16 avril 2007
Peut-être ou peut être
« Son buste provient de l'atelier du grand artiste Thoutmès, et peut-être son œuvre personnelle. » (AFP.)
Comment savoir si l'on a affaire à l'adverbe peut-être ou aux verbes pouvoir et être? On peut remplacer peut-être par sans doute; et peut être par pourrait être.
« "... Mais un long voyage de Néfertiti suscite, du point de vue des professionnels, des inquiétudes quant à la conservation et _ la restauration [de l'œuvre] qui doivent être pris au sérieux", a ajouté le ministre. »
Ce sont les inquiétudes qui doivent être prises au sérieux. Par ailleurs, on répète d'ordinaire les prépositions à, de et en devant chacun des compléments : ... suscite [...] des inquiétudes quant à la conservation et à la restauration...
Line Gingras
Québec
« Musées - L'Égypte et l'Allemagne se disputent le buste de Néfertiti » : http://www.ledevoir.com/2007/04/16/139602.html?fe=778&...
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15 avril 2007
Autant que faire ce peut
« Autant que faire ce peut, les cégeps et les universités devraient également aider les étudiants à se diriger dans les secteurs où les besoins sont les plus grands. » (Éric Desrosiers.)
On en trouve confirmation dans le Petit Robert (à l'article « pouvoir »), le Multidictionnaire (à l'article « faire ») et le Hanse-Blampain (à l'article « autant »), l'expression soulignée s'écrit autant que faire se peut : il s'agit du pronominal impersonnel il se peut - autant qu'il se peut faire.
Line Gingras
Québec
« Au diable la dette, place à l'innovation » : http://www.ledevoir.com/2007/04/13/139273.html?fe=760&...
23:55 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
14 avril 2007
Résulter en
« Leur objectif, voire leur ambition première, est de poser une série de gestes pouvant résulter en une réduction des troupes anglo-américaines disséminées au Moyen-Orient. » (Serge Truffaut.)
D'après ce que je vois dans les dictionnaires généraux, résulter ne veut pas dire « avoir pour conséquence », « avoir pour effet », « avoir pour résultat », mais être la conséquence, l'effet, le résultat de quelque chose. Ce verbe a donc pour sujet ou bien le résultat dont il s'agit, ou bien le pronom impersonnel il :
Cet échec résulte d'une insuffisance d'étude et d'exercices. (Multidictionnaire.)
Son état de santé résulte d'un excès de travail. (Lexis.)
L'amitié résulte d'un faible degré d'opposition entre des êtres individuellement divers. (Senancour, dans le Petit Robert.)
La vision réaliste de Manet n'a jamais admis la poétisation volontaire, hormis celle qui résulte des couleurs elles-mêmes. (Mauclair, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Que résulterait-il de toutes ces démarches? (Lexis.)
Il ne peut rien en résulter de bon. (Petit Robert.)
Il en est résulté des rixes autour des urnes. (Giraudoux, dans le Hanse-Blampain.)
Trois des quatre ouvrages québécois que j'ai consultés, soit le Multidictionnaire, le Chouinard et le Colpron (le Dagenais n'aborde pas la question), signalent comme incorrecte la construction résulter en, calque de l'anglais to result in :
Sa déclaration a provoqué (et non *a résulté en) une abondante correspondance. (Multidictionnaire.)
Divers équivalents sont possibles selon le contexte, par exemple causer, entraîner, produire, se solder par. On trouvera d'excellentes suggestions dans le Meertens.
Le passage à l'étude aurait pu se lire :
... poser une série de gestes pouvant entraîner une réduction des troupes...
Line Gingras
Québec
« Un coup de dés » : http://www.ledevoir.com/2007/04/10/138844.html
00:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, anglicisme, journalisme
13 avril 2007
Se féliciter que + indicatif
« Tony Clement était pourtant fier de défendre ses résultats, se félicitant qu'à l'échelle du pays l'ensemble des cinq secteurs prioritaires sont couverts. » (Hélène Buzzetti.)
D'après le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain, on peut se féliciter d'avoir fait quelque chose :
Tu te félicites d'avoir pris ton parapluie, car il pleut à torrents. (Multidictionnaire.)
Félicitez-vous d'avoir été épargné. (Lexis.)
Babeuf se félicite d'avoir défendu la révolution et la république. (Jaurès, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Je trouve aussi, dans le Lexis et le Trésor, la construction se féliciter que + subjonctif :
Le père se félicitait que le bachot eût éloigné son cadet de Sérianne. (Aragon, dans le Trésor.)
Il se félicitait que le diable portât pierre à l'édifice chrétien de Claquebue. (Aymé, dans le Lexis.)
Aucun des dix ouvrages consultés ne reçoit se féliciter que suivi d'un indicatif. À mon avis, comme se féliciter exprime un sentiment, le subjonctif est le mode qui convient dans la phrase à l'étude :
Tony Clement était pourtant fier de défendre ses résultats, se félicitant qu'à l'échelle du pays l'ensemble des cinq secteurs prioritaires soient couverts.
Line Gingras
Québec
« Harper tient une promesse... diluée » : http://www.ledevoir.com/2007/04/05/138332.html
02:56 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
12 avril 2007
Une témoin à la mémoire vascillante
« Une témoin à la mémoire vascillante » (titre d'un article de Brian Myles).
À cinq reprises dans le corps de son article, monsieur Myles emploie le nom témoin - chaque fois en parlant d'une femme, et chaque fois au masculin. Il aurait fallu en tenir compte dans l'établissement du titre, d'autant plus que témoin, d'après le Petit Robert (2007), le Hanse-Blampain et même le Multidictionnaire (quatrième édition), est seulement de genre masculin :
Cette femme a été le témoin de la défense. (Hanse-Blampain.)
Elle a été le témoin involontaire de cette scène. (Multidictionnaire.)
« La veille, le témoin C-17 avait déclaré que Désiré Munyaneza l'avait violée à quatre reprises au cours du génocide... »
L'accord par syllepse, c'est-à-dire selon le sens, a paru préférable, ici, à l'accord grammatical. Il crée cependant un certain malaise, ce qu'on aurait pu éviter en remplaçant le témoin C-17 par un terme féminin désignant la même personne : le journaliste utilise déjà survivante (du génocide rwandais) et jeune femme...
Line Gingras
Québec
« Procès pour crime de guerre, crime contre l'humanité et génocide - Une témoin à la mémoire vascillante » [sic] : http://www.ledevoir.com/2007/04/12/139105.html
04:45 Publié dans On ne se relit jamais trop | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
11 avril 2007
Au ban des accusés
« Le charabia mis au ban des accusés s'est finalement révélé composer une infime portion de l'ensemble de leurs échanges... » (Frédérique Doyon; il est question d'une étude sur le clavardage.)
D'après le Lexis, mettre quelqu'un au ban (d'un groupe social), c'est « l'en déclarer indigne, le dénoncer comme méprisable aux yeux de ce groupe » :
Mettre une personne (ou un groupe social) au ban de l'opinion, de l'humanité. (Trésor de la langue française informatisé.)
... ils sont mis au ban de la société, froidement méprisés et traités avec hauteur par ceux qui les emploient... (J. Cuisinier, dans le Trésor.)
Robert n'avait-il pas failli se faire mettre au ban de son monde. (Proust, dans le Lexis.)
Mettre un pays au ban des nations. (Petit Robert.)
Par conséquent, mettre quelqu'un - ou quelque chose que l'on personnifie - au ban des accusés, ce serait le déclarer indigne de figurer au nombre des accusés, trop méprisable pour compter parmi les accusés. De toute évidence, on a plutôt voulu dire :
Le charabia mis au banc des accusés s'est finalement révélé composer une infime portion de l'ensemble de leurs échanges...
Line Gingras
Québec
« Le clavardage, massacre de la langue ou renaissance linguistique? » : http://www.ledevoir.com/2007/02/01/129491.html
02:20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
10 avril 2007
Sensé ou censé?
« Les grandes entreprises sont sensées accorder une part de leur budget à la formation. » (Victor-Lévy Beaulieu.)
On confond souvent les homonymes sensé et censé. D'après Marie-Éva de Villers, sensé veut dire « qui est plein de bon sens, raisonnable »; et censé, ou bien « réputé, présumé », ou bien « qui doit faire quelque chose, en principe » :
Sensé
Une décision sensée. (Multidictionnaire.)
Un homme, un projet sensé. (Hanse-Blampain.)
Des paroles sensées. (Petit Robert.)
Censé
Ils sont censés venir demain. (Multidictionnaire.)
Il est censé être en voyage. (Hanse-Blampain.)
Elle n'est pas censée le savoir. (Petit Robert.)
Nul n'est censé ignorer la loi.
Dans la phrase à l'étude, il fallait donc écrire :
Les grandes entreprises sont censées accorder une part de leur budget à la formation.
Line Gingras
Québec
« Sur le gaspillage » : http://www.ledevoir.com/2007/04/10/138838.html?fe=730&...
15:50 Publié dans Cultiver le doute | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, presse, médias
09 avril 2007
Les éléments modulants l'acoustique
« Lorsqu'on lui demande si la simplicité des éléments modulants l'acoustique à Québec est une réponse à la surenchère des gadgets acoustiques d'autres salles... » (Christophe Huss.)
Modulants serait correctement accordé s'il était adjectif verbal; mais c'est un participe présent, comme le montre la présence d'un complément d'objet direct, l'acoustique. Il doit par conséquent demeurer invariable.
Vous en doutez? Remplaçons éléments par un nom féminin, qui obligerait à prononcer modulantes, si nous avions affaire à un adjectif : dirait-on les parties modulantes l'acoustique, les composantes modulantes l'acoustique?
C.Q.F.D.
Line Gingras
Québec
« Musique classique - Dans les coulisses d'une nouvelle salle de concert » : http://www.ledevoir.com/2007/03/31/137650.html
00:26 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
08 avril 2007
Ceux qu'il y a eus...
« Candidat-vedette du PLQ dans Lac-Saint-Jean, Yves Bolduc croit que sa région a fait preuve d'ingratitude à l'endroit du gouvernement : "La population n'a pas su reconnaître [le travail de] M. Charest, tous les investissements qu'il y a eu au Saguenay-Lac-Saint-Jean..." » (Antoine Robitaille et Isabelle Porter.)
En lisant ce passage l'autre jour, j'ai tout de suite conclu qu'on avait été distrait : le participe passé employé avec l'auxiliaire avoir ne doit-il pas s'accorder avec le complément d'objet direct, si ce complément précède le verbe? Il y a eu quoi... des investissements, non?
J'avais négligé un détail : nous n'avons pas affaire ici à un participe passé « ordinaire », mais au participe passé d'un verbe employé à la forme impersonnelle. Et comme vous vous en doutez bien, une règle particulière s'applique : je lis en effet, dans le Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne de Hanse et Blampain, au point 3 de l'article sur l'accord du participe passé (page 417 de la quatrième édition), que le « participe passé des verbes impersonnels ou pris impersonnellement » est « toujours invariable, quel que soit l'auxiliaire » :
Les orages qu'il y a eu.
J'inaugure donc une nouvelle rubrique : Cultiver le doute. Car le doute est salutaire - et c'est Pâques aujourd'hui.
Line Gingras
Québec
« Les partis s'ajustent au "tsunami" adéquiste » : http://www.ledevoir.com/2007/03/30/137537.html
02:00 Publié dans Cultiver le doute | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
07 avril 2007
Un peu d'analyse
« Aujourd'hui divisé, le camp des démocrates a l'obligation de reprendre les choses là où il les a laissées il y a deux ans. Autrement dit, chacun d'entre eux se doit de mettre en sourdine ses accès de vanité pour mieux recomposer le front uni qu'ils avaient présenté à l'hiver 2004 et redonné espoir à une vaste majorité d'Ukrainiens. » (Serge Truffaut.)
Redonné, participe passé, se rattache à l'auxiliaire avoir, avec lequel il forme un plus-que-parfait de l'indicatif : ... le front uni qu'ils avaient [...] redonné espoir... Seulement, vous l'avez remarqué, cet énoncé n'a pas de sens. Ce qu'on a voulu dire, en fait, c'est que les démocrates doivent mettre en sourdine leurs accès de vanité pour mieux recomposer un front uni et pour redonner espoir à une vaste majorité d'Ukrainiens. Bien entendu, il n'est pas nécessaire de répéter la préposition; mais il faut montrer que c'est à elle que se rattache l'idée de redonner espoir - cela impose, évidemment, de mettre le verbe à l'infinitif.
Line Gingras
Québec
« L'orange pressée » : http://www.ledevoir.com/2007/04/04/138165.html
05:57 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
06 avril 2007
Ils se sont partagés le vote
« ADQ et PQ se sont partagés le vote dans les régions du Québec. » (Pierre Duhamel.)
Lorsque le verbe pronominal a un complément d'objet direct, le participe passé s'accorde toujours avec ce complément, pourvu qu'il soit placé devant le verbe :
Ils se sont partagé l'héritage, les tableaux, les actions. (Chardonne, dans le Petit Robert.)
Ils se sont partagé les profits. (Multidictionnaire.)
Ils se sont partagé la responsabilité. (Hanse-Blampain.)
Les bénévoles n'ont pas eu de mal à accomplir les tâches qu'ils s'étaient partagées.
L'ADQ et le PQ ne se sont pas partagés eux-mêmes; ils ont partagé le vote entre eux :
ADQ et PQ se sont partagé le vote dans les régions du Québec.
Line Gingras
Québec
« Le Québec qui souffre vs le Québec qui paye » : http://forums.lactualite.com/advansis/?mod=for&act=di...
00:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
05 avril 2007
De paire avec
« Un cancer ne vient jamais seul. Souvent, il vient de paire avec une perte de poids et une détérioration des capacités fonctionnelles que les médecins désignent sous le terme de cachexie. » (Louise-Maude Rioux Soucy.)
On écrit les deux font la paire, mais aller de pair, marcher de pair, sans e final :
Le courage peut aller de pair avec la prudence. (Petit Robert.)
Ces deux programmes vont de pair. (Multidictionnaire.)
Ces deux choses (ou personnes) vont ou marchent de pair. (Hanse-Blampain.)
Son aventure va de pair avec la nôtre. (Hanse-Blampain.)
Je ne sache point d'aventure qui aille de pair avec la vôtre. (Marivaux, dans le Lexis.)
La concentration des habitations marche le plus souvent de pair avec la concentration des voies de circulation. Plus une ville est grande, plus le réseau des routes qui l'entoure est touffu. (Brunhes, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Je n'ai pas trouvé venir de pair dans les cinq ouvrages consultés. Je ne crois pas, cependant, qu'il y ait lieu de condamner cette expression.Line Gingras
Québec
« Médecine - Cancer : traiter les effets secondaires pour augmenter les chances de survie » : http://www.ledevoir.com/2007/04/04/138188.html
15:44 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
04 avril 2007
Un baudruche promotionnel
« ... tout ça sentirait un peu trop la stratégie de mise en marché [...] le baudruche promotionnel menaçant d'éclater. Si c'était quelqu'un d'autre. » (Sylvain Cormier.)
D'après le Multidictionnaire, le Petit Robert, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, baudruche est un nom féminin :
Théodule [...] passait sa vie à boire de la bière qui lui avait donné, à force de le gonfler et de le souffler, l'apparence comique et inquiétante d'une baudruche. (E. et J. de Goncourt, dans le Trésor.)
L'affaire s'est dégonflée comme une baudruche. (Petit Robert.)
Crever une baudruche (= dissiper les illusions). (Lexis.)
Ils lèvent leurs verres, ils trinquent à toutes sortes de grandes baudruches, mais tout de même à la paix, à la vie. (Aragon, dans le Trésor.)
* * * * *
« Fallait recevoir au plexus et dans les oreilles l'acclamation monstre qu'a servi_ à Bélanger ce public plus qu'heureux... »
Le participe passé employé avec avoir s'accorde en genre et en nombre avec le complément d'objet direct, si celui-ci précède le verbe. Et qu'est-ce ou qui est-ce qui a servi qui ou quoi, dans la phrase à l'étude? Si vous me dites que c'est l'acclamation qui a servi le public, je vous envoie réfléchir dans le coin, et vous serez privé de poutine - en fait c'est le public, ce public plus qu'heureux, qui a servi... quoi? une acclamation monstre (au chanteur Daniel Bélanger). Il fallait donc écrire, sans se laisser induire en erreur par l'inversion du sujet :
... l'acclamation monstre qu'a servie à Bélanger ce public plus qu'heureux...
Line Gingras
Québec
« Spectacle gratuit de Daniel Bélanger au Métropolis - Merci d'être là, et réciproquement » : http://www.ledevoir.com/2007/04/03/138082.html
02:50 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
03 avril 2007
À l'aulne de
« Celui qui a la tâche titanesque de faire la promotion de la souveraineté à l'extérieur du cadre péquiste, Gérald Larose, pense lui aussi que tous les enjeux doivent être "traités systématiquement à l'aulne du projet à construire". » (Clairandrée Cauchy.)
D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Lexis et le Hanse-Blampain, on appelle un aulne ou un aune l'arbre « qui croît dans les lieux humides » (Petit Robert) :
L'aulne est l'arbre des eaux mortes et sombres. C'est la seule silhouette verticale qui peuple les plaines brumeuses du nord. (Tournier.)
L'ancienne mesure de longueur s'écrit cependant une aune, sans l :
Ce manteau a deux manches, longues d'environ une aune. (Baudelaire, dans le Lexis.)
Tirant une langue d'une aune. (France, dans le Petit Robert.)
Quand le vieux Schulz rentra, la figure longue d'une aune, et qu'il apprit de Salomé, qui venait aussi de rentrer, ce qui s'était passé, il fut dans la désolation : il faillit pleurer. (Rolland, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Mesurer les autres à son aune. (Petit Robert, Lexis et Trésor.)
Line Gingras
Québec
« La souveraineté peut-elle survivre? » : http://www.ledevoir.com/2007/03/31/137743.html
03:58 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, orthographe, journalisme, presse
02 avril 2007
Il est normal que, il est juste que + indicatif
« Comme s'il était normal et juste que le garçon qui attendait patiemment son tour pour jouer dans le grand club se voit donner l'occasion de démontrer enfin ses talents. » (Gil Courtemanche.)
Le Trésor de la langue française informatisé, aux articles « normal » et « juste », signale que les tours il est normal que et il est juste que sont suivis du subjonctif :
Comme le fait fut observé par des généticiens, il était normal qu'il fût interprété en terme génétique. (P. Morand.)
C'est le chat qui pense et qui agit, et il n'est que juste que ce chat soit, comme la chienne Pouffe, un être céleste. (France.)
Selon Wagner et Pinchon, on se sert du subjonctif « toutes les fois que dans un énoncé la prise en considération d'un fait, l'interprétation d'un fait l'emportent sur l'actualisation de ce fait ». Il me paraît imprudent de généraliser, mais je dirais que le subjonctif convient très souvent à l'expression d'un jugement, d'un sentiment, d'une volonté :
Il est utile que vous le fassiez le plus tôt possible. (Grevisse.)
Dans la phrase à l'étude, on a employé le présent de l'indicatif, voit, au lieu du présent du subjonctif, voie; il suffit de remplacer le verbe voir par le verbe avoir, qui ne se prononce pas de la même façon aux deux modes, pour se rendre compte que le subjonctif s'imposait :
Comme s'il était normal et juste que le garçon qui attendait patiemment son tour pour jouer dans le grand club ait l'occasion de démontrer enfin ses talents.
Line Gingras
Québec
« Jetables et remplaçables » : http://www.ledevoir.com/2007/03/31/137695.html
08:10 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, orthographe, journalisme
01 avril 2007
Le voilà qu'il, le voici qu'il
« Reconnu comme un grand orgueilleux hautain, le voilà qu'il faisait son mea-culpa... » (Antoine Robitaille.)« Le voilà qu'il incarne le centre, lieu convoité entre tous par tout politicien occidental. »
Colin, Thomas, Girodet, Berthier et Colignon signalent que l'on peut très bien écrire le voici qui vient ou voici qu'il vient, le voilà qui arrive ou voilà qu'il arrive, mais qu'il faut éviter le tour redondant le voici qu'il vient, le voilà qu'il arrive :
Voici qu'il vient ou Le voici qui vient. (Hanse et Blampain.)
Voici qu'il commence à comprendre que. (Gide, dans le Petit Robert.)
Les voici qui arrivent, ce sont eux. (Petit Robert.)
Le voici qui rature [...] des pages imaginaires. (Maurois, dans le Petit Robert.)
Le voilà qui prend tout à coup le mors aux dents. (Diderot, dans le Petit Robert.)
Le voici qui monte enfin l'escalier. (Supervielle, dans le Colin.)
Le voilà qui se met à développer ce texte... (Chênedollé, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
La voici qui s'avance, son livre de prières à la main. (Musset, dans le Trésor.)
Le voici qui se détourne en marchant. (Bazin, dans le Trésor.)
Jean-Paul Colin « s'étonne de trouver sous la plume de Valéry » :
* Le voici qu'il ne peut plus se contenir dans l'étendue.
Line Gingras
Québec
« Du tumulte à l'espoir » : http://www.ledevoir.com/2007/03/24/136579.html
01:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
31 mars 2007
Hocher de la tête
« À la description du programme de l'ADQ, mes interlocuteurs hochaient de la tête et se sentaient en terrain connu. » (Christian Rioux.)
Le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé donnent hocher pour un verbe transitif et reçoivent la locution hocher la tête, sans de :
Il hocha silencieusement la tête de droite à gauche, comme s'il se refusait quelque chose. (Hugo, dans le Petit Robert.)
Elle hochait la tête, pensive et maléfique. (Pagnol, dans le Lexis.)
Le capitaine hocha la tête d'un air buté. (Gracq, dans le Lexis.)
Les deux ruraux hochaient la tête en signe de refus. (Maupassant, dans le Trésor.)
Jerphanion écoutait sans interrompre, hochant la tête d'un air de compréhension sympathique. (Romains, dans le Trésor.)
M. Rambout hocha la tête; mais je ne sus pas si c'était en signe d'incrédulité ou d'admiration. (Bosco, dans le Trésor.)
... je devais la voir à une soirée donnée par Gilberte [...] hochant la tête, serrant la bouche... (Proust, dans le Trésor.)
Le Trésor relève aussi l'emploi intransitif, hocher de la tête (Académie 1935). Il n'en propose cependant pas d'exemple.
Line Gingras
Québec
« Vu d'ailleurs » : http://www.ledevoir.com/2007/03/30/137525.html
01:49 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : langue française, grammaire, syntaxe, journalisme
30 mars 2007
Manquer quelqu'un
« Le Bloc québécois va le manquer. Il était bien plus que le numéro deux du Bloc. Il en était le pilier. Celui sur lequel un chef peut compter pour ternir le fort quand il doit s’abstenter. » (Michel C. Auger.)
D'après les quatre ouvrages québécois que j'ai consultés, soit le Multidictionnaire, le Chouinard, le Colpron et le Dagenais, on commet un anglicisme en employant manquer quelqu'un ou quelque chose dans le sens de « regretter son absence ».
Pour rendre l'idée qu'un homme s'est ennuyé d'une femme, on dit en anglais he missed her; mais en français, le sujet du verbe manquer doit être la personne (ou la chose) absente, et le complément doit répondre à la question à qui : Elle lui a manqué (et non pas il l'a manquée). Voyez encore ces exemples du Petit Robert :New York leur manqua comme sa drogue à un intoxiqué. (Maurois.)
Ses enfants lui manquent.
Le calque de structure, fréquent dans l'Outaouais québécois et ontarien, peut être cause de malentendus : ainsi que le fait observer Dagenais, vous me manquez beaucoup n'est pas synonyme de je vous manque beaucoup, qui signifie normalement « vous vous ennuyez beaucoup de moi ».
La phrase à l'étude aurait pu se lire :
Le Bloc québécois va le regretter.
Line Gingras
Québec
« Michel Gauthier » : http://blogues.cyberpresse.ca/mcauger/?p=606140889#more-6...
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29 mars 2007
Ils se sont échangés des propos
« L'assistante chiropraticienne et le chauffeur se sont alors échangés des propos aigres-doux... » (PC.)
D'après ce que j'ai vu dans les onze ouvrages consultés - aux articles « échanger » et « propos » -, le verbe échanger, au sens de « se faire des envois, des communications réciproques de (choses du même genre) » (Petit Robert), s'utilise à la forme active :
Ils ont échangé des lettres. (Petit Robert.)
Échanger des sourires, des idées, des injures. (Trésor de la langue française informatisé.)
Elles échangèrent un flamboyant regard. (Zola, dans le Trésor.)
Nous avons échangé nos points de vue. (Lexis.)
Ils déjeunèrent en tête à tête, échangèrent leurs manières de voir... (Maupassant, dans le Trésor.)
On échangeait à table, ou après dîner, dans les coins, des expressions très peu propres à former l'oreille d'une enfant. (Boylesve, dans le Colin.)
Échanger des propos. (Petit Robert, Trésor.)
Ils ont échangé quelques propos anodins. (Multidictionnaire.)
Il a échangé avec moi quelques propos. (Hanse-Blampain.)
C'est uniquement avec pour sujet un nom de chose désignant ce qui est échangé que je l'ai rencontré à la forme pronominale; il s'agissait donc d'un pronominal passif :
Notre conversation s'échangeait de châlit à châlit. (Hériat, dans le Colin.)
Leurs propos s'échangèrent à voix basse. (Toepffer, dans le Trésor.)
L'emploi du pronominal réciproque, dans la phrase à l'étude, me semble abusif; si l'on tenait absolument à le conserver, il faudrait en tout cas laisser le participe passé invariable, étant donné qu'il y a un complément d'objet direct (ils ont échangé quoi? des propos) et que celui-ci est placé après le verbe.
Je trouve plus simple d'écrire :
L'assistante chiropraticienne et le chauffeur ont alors échangé des propos aigres-doux...
Line Gingras
Québec
« Une passagère est expulsée d'un autobus pour la seconde fois en une semaine » : http://www.ledevoir.com/nouvelles-en-continu.html#ID:2038...
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28 mars 2007
Les soupçons qui pèsent contre elle
« Même s'ils avaient en poche un accord avec Québec, les avocats de Myriam Bédard devraient encore convaincre les autorités américaines d'accepter l'entente lors d'une audition, prévue pour vendredi, portant sur les soupçons de rapt d'enfant qui pèsent contre elle. » (PC.)
Faut-il écrire qui pèsent sur ou qui pèsent contre? Sur les onze ouvrages consultés, trois seulement fournissent des exemples utiles :
Soupçon, accusation qui pèse sur quelqu'un, qui le concerne, le vise. (Lexis.)
Comment pouvez-vous faire peser sur moi un aussi injurieux soupçon? (Hébert, dans le Lexis.)
Je me rends parfaitement compte des soupçons qui pèsent sur moi. (Leroux, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
Les charges qui pèsent sur lui sont accablantes. (Petit Robert.)
Personne n'ignorait que des charges accablantes pesaient sur un garçon boucher de dix-neuf ans, nommé Lecœur. (A. France, dans le Trésor.)
Toutes les anciennes charges qui pesaient contre Dreyfus s'évanouissent à l'examen. (Martin du Gard, 1913, dans le Trésor. Le jugement prononcé contre Dreyfus a été cassé en 1906.)
À la lumière de ce qui précède, je conseillerais (sans trop insister) d'écrire les soupçons qui pèsent sur elle plutôt que les soupçons qui pèsent contre elle. Dans la phrase de Martin du Gard, ci-dessus, l'emploi de contre pourrait s'expliquer par le fait que les anciennes charges qui pesaient contre Dreyfus avaient entraîné, plusieurs années auparavant, la condamnation de l'accusé. Dans la phrase à l'étude, la préposition sur donnerait à l'énoncé un ton plus neutre qui me paraît approprié.
Line Gingras
Québec
« Les avocats de Myriam Bédard cherchent à s'entendre avec Québec » : http://www.ledevoir.com/2006/12/28/125983.html
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27 mars 2007
Tourner au ridicule
« L'idée? Tourner au ridicule le Directeur général des élections parce que les femmes voilées pourront théoriquement voter sans se dévoiler le visage. » (Pierre Cayouette.)
Le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé ne consignent, à l'article « ridicule », que la locution tourner (quelqu'un ou quelque chose) en ridicule :
Il se laisse tourner en ridicule devant toutes les femmes des notables. (Vailland, dans le Lexis.)
Je tâche d'y tourner le vice en ridicule... (La Fontaine, dans le Trésor.)
Line Gingras
Québec
« Niqab : on passe à un autre appel... » : http://forums.lactualite.com/advansis/?mod=for&act=di...
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