis d'avis qu'il se trompe de préposition; d'après les exemples que donnent les dictionnaires généraux, une menace ne plane pas à quelqu'un ou quelque chose, mais sur quelqu'un ou quelque chose :
... la douleur et le deuil qui planaient sur cette maison. (Balzac, dans le Petit Robert.)
Un régime de terreur planait sur la Gaule. (Fustel de Coulanges, dans le Lexis.)
C'est une cérémonie religieuse qu'une tragédie grecque. [...] toujours le destin planant sur la vie de l'homme. (Staël, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
L'enfant ne répond pas, obstinément, laissant planer sur son père le soupçon que c'est lui qui l'a jeté par la fenêtre. (Goncourt, dans le Trésor.)
Il manœuvre avec son dossier secret pour laisser planer un doute [...] sur l'innocence de Dreyfus. (Clemenceau, dans le Trésor.)
Line Gingras
Québec
« Voile maudit » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071126/CPOPINIONS05/7...
06:04 Publié dans Cultiver le doute | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : langue française, syntaxe, journalisme, presse
27 novembre 2007
En soutien à
« ... les troupes canadiennes participaient à une opération de sécurité en soutien aux forces nationales afghanes... » (PC.)
Je n'ai pas trouvé en soutien à dans les dictionnaires consultés - j'ai vu le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Hanse-Blampain (qui ne m'a pas été utile), le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé. Ce dernier ouvrage reçoit la construction en soutien de :
Les Américains mettant, d'une part, des parachutistes et des chars en soutien des Français. (De Gaulle, dans le Trésor.)
Une recherche Google donne toutefois un nombre d'occurrences nettement plus élevé pour en soutien à (en soutien aux) que pour en soutien de (en soutien des). Je ne serais pas étonnée que les dictionnaires finissent par enregistrer cet usage.
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« "Ce sont tout des Canadiens exceptionnels qui méritent la gratitude et le respect de cette nation..." » (Même article; on cite le premier ministre du Canada, Stephen Harper.)
Ce sont tous des Canadiens exceptionnels, selon monsieur Harper.
Cette nation... Le premier ministre désignerait-il une nation dont il aurait parlé dans la phrase précédente? Je ne le crois pas : il veut dire sans doute notre nation, la nation. L'emploi du démonstratif à valeur de possessif est très fréquent en anglais; il faut se garder de l'imiter.
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« Leur décès portent à 73 le nombre de soldats canadiens morts en Afghanistan depuis le début de la mission canadienne, il y a cinq ans. »
Leur décès porte à 73...
Line Gingras
Québec
« Deux soldats canadiens de Valcartier tués » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071117/CPACTUALITES/7...
23:55 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, syntaxe, anglicisme, journalisme