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05 janvier 2008

Sens devant derrière, sens dessus dessous

On prit un coup, la belle affaire
Sens dessus dessous, sens devant derrière
Y avait du bon p'tit caribou
Sens devant derrière, sens dessus dessous
(Extrait de la chanson Marie Calumet.
À lire : le savoureux roman du même titre,
de Rodolphe Girard.)

« Jean-François Lisée, alors conseiller auprès du premier ministre Bouchard, abonde dans ce sens. Il soutient par ailleurs que la présence de M. Caillé tombait sous le sens... » (Kathleen Lévesque.)

On pourrait dire, pour éviter la répétition, que la présence de M. Caillé allait de soi ou s'imposait.

Line Gingras
Québec

« Autopsie d'un cauchemar de glace » : http://www.ledevoir.com/2008/01/05/170810.html
Texte de la chanson : http://www.frmusique.ru/texts/t/thibeault_fabienne/mariec...
Présentation du roman et de l'auteur : http://www.livres-bq.com/Auteurs.asp?36

04 janvier 2008

Blanc de mémoire

Blanc de mémoire; blankmemory blank; anglicisme; calque de l'anglais.

« Pour ma mère, des pans de l'histoire ont disparu, l'encre s'est effacée. Le verglas n'est plus qu'un blanc de mémoire. » (Michèle Ouimet, dans La Presse. La journaliste fait allusion à la « crise du verglas » de janvier 1998.)

Ce blanc de mémoire est assez évocateur des visions de glace, d'une beauté terrifiante, qui m'ont assaillie dans les rues d'Ottawa lorsque, la tempête enfin terminée (je fais partie des privilégiés qui n'ont pas manqué d'électricité), je suis sortie retrouver des amis, dans le silence du centre-ville que rompaient des craquements de branches. Cependant, le Multidictionnaire, le Chouinard, le Colpron et le Dagenais donnent cette expression pour le calque de memory blank; jeune traductrice, j'ai appris à l'éviter; et l'on voit plusieurs condamnations dans Internet.

Le Petit Robert (2007) reçoit blanc, il est vrai, au sens de trou de mémoire, à titre de régionalisme utilisé au Canada et en Suisse. Mais je ne peux que déconseiller cet emploi - comme celui de blanc de mémoire, à l'extérieur du contexte très particulier où il se rencontre ici.

Line Gingras
Québec

« La tribu » : http://www.cyberpresse.ca/article/20080104/CPOPINIONS05/8...

31 décembre 2007

Dans tous les milieux le lieu

« Je ne sais pas si c'est parce que le Québec a aimé l'exercice de défoulement que leur a proposé la commission Bouchard-Taylor, mais les soupers de famille, depuis le début du temps des Fêtes, sont devenus dans tous les milieux le lieu choisi d'analyses intéressantes de l'état général du Québec. » (Lise Payette.)

Je suggérerais, dans le premier cas :

Je ne sais pas si c'est parce que le Québec a aimé l'exercice de défoulement que lui a proposé...

Je ne sais pas si c'est parce que les Québécois ont aimé l'exercice de défoulement que leur a proposé...

Et dans le second :

... sont devenus dans tous les milieux l'occasion choisie pour se livrer à des analyses intéressantes...

... sont devenus dans tous les milieux le moment choisi pour se livrer à des analyses intéressantes...

Line Gingras
Québec

« Zone de turbulences en vue » : http://www.ledevoir.com/2007/12/28/170120.html

29 décembre 2007

Le Québec était un dominium

Dominium ou dominion.

« On s'était aussi posé de telles questions en 1908, lors des célébrations du 300e anniversaire. Or, à l'époque, le Québec était un dominium de l'Empire britannique et la Couronne avait joué un rôle moteur dans l'organisation des fêtes. » (Isabelle Porter.)

Il me semble avoir lu, dans mes manuels d'histoire, que le Canada était autrefois un dominion de l'Empire britannique. De fait, le Petit Robert et le Lexis ne consignent pas dominium, mais dominion :

Le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande constituaient des dominions. (Lexis.)

D'après le Trésor de la langue française informatisé, dominion est une adaptation du latin dominium.

Line Gingras
Québec

« 400e : la fête d'abord » : http://www.ledevoir.com/2007/12/29/170269.html

28 décembre 2007

Aux fins fonds de la forêt

Aux fins fonds de; aux fonds de; au fin fond de; au fond de.

« Ce policier révèle le prénom de l'enfant, Emmanuel, affirme qu'il est élevé par des guérilleros aux fins fonds de la forêt amazonienne et n'est confié que rarement à sa mère. » (Philippe Zygel, AFP.)

Le fond ou le fin fond d'un lieu, c'est la partie la plus reculée :

Aller dans le fin fond des forêts. (Lexis.)

J'aime le son du cor, le soir au fond des bois. (Vigny, dans le Petit Robert.)

Mme Cabridens joue la femme d'esprit enfouie au fin fond de cette horrible province... (Arène, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

... au fond d'une nuit elle-même au fond d'une banlieue défoncée elle-même presque au fond de l'Europe... (Cl. Simon, dans le Petit Robert.)

Le temps était supportable; nous avons marché vers le fond du bois, où la calèche devait venir nous prendre. (Las Cases, dans le Trésor.)

... une petite villa au fond du golfe. (Maupassant, dans le Trésor.)

Elle agonise au fond d'un cachot. (Mauriac, dans le Trésor.)

D'après les nombreux exemples que proposent les trois dictionnaires consultés, l'expression, dans un contexte comme celui qui nous occupe (il ne s'agit pas de dénicher des trésors douteux dans les fonds de tiroir ou les fonds d'armoire), ne s'emploie qu'au singulier :

... il est élevé par des guérilleros au fin fond de la forêt amazonienne...

Line Gingras
Québec

« Le destin de Clara Rojas, otage des FARC » : http://www.ledevoir.com/2007/12/29/170203.html?fe=2771&am...

27 décembre 2007

S'acquitter de + infinitif

S'acquitter de + infinitif; s'acquitter de + verbe à l'infinitif; s'acquitter de faire quelque chose; syntaxe.

« ... et même Marcel Tremblay, le frère du bon maire Tremblay, humoriste à ses heures, qui s'est acquitté tant bien que mal de nous faire accepter la neige sans le déneigement. Une idée originale. » (Lise Payette.)

D'après les exemples que je trouve dans le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, s'acquitter de appelle toujours un nom ou un pronom complément, jamais un verbe à l'infinitif : on s'acquitte d'une dette, d'un devoir, de ses fonctions, d'une mission, de ses obligations, de ses engagements, de sa promesse, de ce qu'on doit, d'un emprunt, d'une somme, d'une commission, d'un emploi, d'un office, d'une tâche.

Ces pauvres bougres viennent de s'acquitter de l'impôt. (Gide, dans le Trésor.)

... il était facile de voir qu'il s'acquittait de cette visite comme d'un devoir indispensable... (Delécluze, dans le Trésor.)

Pourtant, monter à cheval est peut-être la seule chose au monde dont je m'acquitte bien. (Stendhal, dans le Trésor. [Je m'acquitte bien de quoi? d'une chose.])

Je suggérerais :

... qui s'est chargé tant bien que mal de nous faire accepter la neige sans le déneigement.

Line Gingras
Québec

« Zone de turbulences en vue » : http://www.ledevoir.com/2007/12/28/170120.html

26 décembre 2007

Définitivement

Définitivement; anglicisme.

« Quand il a décidé de présenter un nouveau discours du Trône à la fin de l'été dernier, le premier ministre Harper était convaincu qu'à la lumière de la performance définitivement moyenne du Bloc québécois dans les sondages, Gilles Duceppe continuerait à assurer la survie de son gouvernement minoritaire. » (Chantal Hébert.)

Selon Gérard Dagenais, l'adverbe définitivement « n'a qu'un sens. Il indique qu'une chose est terminée, fixée, réglée de façon définitive, c'est-à-dire "de façon qu'on ne doive plus y revenir" : la Cour suprême tranche définitivement les différends qui lui sont soumis.

L'adverbe anglais definitely, poursuit l'auteur du Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, a une autre signification. Il veut dire "nettement, assurément, catégoriquement". C'est commettre un anglicisme que de prêter cette acception à définitivement. »

Le Colpron, le Multidictionnaire et le Chouinard donnent un avis semblable. J'ai trouvé divers équivalents dans les quatre ouvrages consultés, outre ceux qui sont proposés ci-dessus : certes, de tout cœur, incontestablement, indéniablement, indiscutablement, à coup sûr, sans aucun doute, décidément, absolument, bien entendu, bien sûr, certainement, sûrement.

Il va de soi que ces termes ne sont pas toujours interchangeables.

Line Gingras
Québec

« Le bulletin de l'opposition » : http://www.ledevoir.com/2007/12/10/167896.html

25 décembre 2007

Aux détriments de

Aux détriments de ou au détriment de; orthographe.

« Si Québec consent à délier les cordons de sa bourse, il faudra toutefois que cela se fasse en surplus, a prévenu Mme Daoust. "Si jamais on décidait de financer notre organisme à la hauteur de nos besoins, il ne faudrait pas que cela se fasse aux détriments des autres organismes, comme c'est arrivé dans le passé." » (Louise-Maude Rioux Soucy.)

On écrit aux dépens de, à ses dépens, mais au détriment de, à son détriment :

Comme Antipas jurait qu'il ferait tout pour l'Empereur, Vitellius ajouta : - "Même au détriment des autres?" (Flaubert, dans le Petit Robert.)

Ce choix a été fait au détriment des adultes, mais à l'avantage des enfants. (Multidictionnaire.)

Abaisser les prix au détriment de la qualité. (Lexis.)

L'erreur est-elle à votre avantage ou à votre détriment? (Lexis.)

Menace de gelée, qui s'est réalisée dans la nuit au détriment de ce pauvre pays. (Delacroix, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Line Gingras
Québec

« Maison du partage d'Youville - Une banque alimentaire menacée de fermeture à la veille des Fêtes » : http://www.ledevoir.com/2007/12/21/169455.html

23 décembre 2007

Étendre ou élargir le public

« ... aux patients victimes d'un premier infarctus étendu et qui présenteront un risque de complications. Il n'est toutefois pas impossible que le public cible soit étendu si l'expérience s'avère concluante. » (Louise-Maude Rioux Soucy.)

On pourrait éviter la répétition, de même que la rime :

... Il n'est toutefois pas exclu que le public cible soit élargi si l'expérience s'avère concluante.

... Il se pourrait toutefois que le public cible soit élargi si l'expérience s'avère concluante.

Line Gingras
Québec

« Un cœur de secours dans la moelle osseuse » : http://www.ledevoir.com/2007/12/20/169330.html

19 décembre 2007

Toutes celles et ceux

Toutes celles et ceux; tous ceux et celles; grammaire française.

« Dans les circonstances, je crois qu'il serait opportun, pour toutes celles et ceux des Premières Nations qui ont le sentiment que leur histoire, leurs valeurs profondes et leur nation ont été bafouées, que vous vous excusiez. » (Alexis Wawanoloath, député du Parti québécois dans Abitibi-Est.)

Tous les garçons et les filles de mon âge / Se promènent dans la rue deux par deux... (Françoise Hardy.)

L'adjectif indéfini toutes ne peut se rapporter qu'à des noms ou des pronoms féminins; devant des termes coordonnés incluant un masculin, il faut employer tous, que l'on fait suivre immédiatement d'un masculin :

... pour tous ceux et celles des Premières Nations...

D'autres formulations seraient possibles :

... pour toutes celles et tous ceux des Premières Nations...
... pour tous les membres des Premières Nations...
... pour toutes les personnes des Premières Nations...

Line Gingras
Québec

« Lettre à Mario Dumont, chef de l'opposition officielle - Propos blessants et méconnaissance des cultures autochtones » : http://www.ledevoir.com/2007/12/17/168861.html

17 décembre 2007

Débuter, ça dure longtemps?

Débuter jusqu'à; aspect du verbe.

« ... le spectacle débutera autour de 23 h jusqu'au fameux décompte. » (Isabelle Porter.)

Le verbe débuter marque une action ponctuelle; il ne convient pas pour exprimer la durée (le spectacle ne peut pas débuter jusqu'à la fin!). Je proposerais donc :

... le spectacle débutera autour de 23 h et se terminera juste avant le fameux décompte.

... le spectacle débutera autour de 23 h et se terminera au moment du fameux décompte.

* * * * *

« ... on les verra sur un gigantesque écran géant... »

Un écran gigantesque ferait l'affaire, non?

Line Gingras
Québec

« Un gigantesque spectacle extérieur fera vibrer Québec le 31 décembre » : http://www.ledevoir.com/2007/12/04/167178.html

12 décembre 2007

Demandez toujours...

Pléonasme.

« D'autres documents, ceux-là du haut commandement militaire, reconnaissent que les Forces armées "doivent être prêtes à répondre sur demande, si elles y sont autorisées, aux demandes d'aide liées à la sécurité lors du Congrès eucharistique et du Sommet de la francophonie". » (Gilles Toupin, dans La Presse.)

Je demanderais bien au rédacteur ou au traducteur de se relire, s'il n'était pas trop tard.

Le titre de cet article (« Menace terroriste sur le 400e anniversaire ») me paraît quelque peu alarmiste : en fait, il semble qu'on n'ait reçu aucune menace, qu'aucun indice particulier ne conduirait à craindre un attentat; on s'efforce seulement de parer à toute éventualité, comme il se doit.

Line Gingras
Québec

« Menace terroriste sur le 400e anniversaire » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071211/CPACTUALITES/7... 

09 décembre 2007

Rabattre les oreilles

Rabattre les oreilles ou rebattre les oreilles; paronymes.

« Par exemple, madame la ministre et son règlement de trois minutes dont on nous rabat les oreilles ces jours-ci. » (Pierre Foglia.)

On rabat le caquet à quelqu'un, mais on lui rebat les oreilles :

S'il n'arrête pas de me rebattre les oreilles de ses récriminations, je vais lui rabattre le caquet.

Line Gingras
Québec

« Trois minutes d'écologie » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071208/CPOPINIONS05/7...

08 décembre 2007

Matte ou mate?

Matte ou mate; orthographe.

« ... une feuille de papier d'aluminium a deux faces : une brillante et une presque matte. » (Fabien Deglise.)

Le contraire de brillante, c'est mate :

Peinture mate. (Petit Robert.)
Une couleur mate. (Hanse-Blampain.)

Line Gingras
Québec

« Quand maman Dion perd la boule... Magik » : http://www.ledevoir.com/2007/12/08/167711.html

07 décembre 2007

Au tournant du début...

Au tournant du début de l'an prochain; au tournant du début de l'année; au tournant du début du siècle.

« Si des élections fédérales devaient se présenter au tournant du début de l'an prochain, elles coïncideraient avec l'intensification des grandes manœuvres internationales en vue de l'après-Kyoto. » (Chantal Hébert.)

« Avec une campagne électorale qui se dessine au tournant du début de l'année, on attend encore de voir si le chef conservateur a déniché quelques candidats d'envergure pour rehausser le calibre de son contingent québécois. » (Même journaliste, autre article.)

Le substantif tournant peut désigner le « moment où ce qui évolue change de direction, devient autre » (Petit Robert) :

L'entreprise arrive à un tournant décisif de ses activités de diversification. (Multidictionnaire.)

Ce grand débat sera sûrement le tournant dans la campagne électorale en cours. (Chouinard.)

Au dernier tournant de la vie, la curiosité qui nous penche sur les livres devient rétrospective. (Mauriac, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

Sauf pour quelques individus privilégiés, la quarantaine marque un tournant décisif. (L'Express, dans le Trésor.)

Cette bataille a marqué un tournant dans l'histoire. (Lexis.)

Il est à un tournant de sa carrière. (Petit Robert.)

Le Petit Robert donne en outre cet exemple :

Au tournant du siècle.

Cette expression, selon ce qu'indique une recherche Google, s'applique souvent aux dernières années d'un siècle, et aux premières du siècle suivant.

Le Meertens, à l'article « turn », propose toutefois au début du siècle comme équivalent de at the turn of the century. Dans Le Robert & Collins Super Senior, l'expression est rendue par en début de siècle ou en fin de siècle; et les auteurs traduisent at the turn of the year par vers la fin de l'année, en fin d'année.

En tout cas, rien ne me permet de croire que la journaliste ait voulu dire quoi que ce soit, par la curieuse expression au tournant du début, qu'un simple au début (ou dès le début) n'aurait pas exprimé; de fait, elle semble d'avis que des élections fédérales pourraient avoir lieu en février...

Line Gingras
Québec

« Un an plus tard » : http://www.ledevoir.com/2007/11/26/166081.html
« Le bulletin du premier ministre » : http://www.ledevoir.com/2007/12/03/167026.html

05 décembre 2007

Décimer le respect

Décimer le respect; impropriété.

« "Le folklore et la fierté qui entouraient la GRC s'étiolaient depuis quelque temps. Mais la vidéo de la mort de Robert Dziekanski a décimé ce qui restait du respect que les Canadiens ont longtemps éprouvé à l'endroit de leur police nationale." » (Manon Cornellier, citant John Martin, du Vancouver Province.)

Dans l'Antiquité romaine, décimer signifiait « mettre à mort une personne sur dix, désignée par le sort » (Petit Robert) :

Strabon [...] fit décimer ses soldats coupables d'avoir massacré des décurions milanais. (Mérimée, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

De nos jours, ce verbe s'emploie couramment au sens de « faire périr un grand nombre de personnes » :

Épidémie, guerre, famine, fléau qui décime une population, un pays, une armée. (Exemples relevés dans le Petit Robert, le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain.)

Ces régiments qui ont sauvagement décimé le prolétariat révolutionnaire? (Martin du Gard, dans le Lexis.)

Ces tribus que les puissances esclavagistes décimaient et déportaient. (Mauriac, dans le Trésor.)

La Bible et Hérodote sont d'accord pour signaler l'apparition fulgurante d'une peste qui décima, en une nuit, les 180 000 hommes de l'armée assyrienne, sauvant ainsi l'empire égyptien. (Artaud, dans le Trésor.)

Le Trésor donne en outre les exemples suivants, où décimer est utilisé par analogie ou par métaphore :

La seule et unique couche de sa fille [...] avait décimé les dents, fait tomber les cils, terni les yeux, gauchi la taille, flétri le teint. (Balzac, dans le Trésor.)

Tous les mauvais miasmes qui déciment l'organisme du soldat. (Martin du Gard, dans le Trésor.)

On lui [au poète] décima son vocabulaire. (Valéry, dans le Trésor.)

J'aimerais, en ce qui concerne ces trois dernières phrases, attirer l'attention sur le complément d'objet direct : nous avons affaire dans le premier cas à un pluriel, les dents; il est question dans le deuxième exemple d'un organisme - composé de nombreux organes; enfin, Valéry parle du vocabulaire, dont je n'apprendrai à personne qu'il réunit une grande quantité de mots.

Mais le respect? Comment, à la lumière de ce qui précède, quelque chose ou quelqu'un pourrait-il décimer le respect? Le respect n'est pas un ensemble dont on peut isoler des éléments. Je proposerais plutôt :

... la vidéo de la mort de Robert Dziekanski a détruit / a anéanti ce qui restait du respect que les Canadiens ont longtemps éprouvé à l'endroit de leur police nationale.

* * * * *

« "Les passagers avaient l'habitude d'être traités comme des clients dans les aéroports internationaux canadiens. Maintenant, il semble être perçus d'abord et avant tout comme des menaces à la sécurité." » (Cette fois, il s'agit de la traduction d'un article du Leader-Post, de Regina.)

De toute évidence, il semble ne devrait pas être présenté comme un tour impersonnel : les passagers semblent être perçus - ils semblent être perçus.

Line Gingras
Québec

« Revue de presse - Électrochoc policier » : http://www.ledevoir.com/2007/11/24/165847.html

04 décembre 2007

Mémoire défaillante

« ... une étude japonaise qui bat en brèche l'idée répandue selon laquelle que l'homme est supérieur au singe pour toutes les fonctions cognitives. » (AP.)

« Un test a mis comparé trois chimpanzés de cinq ans, qui avaient appris l'ordre des chiffres de 1 à 9, et une dizaine de volontaires humains. »

Le journaliste a voulu modifier la construction de ces deux phrases; mais sitôt les changements apportés, croirait-on, il s'est empressé d'oublier les avoir faits, et ne s'est donc pas relu. C'est peut-être vrai, que notre mémoire ne vaut pas celle des chimpanzés...

Line Gingras
Québec

« Le chimpanzé a une meilleure mémoire que l'homme » : http://www.ledevoir.com/2007/12/04/167139.html

03 décembre 2007

Un privilège qui incombe aux députés

Incomber; impropriété.

« En point de presse, il [le député François Gendron] a rappelé qu'il était normal qu'un gouvernement informe la population de ses orientations et "communique avec le public" mais que, dans le cas qui nous occupe, la ministre était entrée dans les détails, un privilège qui incombe normalement aux députés au moment de la présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale. » (Isabelle Porter.)

D'après ce que je vois dans le Petit Robert, le Multidictionnaire, le Lexis et le Trésor de la langue française informatisé, incomber se dit à propos d'une charge, d'un devoir, d'une obligation, d'une responsabilité :

Ces réparations incombent au propriétaire de la maison. (Lexis.)

Dépenses, frais, fonction, mission, soin, tâche incombant à une personne. (Trésor.)

C'est un concert unanime de tout ce qui se prétend chef de quelqu'un ou de quelque chose pour rejeter la responsabilité qui lui incombe sur le subalterne coupable d'être trop bien entré dans l'esprit de ses supérieurs. (Clemenceau, dans le Trésor.)

En fait, c'est aux États-Unis qu'appartenait la décision, puisque l'effort principal leur incombait dorénavant. (De Gaulle, dans le Trésor.)

Or, le privilège se définit comme un « droit, [un] avantage particulier accordé à un seul individu ou à une catégorie, en dehors de la loi commune » (Petit Robert). Un privilège ne saurait donc incomber aux députés - il leur appartient ou leur revient, plutôt. Dans la phrase qui nous intéresse, étant donné que ce ne sont pas les députés qui entrent dans les détails, je crois qu'il aurait fallu écrire :

... la ministre était entrée dans les détails, ce qui se fait normalement devant les députés, au moment de la présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale.

Line Gingras
Québec

« La ministre des Transports heurte les susceptibilités de l'opposition péquiste » : http://www.ledevoir.com/2007/11/14/164365.html

01 décembre 2007

Faire planer une menace à quelqu'un

Planer à ou planer sur; préposition; syntaxe.

« Ceux qui fréquent la mosquée jour et nuit, qui font évacuer des cabanes à sucre entières pour prier Allah, qui lapident leurs (multiples) épouses sur la voie publique, qui font planer une menace de djihad armé à une directrice d'école si la flûte à bec est au programme du cours de musique... » (Patrick Lagacé, dans La Presse.)

Faudra que je demande à mon beau-frère ce qu'il peut bien avoir contre la flûte à bec, mon instrument préféré...

Mais non, le journaliste plaisante. Seulement, je suis d'avis qu'il se trompe de préposition; d'après les exemples que donnent les dictionnaires généraux, une menace ne plane pas à quelqu'un ou quelque chose, mais sur quelqu'un ou quelque chose :

... la douleur et le deuil qui planaient sur cette maison. (Balzac, dans le Petit Robert.)

Un régime de terreur planait sur la Gaule. (Fustel de Coulanges, dans le Lexis.)

C'est une cérémonie religieuse qu'une tragédie grecque. [...] toujours le destin planant sur la vie de l'homme. (Staël, dans le Trésor de la langue française informatisé.)

L'enfant ne répond pas, obstinément, laissant planer sur son père le soupçon que c'est lui qui l'a jeté par la fenêtre. (Goncourt, dans le Trésor.)

Il manœuvre avec son dossier secret pour laisser planer un doute [...] sur l'innocence de Dreyfus. (Clemenceau, dans le Trésor.)

Line Gingras
Québec

« Voile maudit » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071126/CPOPINIONS05/7...

30 novembre 2007

Ils arrivent bon dernier

Ils arrivent bon dernier ou ils arrivent bons derniers; ils arrivent bon premier ou ils arrivent bons premiers; bon dernier; bon premier; gentilé; orthographe.

« Les jeunes Québécois lisent de moins en moins bien [...] Et à l’échelle du Canada, ils arrivent bon dernier. » (Ariane Lacoursière, dans La Presse.) 

D'après ce que je vois dans le Multidictionnaire et le Hanse-Blampain, à l'article « bon », les deux éléments des expressions bon premier et bon dernier (celle-ci étant utilisée par ironie, selon le Trésor de la langue française informatisé) varient en genre et en nombre :

Elles se sont classées bonnes premières. (Multidictionnaire.)

Et à l'échelle du Canada, ils arrivent bons derniers.

* * * * *

« Selon M. Martinez, cette statistique explique en grande partie les mauvais résultats des jeunes Québécois. L’étude du CIEAS révèle également que la lecture n’occupe pas une place de choix dans la vie des Québécois. Alors que 39 % des jeunes albertains possèdent plus de 100 livres à la maison... »

Le gentilé (« dénomination des habitants d'un lieu, relativement à ce lieu », d'après le Petit Robert) est un nom propre; il prend donc la majuscule : les jeunes Québécois, les jeunes Français, les jeunes Canadiens, les jeunes Albertains.

* * * * *

Lorsque j'ai lu cet article pour la première fois hier soir, j'y ai relevé aussi deux fautes d'accord du participe passé employé avec avoir, et une faute d'accord de l'adjectif possessif - trois fautes bêtes que je trouvais plutôt gênantes, comme il s'agit d'un texte sur les « habiletés de lecture ». Depuis, il semble que les correcteurs soient passés par là (même s'ils n'ont pas tout vu), du moins pour la version Internet du journal. Mais un autre blogueur avait déjà signalé ces erreurs. Et l'adresse de l'article a changé...

Line Gingras
Québec

« Habiletés de lecture : les mots pèsent lourd au Québec » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071130/CPACTUALITES/7... (nouvelle adresse)

http://www.cyberpresse.ca/article/20071129/CPACTUALITES/7... (ancienne adresse; ne fonctionne plus)

29 novembre 2007

Grammaire et contresens : attention à l'adjectif possessif!

Adjectif possessif; déterminant possessif; nombre du possesseur.

« Des prisonniers talibans remis par l'armée canadienne aux autorités afghanes sont ensuite torturés par ses services secrets.

"Frappés à coups de brique, privés de sommeil, ongles arrachés, chocs électriques", révélait la journaliste Michèle Ouimet dans La Presse le mois dernier, lors de sa quatrième mission en Afghanistan. » (Paul Journet, dans La Presse.)

L'adjectif ou déterminant possessif ses n'indique pas seulement le nombre du substantif auquel il se rapporte (services secrets, au pluriel), mais encore celui du « possesseur » : ses renvoie à un possesseur singulier (exemple : l'armée cherche à motiver ses soldats), tandis que leurs renverrait à un possesseur pluriel ou à plusieurs possesseurs (exemple : les autorités n'ont pas encore fait connaître leurs commentaires). Or, il n'y a qu'un seul singulier dans la phrase : l'armée canadienne. Et comme cette phrase commence l'article, on ne peut pas chercher un autre possesseur dans une phrase précédente. Faudrait-il donc croire que les services secrets de l'armée canadienne torturent les prisonniers talibans? C'est ce que semblerait nous apprendre le journaliste.

Je lui prescris un double expresso, et une bonne relecture.

Line Gingras
Québec

« Les dessous de la guerre aux Francs-tireurs » : http://www.cyberpresse.ca/article/20071128/CPARTS/7112807...